LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Q... X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 24 mai 2018, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 8 juin 2017, pourvoi n°16-84.998) pour atteintes sexuelles aggravées, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis et mise à l'épreuve, dix ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation :
Sur le deuxième moyen de cassation, pris en ses première et deuxième branches :
Les moyens étant réunis :
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-25, 227-26, 227-27, 227-29, 227-31 du code pénal, 388, 469, 591,592 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt à jugé que les faits commis pour M... V... l'ont été sur une mineure de quinze ans et les a requalifiés en ce sens, a déclaré M. Q... X... coupable des faits d'atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans pour M... V... et d'atteinte sexuelle sur mineures de plus de quinze ans pour B... C... et P... F..., a condamné M. X... à un emprisonnement délictuel de trois ans dont deux ans avec sursis, a ordonné à M. X... de réparer les dommages causés par l'infraction, lui a interdit d'entrer en relation avec les victimes de l'infraction et a prononcé une peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pour une durée de dix ans, a ordonné son inscription au fichier informatisé judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et a prononcé sur les intérêts civils ;
"1°) alors que, s'il appartient au juge de restituer aux faits poursuivis leur véritable qualification, il ne peut substituer des faits distincts à ceux de la prévention, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur ces faits nouveaux ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a constaté l'arrêt attaqué, M. X... avait été cité devant le tribunal correctionnel pour des faits d'atteinte sexuelle sur J... V..., mineure âgée de plus de quinze ans ; que M. X... a refusé, au cours de l'audience du 25 janvier 2018, d'être jugé pour des faits d'atteintes sexuelles sur une mineure de quinze ans ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. X... aurait accepté d'être jugé pour les faits d'atteinte sexuelle sur J... V..., mineure de moins de quinze ans, ne pouvait en conséquence se prononcer sur ces faits ;
"2°) alors que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; que les pièces du dossier ne démontrent pas que la cour d'appel, si elle a abordé la question de l'âge de J... V..., aurait évoqué la requalification des faits au cours de l'audience du 19 avril 2018 ; qu'à supposer même qu'elle n'ait pas statué sur des faits dont elle n'était pas saisie, la cour d'appel ne pouvait requalifier en atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans les faits qui auraient été commis par M. X... sur J... V... sans mettre le prévenu en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ;
" 3°) alors que l'atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est une infraction intentionnelle qui n'est établie que si l'auteur a eu la conscience, d'une part, de l'âge du mineur, d'autre part, de commettre un acte sexuel répréhensible ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt que M. X... était âgé de 23 ans au moment de la sortie au cinéma et M... V..., collégienne, d'un peu plus de 14 ans ; que la cour d'appel ne pouvait se borner, pour retenir qu'Q... X... avait commis l'infraction d'atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans, à relever qu'il avait eu délibérément des contacts corporels avec la mineure, sans relever qu'il savait, d'une part, que Mellissa V... avait 14 ans et quelques mois et non 15 ans, d'autre part, qu'il commettait en flirtant un acte répréhensible ;
"4°) alors que la circonstance aggravante de personne abusant de l'autorité de ses fonctions suppose pour être caractérisée, l'existence, entre l'auteur présumé de l'infraction et la victime, d'une relation de subordination ou de dépendance de droit ou de fait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme M... V... considérait M. X..., qu'elle connaissait depuis longtemps, comme un ami ; qu'il n'existait, dès lors, aucun lien d'autorité entre Mme V... et Q... X... ; qu'en se fondant sur la seule circonstance qu'Q... X... avait été entraîneur de basket au sein d'un collège et accompagnait la sortie au cinéma pour affirmer qu'il « était une personne en autorité en abusant également de ses fonctions » , la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles susvisés ;
"5°) alors que les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace, ni surprise sur un mineur âgé de plus de quinze ans ne sont constituées que si elles sont commises par une personne ayant autorité ou ayant abusé de l'autorité conférée par leurs fonctions ; que la notion d'autorité suppose, pour être caractérisée, l'existence, entre l'auteur présumé de l'infraction et la victime, d'une relation de subordination ou de dépendance de droit ou de fait et ne peut être déduite du seul emploi exercé par l'auteur plusieurs années avant les faits reprochés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que B... C... tenait M. X..., qu'elle connaissait depuis longtemps comme un ami, ce dernier n'étant plus depuis longtemps son entraîneur de basket au moment des faits ; qu'il n'existait, dès lors, aucun lien d'autorité, de hiérarchie ou de dépendance entre B... C... et M. X... ; qu'en se fondant sur la seule circonstance qu'B... C... se sentait en confiance pour en déduire que M. X... avait autorité lors de la sortie au bord de la rivière puis lorsqu'B... C... avait accepté d'avoir un rapport sexuel, la cour d'appel, n'a pas justifié sa décision au regard des articles susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., âgé de 22 ans à l'époque des faits, a été poursuivi pour avoir commis des atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ou surprise, par personne ayant autorité sur J... V... et B... C..., mineures de plus de 15 ans, et des atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ou surprise sur P... F..., mineure de 15 ans ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des faits commis sur J... V... et s'est déclaré incompétent pour connaître des faits de nature criminelle concernant B... C... et P... F... ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions ; que, sur pourvoi de M. X..., la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Sur le moyen de cassation, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, par personne ayant autorité, sur J... V..., l'arrêt retient qu'il a été pendant trois ans l'entraîneur sportif du club où la mineure évoluait dans la catégorie des benjamines, qu'il a gagné sa confiance et celle de ses parents, que, lors de la séance de cinéma au cours de laquelle les faits ont été commis, quand bien même il n'était plus son entraîneur, il exerçait une autorité de fait sur la mineure, qui pouvait penser légitimement se trouver en sécurité avec lui au cours de cette sortie scolaire qui se faisait sous sa responsabilité en qualité d'encadrant ; que les juges retiennent que la mineure a fait un récit de la scène exempt de toute ambiguïté, décrivant le geste du prévenu qui a pris sa main pour la poser sur son sexe en érection par dessus ses vêtements et un baiser sur la bouche ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine et qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs, tant matériels que moral, le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les griefs ne sont pas fondés ;
Mais, sur le moyen de cassation, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs
propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, par personne ayant autorité, sur B... C..., l'arrêt énonce que la mineure avait fait sa connaissance alors que, en classe de 5ème, elle suivait sous sa responsabilité une formation pour devenir entraîneur sportif, que, au fil des années et mise en confiance, elle finissait par le considérer comme un ami et acceptait, le 18 mars 2013, de l'accompagner pour une sortie et de le suivre dans son appartement où elle avait avec lui un rapport sexuel complet, dont l'existence n'était pas niée par le prévenu qui précisait cependant que la mineure était consentante ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi le prévenu exerçait, au moment des faits, une autorité sur la mineure, et alors que cette circonstance ne saurait se déduire des seuls sentiments d'amitié que l'adolescente éprouvait à son égard, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2018;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.