LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 5 juin 2009, la société Banque Palatine (la banque) a consenti un prêt à la société S... U... (la société) ; que l'acte prévoyait une garantie Oseo et le cautionnement solidaire de M. U..., à concurrence de la somme de 123 805 euros représentant 50 % du montant du prêt, augmenté des intérêts, commissions et accessoires ; que par un acte du 28 juin 2009, M. U... s'est rendu caution à concurrence de la somme de 127 000 euros ; que la société ayant cessé d'honorer les échéances du prêt, la banque a assigné en paiement la caution, qui a invoqué la nullité de son engagement au motif qu'il avait été souscrit pour un montant supérieur à celui prévu à l'acte de prêt ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour rejeter la demande de la banque, l'arrêt, après avoir relevé que M. U... avait signé son engagement de caution le 28 juin 2009 « dans la limite de 127 000 euros », retient qu'à la date à laquelle l'engagement de caution a été souscrit, l'encours du crédit était de 200 000 euros, ce dont il résulte que, compte tenu de l'intervention d'Oseo, l'engagement de caution ne pouvait être souscrit pour plus de 100 000 euros, que par ailleurs, au regard de la garantie accordée, il devait être stipulé dans l'engagement de caution que l'obligation de paiement de la caution serait limitée à 50 % de l'encours restant dû au moment de la défaillance du cautionné, qu'il en résulte que l'obligation faite à M. U..., puisqu'il s'agissait de l'une des conditions suspensives d'octroi de prêt fait à la société S... U..., de souscrire un engagement de caution à hauteur de 127 000 euros et pour la totalité des sommes dues dans cette limite était dolosif comme contraire aux engagements résultant de l'autre condition suspensive, soit l'octroi d'une garantie par Oseo ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser les manoeuvres dolosives de la banque qui auraient été effectuées dans le but de tromper la caution sur un élément déterminant de son engagement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu que pour rejeter la demande de la banque, l'arrêt retient encore que celle-ci soutient qu'il ne résulte de la discordance dénoncée par la caution aucune nullité de l'engagement souscrit et qu'il suffit de limiter sa condamnation à la moitié de l'encours des sommes dues par le débiteur principal, ce à quoi elle s'est résolue pour la première fois dans ses conclusions d'appel au regard de la nullité soulevée par M. U..., et après avoir poursuivi ce dernier durant quatre années pour la totalité de la dette, mais que l'analyse de la banque est inexacte, les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation exigeant, au-delà de leur caractère formel, la démonstration de l'existence d'un consentement éclairé de la caution aux obligations qu'elle souscrit, lequel a manifestement fait défaut en l'espèce ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, si les mentions manuscrites figurant dans l'engagement de la caution sont conformes à celles exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, aucune nullité de cet engagement ne peut être fondée sur la méconnaissance de ces textes au motif erroné qu'ils imposeraient, au-delà de leur lettre, de s'assurer du consentement éclairé de la caution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Banque Palatine de condamnation de M. U... au titre du cautionnement solidaire souscrit le 28 juin 2009, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. U... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Banque Palatine la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf et signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Banque Palatine.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société banque Palatine de sa demande de condamnation de M. H... U... au titre du cautionnement solidairesouscrit le 28 juin 2009 ;
Aux motifs que «M. U... sollicite l'annulation de son engagement de caution pour vice du consentement pour la première fois en cause d'appel. Cette prétention étant formée afin de faire écarter la demande en paiement formée à son encontre par la Banque Palatine, elle doit être déclarée recevable par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. Le prêt souscrit le 5 juin 2009 par l'emprunteur principal était un prêt d'un montant en capital de 200 000 € assorti de deux conditions suspensives : une contre-garantie OSEO à hauteur de 90% et la caution personnelle et solidaire de M. H... U... à hauteur de la somme de 123 805,00 € représentant 50% du montant du prêt augmenté des intérêts commissions et accessoires. OSEO a adressé à la SAS S... U... une notification de garantie datée du 24 avril 2009 stipulant que la garantie était accordée, moyennant un coût de 1,20% par an basé sur l'encours d'intervention, et la caution solidaire de M. H... U... « à hauteur de 50% de l'encours du crédit ». OSEO ne peut être considéré comme un tiers dans les relations entre la banque, le cautionné et la caution. En effet, d'une part sa commission est payée par le cautionné, d'autre part, son intervention a notamment pour finalité d'assurer le financement des PME tout en limitant les risques personnels encourus par leurs dirigeants ; le sort de la caution est donc un élément déterminant de l'octroi de la garantie OSEO, garantie financée pour partie par des fonds publics. M. U... a signé son engagement de caution le 28 juin 2009 « dans la limite de 127 000 € », s'engageant à rembourser au prêteur les sommes dues sur ses revenus et ses biens si la société S... U... n'y satisfaisait pas elle-même. Or, à la date à laquelle l'engagement de caution a été souscrit, l'encours du crédit était de 200 000 €, ce dont il résulte que compte tenu de l'intervention d'OSEO l'engagement de caution ne pouvait être souscrit pour plus de 100 000 €. Par ailleurs, au regard de la garantie accordée, il devait être stipulé dans l'engagement de caution que l'obligation de paiement de la caution serait limitée à 50% de l'encours restant dû au moment de la défaillance du cautionné. Il en résulte que l'obligation faite à M. U..., puisqu'il s'agissait de l'une des conditions suspensive d'octroi de prêt fait à la société S... U..., de souscrire un engagement de caution à hauteur de 127 000 € et pour la totalité des sommes dues dans cette limite était dolosif comme contraire aux engagements résultant de l'autre condition suspensive, soit l'octroi d'une garantie par OSEO. La Banque Palatine plaide qu'il n'en résulte aucune nullité de l'engagement souscrit et qu'il suffit de limiter sa condamnation à la moitié de l'encours des sommes dues par le débiteur principal, ce à quoi elle s'est résolue pour la première fois dans ses conclusions d'appel au regard de la nullité soulevée par l'intimé, et après avoir poursuivi ce dernier durant quatre années pour la totalité de la dette. L'analyse de l'appelante est inexacte, les dispositions des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation exigeant, au-delà de leur caractère formel, la démonstration de l'existence d'un consentement éclairé de la caution aux obligations qu'elle souscrit, lequel a manifestement fait défaut en l'espèce. Consécutivement, le cautionnement souscrit par M. H... U... est déclaré nul et la Banque Palatine déboutée de toutes ses prétentions envers lui» ;
Alors, premièrement, que le dol ne se présume pas et suppose une erreur déterminante provoquée intentionnellement par les manœuvres d'une partie ; que pour annuler le cautionnement souscrit par M. H... U... et débouter la Banque Palatine de toutes ses prétentions envers lui, l'arrêt attaqué retient «qu'à la date à laquelle l'engagement de caution a été souscrit, l'encours du crédit était de 200 000 €, ce dont il résulte que compte tenu de l'intervention d'OSEO l'engagement de caution ne pouvait être souscrit pour plus de 100 000 €», et en déduit que «l'obligation faite à M. U..., puisqu'il s'agissait de l'une des conditions suspensive d'octroi de prêt fait à la société S... U..., de souscrire un engagement de caution à hauteur de 127 000 € et pour la totalité des sommes dues dans cette limite était dolosif[sic] comme contraire aux engagements résultant de l'autre condition suspensive, soit l'octroi d'une garantie par OSEO »; qu'en statuant par ces motifs, quand la limitation du cautionnement à 50 % de l'encours du crédit restant dû imposée à la banque par l'intervention d'Oseo se rapportait au principal de la dette cautionnée et n'interdisait pas l'octroi d'un cautionnement souscrit dans la limite d'une somme globale garantissant également le paiement de sesintérêts et de ses accessoires, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les manœuvres qu'aurait pu déployer la banque dans le dessein de tromper la caution sur un élément déterminant de son engagement, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors, deuxièmement, que le dol ne se présume pas et suppose une erreur déterminante provoquée intentionnellement par les manœuvres d'une partie ; que pour annuler le cautionnement souscrit par M. H... U... et débouter la Banque Palatine de toutes ses prétentions envers lui, l'arrêt attaqué se borne à relever que «l'obligation faite à M. U..., puisqu'il s'agissait de l'une des conditions suspensive d'octroi de prêt fait à la société S... U..., de souscrire un engagement de caution à hauteur de 127 000 € et pour la totalité des sommes dues dans cette limite était dolosif[sic] comme contraire aux engagements résultant de l'autre condition suspensive, soit l'octroi d'une garantie par OSEO »; qu'en statuant par ces motifs, sans caractériser l'intention dolosive qui aurait pu animer la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors, troisièmement, que le dol ne se présume pas et suppose une erreur déterminante provoquée intentionnellement par les manœuvres d'une partie ; que pour annuler le cautionnement souscrit par M. H... U... et débouter la Banque Palatine de toutes ses prétentions envers lui, l'arrêt attaqué retient qu'«au regard de la garantie accordée, il devait être stipulé dans l'engagement de caution que l'obligation de paiement de la caution serait limitée à 50% de l'encours restant dû au moment de la défaillance du cautionné», et en déduit que «l'obligation faite à M. U..., puisqu'il s'agissait de l'une des conditions suspensive d'octroi de prêt fait à la société S... U..., de souscrire un engagement de caution à hauteur de 127 000 € et pour la totalité des sommes dues dans cette limite était dolosif[sic] comme contraire aux engagements résultant de l'autre condition suspensive, soit l'octroi d'une garantie par OSEO »; qu'en statuant par ces motifs, sans caractériser l'erreur déterminante que la caution, qui ne contestait pas avoir eu connaissance des conditions générales de la garantie Oseo, aurait pu commettre en souscrivant un engagement à hauteur de 127 000 € et pour la totalité des sommes dues dans cette limite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors, enfin, que les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 constituent des règles de forme qui, si leur but est de permettre à la caution de prendre conscience de la nature et de la portée de son engagement, exigent seulement que l'acte de cautionnement comporte les mentions prescrites par la loi à peine de nullité ; qu'en affirmant qu'«au-delà de leur caractère formel» ces dispositions imposaient «la démonstration de l'existence d'un consentement éclairé de la caution aux obligations qu'elle souscrit, lequel a manifestement fait défaut en l'espèce », la cour d'appel, qui en a méconnu le sens et la portée, a violé les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.