LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme L..., a interjeté appel, devant la cour d'appel, d'une décision de la juridiction prud'homale ; que, saisi par son employeur, le conseiller chargé de la mise en état a dit l'appel recevable ; que, sur déféré, la cour d'appel a infirmé l'ordonnance et dit l'appel irrecevable ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 430, 447, 454 et 458 du code de procédure civile et L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu qu'il résulte du dernier des textes susvisés que, sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair ;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce que pour délibérer, la cour était composée par un président de chambre et un conseiller ;
Que par cette inobservation de l'imparité, révélée postérieurement aux débats, l'arrêt encourt la nullité ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne la société Promod aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Promod à payer à Mme L... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme L...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la déclaration d'appel adressée par le conseil de Mme L... par lettre recommandée avec accusé de réception le 30 juin 2017;
ALORS QU'il résulte de l'article 916 du code de procédure civile que les ordonnances du conseiller de la mise en état qui statuent sur un incident mettant fin à l'instance sont déférées par requête à la cour d'appel ; qu'il résulte, par ailleurs, des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire que la cour d'appel statue en formation collégiale et est composée d'un président et de plusieurs conseillers ; qu'il résulte, enfin, de l'article L. 121-2 du même code que, sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair ; que selon la mention de la décision attaquée, la cour d'appel était composée lors des débats et du délibéré de « Madame C... J..., Président qui a présenté son rapport » et « Madame W... P..., Conseiller » ; que cette décision ne remplit donc pas les conditions légales de son existence, en violation des articles 450, 454 et 916 code de procédure civile et des articles L. 121-2, L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'organisation judicaire.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la déclaration d'appel adressée par le conseil de Mme L... par lettre recommandée avec accusé de réception le 30 juin 2017;
AUX MOTIFS QUE : « il n'est pas contesté que constitue bien une cause étrangère au sens de l'article 930-1 du code de procédure civile l'impossibilité pour un avocat domicilié en dehors du ressort de la cour d'appel d'utiliser le RPVA en matière prud'homale, de cette juridiction. Le conseil de Madame L... non inscrit au barreau du ressort de la cour d'appel de Poitiers justifie donc bien d'une cause étrangère l'autorisant à déroger aux règles de l'envoi électronique de sa déclaration d'appel. Mais la discussion instaurée par la société Promos ne porte pas sur ce point. La discussion porte sur la régularité de la communication par voie postale. Le décret du 6/05/2017 autorisant l'envoi postal (article 30-1°-a) n'est entré en vigueur qu'au 1/09/2017. C'est donc le régime antérieur au 1/09/2017 qui s'applique s'agissant de l'article 930-1 du code de procédure civile puisque la déclaration d'appel de Mme L... est du 30/05/2017. L'envoi de la déclaration d'appel par lettre recommandée n'était pas autorisé. L'argument selon lequel ce formalisme serait incompatible avec les exigences de l'article 6.1 CEDH n'est pas recevable dès lors que cette procédure permettait à l'avocat éloigné et qui ne souhaitait pas se rendre à la cour de prendre un postulant. Il est constant que les dispositions de l'article 930-1 ne sont pas applicables au défenseur syndical qui est autorisé depuis le 10/05/2017 à effectuer ses actes de procédure par remise au greffe ou par lettre recommandée, mais la procédure applicable aux avocats régie par l'article 930-1 du code de procédure civile n'est pas la même que celle applicable aux défenseurs syndicaux régie par l'article 930-2 du code de procédure civile. Par conséquent la déclaration d'appel effectuée par l'avocat de Mme L... par lettre recommandée avec accusé de réception le 30/05/2017 doit être déclarée irrégulière. La décision déférée sera infirmée » ;
1. ALORS QUE l'application des dispositions du code de procédure civile relatives à la représentation obligatoire devant la cour d'appel statuant en matière prud'homale n'implique pas la mise en oeuvre des règles de la postulation devant les cours d'appel, les parties pouvant être représentées par tout avocat, si elles ne font pas le choix d'un défenseur syndical ; qu'il en résulte que, lorsque le salarié appelant d'une décision prud'homale choisit d'être représenté par un avocat qui n'est pas inscrit dans le ressort de la cour d'appel, et qui n'est donc en mesure ni de procéder à la déclaration d'appel par voie électronique, ni de se déplacer pour remettre cette déclaration au greffe de la cour d'appel, cette remise peut être opérée par l'envoi au greffe de la déclaration par courrier recommandée avec accusé de réception ; qu'au cas présent, il est constant que l'appel du jugement du conseil de prud'hommes de La Rochelle du 6 juin 2017 a été formé par l'avocat de Mme L..., qui n'était pas domicilié dans le ressort de la cour d'appel de Poitiers, par l'envoi d'un courrier recommandé reçu par le greffe le 3 juillet 2017 ; qu'en déclarant cet appel irrecevable au motif qu'un tel envoi n'était pas autorisé et qu'il appartenait à l'avocat éloigné et qui ne souhaitait pas se rendre à la cour de prendre un postulant, la cour d'appel a violé les articles 930-1 du code de procédure civile, R. 1461-2 du code du travail, 5 et 5-1de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble les article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE d'une part, les limitations au droit d'accès au tribunal ne se concilient avec le droit au procès équitable que si elles poursuivent un but légitime de sécurité juridique ou de bonne administration de la justice et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que, d'autre part, s'il peut être prévu des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales ; que le salarié qui choisit de se faire représenter, pour faire appel d'un jugement prud'homal, par un avocat qui n'est pas inscrit dans le ressort de la cour d'appel et qui ne peut donc procéder à la déclaration d'appel par voie électronique, se trouve donc dans une situation identique à celle du salarié choisissant de se faire représenter par un défenseur syndical ; que l'interdiction faite, par l'article 930-1 du code de procédure civile au salarié représenté par un avocat qui n'est pas inscrit dans le ressort de la cour d'appel de saisir la cour par l'envoi d'un courrier recommandé avec accusé de réception n'est justifiée par aucun motif légitime et porte atteinte au droit d'accès au tribunal et au principe d'égalité entre les justiciables ; qu'en jugeant l'appel de Mme L... irrecevable au motif que l'article 930-1 du code de procédure civile n'autorisait pas son conseil, qui n'était pas inscrit dans le ressort de la cour d'appel de Poitiers, à envoyer la déclaration d'appel par lettre recommandée, cette possibilité n'étant accordée qu'au salarié représenté par un défenseur syndical, la cour d'appel a violé les articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1, 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.