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20/11/2019 | FRANCE | N°18-19573;18-19671

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 novembre 2019, 18-19573 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° D 18-19.671 et X 18-19.573 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. KC... K... et soixante et un autres salariés, qui ont été employés par l'établissement public La Monnaie de Paris, ont saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété résultant de leur exposition aux poussières d'amiante ; que certains d'entre eux ont également sollicité le paiement d'une indemnité de départ à la retraite ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° X 18-19.573 de l'employeur :

Attendu que l'employeur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° D 18-19.671 et X 18-19.573 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. KC... K... et soixante et un autres salariés, qui ont été employés par l'établissement public La Monnaie de Paris, ont saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété résultant de leur exposition aux poussières d'amiante ; que certains d'entre eux ont également sollicité le paiement d'une indemnité de départ à la retraite ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° X 18-19.573 de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à MM. A..., G..., YB... et KK... une indemnité de départ à la retraite, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article L. 1211-1 du code du travail, le personnel salarié d'un établissement public industriel et commercial bénéficie des dispositions du livre II du code du travail, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ; qu'en l'espèce, les ouvriers d'Etat employés par l'EPIC La Monnaie de Paris relèvent du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat selon lequel la pension de retraite est calculée sur la rémunération des six derniers mois, et bénéficient, en complément, d'un dispositif « coup de chapeau » consistant à revaloriser leur échelon et partant leur rémunération six mois avant leur départ en retraite ; que ce dispositif « coup de chapeau » qui constitue, comme l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail, un complément de salaire lié au départ à la retraite a donc le même objet que cette indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant le contraire, au motif inopérant qu'ils s'agit de deux avantages différents, certes liés au départ à la retraite, mais pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, la cour d'appel a violé les articles L. 1211-1 et L. 1237-9 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de concours de normes, les avantages qui ont le même objet ne se cumulent pas, seul le plus favorable d'entre eux pouvant être accordé, peu important que les deux avantages aient une nature différente et n'obéissent pas au même régime ; que l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail n'a pas pour objet de compenser un préjudice mais constitue un complément de rémunération attribué au salarié à l'occasion de son départ en retraite ; que le dispositif « coup de chapeau » dont bénéficient les ouvriers d'Etat de l'EPIC La Monnaie de Paris consiste à attribuer au salarié un échelon supérieur six mois avant son départ à la retraite, aux fins de majorer le montant de la rémunération prise en compte, dans le régime spécial de retraite des ouvriers d'Etat, pour déterminer le montant de la pension de retraite ; qu'il en résulte que ce dispositif « coup de chapeau » constitue également une gratification de fin de carrière et, partant, qu'il a le même objet que l'indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant néanmoins que l'indemnité de départ à la retraite et le dispositif « coup de chapeau » n'ont pas le même objet car il s'agit d'avantages différents pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les comparer pour déterminer lequel serait le plus avantageux, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

3°/ qu'en relevant que les salariés ayant déjà atteint le dernier échelon indiciaire ne bénéficient pas du « coup de chapeau », pour affirmer que le dispositif « coup de chapeau » n'a pas le même objet que l'indemnité légale de départ à la retraite et que ces deux avantages peuvent en conséquence se cumuler, cependant que les éventuelles différences quant aux conditions posées pour l'octroi d'un avantage ne modifient pas son objet et qu'en présence d'un concours de normes, le caractère plus favorable doit s'apprécier globalement pour l'ensemble des salariés, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

4°/ que l'accord du 16 décembre 2008 sur les classifications, rémunérations et évolutions professionnelles prévoit que ses dispositions se substituent de plein droit à toute disposition statutaire portant sur les mêmes thèmes et que les parties se réfèrent, pour tout ce qui ne fait pas l'objet de cet accord, aux dispositions législatives et réglementaires applicables au personnel ouvrier de l'Etat ; que s'il n'exclut pas le paiement d'une indemnité de départ à la retraite, il ne prévoit pas non plus que les dispositions du code du travail sur l'indemnité de départ à la retraite s'appliquent aux ouvriers d'Etat ; qu'en retenant encore, pour conforter sa décision, que cet accord collectif ne comporte aucune disposition relative à une indemnité de départ à la retraite, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1237-9 du code du travail ;

Mais attendu que l'usage dit du « coup de chapeau » pratiqué par l'employeur en faveur de salariés n'ayant pas atteint le dernier échelon indiciaire et leur permettant de bénéficier, six mois avant leur départ à la retraite, à la fois d'une augmentation de salaire et d'une majoration consécutive du montant de leur retraite, et l'indemnité de départ à la retraite de l'article L. 1237-9 du code du travail versée par l'employeur à tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse n'ont pas le même objet ; que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que ces deux dispositifs pouvaient se cumuler ; que le moyen qui, en ses troisième et quatrième branches, critique des motifs surabondants n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° D 18-19.671 des salariés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen de ce même pourvoi :

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que La Monnaie de Paris ne fait pas partie des établissements répertoriés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a institué, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle liée à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite avec mise en place du dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata), que le préjudice spécifique d'anxiété naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre de l'Acaata, dans la mesure où la connaissance de l'arrêté identifie et concrétise la connaissance du risque par les salariés qui ont été particulièrement exposés, qu'en l'absence d'inscription à ce jour de l'EPIC La Monnaie de Paris, sur la liste établie par arrêté ministériel, le préjudice d'anxiété allégué n'est pas né et n'est donc pas indemnisable en justice, à défaut de l'un de ses éléments constitutifs ;

Attendu, cependant, que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi n° X 18-19.573 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les soixante-deux salariés ou leurs ayants droit de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt rendu le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne l'établissement public La Monnaie de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement public La Monnaie de Paris à payer aux soixante-deux salariés ou à leurs ayants droit la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° D 18-19.671 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. KC... K... et soixante et un autres salariés ou ayants droit

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à la cour d'appel d'AVOIR débouté les exposants de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété.

AUX MOTIFS propres QUE il résulte des pièces produites, en particulier les fiches descriptives des affectations des agents, produites par la Monnaie de Paris, que ceuxci ont effectivement été salariés de cet établissement, le plus souvent pendant plusieurs dizaines d'années ; que l'utilisation d'amiante sur le site et la présence de poussières d'amiante en différents points du site résultent également des pièces produites, y compris par l'employeur, et cela n'est d'ailleurs pas contesté ; qu'il résulte explicitement des conclusions des agents que ceux-ci, faisant valoir l'exposition à un risque qualifié d'avéré résultant d'un travail effectué en présence d'amiante, et l'inquiétude permanente en raison des manquements reprochés à l'employeur en ce qui concerne l'obligation de sécurité du risque amiante, demandent à la cour de leur accorder la réparation de leur préjudice d'anxiété à hauteur de 100.000 euros chacun, outre la réparation d'un préjudice supplémentaire et distinct subi du fait de l'absence de mise en place d'un suivi médical, par les salariés concernés, à savoir les salariés considérés comme en exposition environnementale dite faible, ou hors liste ou classés tardivement sur la liste des salariés bénéficiant d'examens médicaux réguliers mis en place par la Monnaie de Paris ; que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a effectivement institué, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle liée à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite avec mise en place du dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) ; que les dispositions de ce texte, ni celles d'aucun autre texte, ne comportent la mention d'un quelconque préjudice d'anxiété dont l'existence a été consacrée par un arrêt de la cour de cassation, rendu le 11 mai 2010 par la formation plénière de la chambre sociale de la Cour de cassation, et confirmée par la suite, relativement à la situation des salariés qui, travaillant dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration d'une maladie liée à l'amiante ; que la Monnaie de Paris ne fait pas partie des établissements répertoriés à l'article 41, même à l'issue des modifications successives dont il a fait l'objet, et ne figure pas sur la liste établie par arrêté ministériel ; que le préjudice spécifique d'anxiété, lequel ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'Acaata, dans la mesure où la connaissance de l'arrêté identifie et concrétise la connaissance du risque par les salariés qui ont été particulièrement exposés ; que les travailleurs indiquent que des démarches ont été effectuées auprès de la Dirrecte et du ministère des finances en vue de l'inscription de La Monnaie de Paris, mais elles n'ont pas abouti à une inscription ; qu'en l'absence d'inscription à ce jour de l'Epic La Monnaie de Paris, sur la liste établie par arrêté ministériel, le préjudice d'anxiété allégué n'est pas né et n'est donc pas indemnisable en justice, à défaut de l'un de ses éléments constitutifs, et cela nonobstant les attestations produites, relatant selon les cas, une humeur maussade et triste, un état de préoccupation, d'inquiétude à la suite de l'état de maladie de certains collègues, en lien avec une exposition à l'amiante, et le fait que cette question est évoquée dans les conversations familiales ou amicales ; qu'il est sans incidence, au regard de la motivation ci-dessus quant aux éléments constitutifs du préjudice d'anxiété dont la réparation est sollicitée, que les salariés fassent état d'une exposition à d'autres produits susceptibles d'être dangereux, classés pour certains CMR ; qu'il est sans incidence sur le débat que la faute inexcusable de La Monnaie de Paris ait pu être retenue à l'occasion de litiges introduits devant le Tass, reposant sur des règles juridiques différentes et réparant des préjudices en toute hypothèse différents ; que le moyen relatif à l'inégalité de traitement ne peut davantage être retenu puisque la différence de traitement entre les salariés bénéficiaires ou non des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 résulte d'une situation différente, selon qu'ils ont ou non travaillé dans une entreprise inscrite sur la liste établie par arrêté ministériel, et pour la période définie, lorsque c'est le cas ; qu'il en est de même du moyen relatif aux dispositions légales et européennes, relatives à l'obligation générale de sécurité, pour le même motif, à savoir l'absence de caractérisation d'un préjudice indemnisable, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que s'agissant des fiches d'exposition, elles ont pour finalité de déterminer les modalités du suivi médical mis en place par l'employeur, puisque ni l'utilisation d'amiante ni la présence de poussières d'amiante durant tout ou partie de l'activité professionnelle des salariés en cause n'est contestée, mais ne sont pas susceptibles de créer par elles-mêmes un préjudice d'anxiété indemnisable, étant observé d'ailleurs que les salariés qui bénéficient du suivi considèrent que leur inquiétude en est réactivée à chaque examen et que ceux qui n'en bénéficient pas considèrent qu'il s'agit pour eux d'un préjudice supplémentaire et distinct, dont ils demandent réparation.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE il est constant au vu de pièces produites et des débats que l'agent a travaillé dans une ambiance amiantée ; que La Monnaie de Paris dans laquelle il a effectué pratiquement toute sa carrière professionnelle n'est pas classée dans le dispositif ACAATA ; qu'il appartient donc à l'agent de rapporter la preuve d'une faute de l'employeur, de la réalité d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice ; que c'est à tort qu'il fait valoir une entorse au principe d'égalité au motif qu'il serait contraint de démontrer un préjudice en lien causal avec une faute, alors que les salariés ayant travaillé dans un établissement inscrit sur la liste prévue par la loi du 29 décembre 1998 sont dispensés de la charge de cette preuve ; que d'une part, les établissements inscrits sur cette liste le sont en raison d'une exposition significative de leurs salariés aux fibres d'amiante ; que d'autre part, le dispositif légal prévoit la possibilité pour chaque salarié ou syndicat présent dans l'entreprise de solliciter cette inscription et force est de constater qu'en l'occurrence tel n'a pas été le cas ; qu'il incombe à l'agent de rapporter la preuve d'une faute de l'employeur consistant en des manquements à son obligation de sécurité de résultat de préserver la santé de ses salariés ; que l'agent produit une attestation selon laquelle il a travaillé comme aide-fondeur ; qu'il résulte cependant au contraire de pièces produites par l'établissement qu'il a respecté les réglementations successives en mettant en oeuvre des mesures de relevé des poussières en les réduisant dans la proportion indiquée par les textes applicables, en informant ses salariés sur les mesures de précaution à prendre, en fournissant les protections préconisées par les textes, en organisant un suivi médical en concertation avec le Médecine du Travail ; qu'il n'est d'ailleurs pas fait état de manquements qu'aurait pu relever l'Inspection du Travail à ce sujet ; qu'aucun manquement de l'employeur n'est donc établi ; que le travailleur doit en outre rapporter la preuve d'un préjudice ; que si le droit positif français admet la réparation d'un préjudice né de l'angoisse, il ne peut être fait droit à la réparation d'un préjudice hypothétique ; que l'angoisse doit donc être caractérisée par des éléments objectifs ; qu'il n'est pas établi en l'état actuel des connaissances médicales que seule une exposition forte peut déclencher une maladie liée à l'amiante ; qu'il ne peut donc être exigé de l'agent qu'il démontre un certain niveau d'exposition pour justifier de la réalité ou même de l'étendue de son préjudice ; que le préjudice d'anxiété se caractérise par une inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, sachant qu'elle peut se déclarer dans un délai allant jusqu'à ans après la première exposition ; que les pièces produites ne suffisent pas à démontrer la réalité d'un préjudice d'anxiété.

1° ALORS QUE dès lors qu'un travailleur a été exposé aux poussières d'amiante sur son lieu de travail, il doit être regardé comme justifiant l'existence d'un préjudice tenant à la situation d'inquiétude permanente dans lequel il se trouve face au risque de développer une maladie liée à l'amiante ; qu'en retenant que les agents n'avaient pas droit à être indemnisés de leur préjudice d'anxiété aux motifs que l'établissement n'avait pas été classé sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et qu'aucun préjudice d'anxiété n'avait donc pu naître à la suite d'un classement de ce type, quand elle a constaté que ceux-ci avaient été effectivement exposés à l'inhalation de poussières d'amiante sur leur lieu de travail, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

2° ALORS QUE en l'absence d'effet de seuil à l'origine des pathologies, les travailleurs exposés fortement à l'amiante sur leur lieu de travail mais dans un établissement n'ayant pas été classé sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 se trouvent, du fait de leur exposition à ce matériau, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à l'amiante identique à celle des travailleurs employés dans un établissement figurant sur cette liste ministérielle justifiant l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice d'anxiété des agents de l'établissement de Pessac de l'EPIC La Monnaie qui ont pourtant été exposés à l'amiante au sein de cet établissement non classé sur la liste susvisée, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement.

3° ALORS QUE le préjudice d'anxiété du travailleur naît de ce qu'il a été exposé aux poussières d'amiante de manière significative sur son lieu de travail ; qu'en retenant que le préjudice d'anxiété des travailleurs de l'amiante ne résultait pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante et ne naissait qu'à la date où ils avaient eu connaissance de l'arrêté de classement sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

4° ALORS QUE les exposants faisaient valoir que les contrôles du niveau d'empoussièrement de l'atmosphère n'avaient pas été faits par l'EPIC à la fréquence requise par la réglementation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à établir un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

5° ALORS QUE ayant constaté qu'il n'était pas établi en l'état actuel des connaissances médicales que seule une exposition forte pouvait déclencher une maladie liée à l'amiante, tout en refusant de constater que les agents exposés aux poussières d'amiante au sein de l'établissement de Pessac ne se trouvaient pas dans une situation d'inquiétude face au risque de développer une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel, qui a omis de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à la cour d'appel d'AVOIR débouté les exposants de leurs demandes de dommages et intérêts résultant de l'absence de mise en place d'un suivi post-professionnel.

AUX MOTIFS propres QUE ce préjudice moral présenté comme distinct prend néanmoins sa source dans l'exposition au risque créé par l'amiante et il viendrait s'ajouter au préjudice d'anxiété dont la réparation est également sollicitée ; qu'il n'en demeure pas moins que le préjudice d'anxiété, dont la réparation a été ci-dessus rejetée, inclut l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance du risque, que le salarié soit ou non soumis à un suivi médical ; que d'ailleurs les salariés concernés fondent leur demande sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ayant été exposés à l'amiante au sens du décret du 7 février 1996, et indiquent que leur angoisse est réactivée par l'inertie de l'employeur à organiser un suivi médical, de même que les salariés soumis à ce suivi indiquent de leur côté que leur angoisse serait réactivée par l'existence d'examens périodiques ; qu'en outre, les salariés remettent en cause, pour les uns, leur classement en exposition environnementale dite faible, pour les autres leur position hors liste et pour d'autres un classement en exposition intermédiaire tardivement intervenu, alors que le suivi médical, organisé par la Monnaie de Paris dont l'activité se situe en secteur 3, ne concerne que les personnes classées en exposition forte et en exposition intermédiaire ; qu'ils ne démontrent cependant pas avoir sollicité un suivi médical post professionnel qui aurait été refusé à tort par l'employeur, ou en contrariété avec les préconisations de la médecine du travail formulées par exemple en vue d'un départ à la retraite, et leur contestation ne relève que de leur propre analyse de leurs relevés de carrière, sans être étayée par aucun autre document ; qu'enfin, ainsi que le relève la Monnaie de Paris, aucun ne démontre l'existence d'un préjudice moral indemnisable, attaché de façon distincte au suivi médical ou à son absence, étant observé qu'aucune déduction ne peut être tirée, quant à l'existence de ce préjudice moral distinct, du cas d'un autre salarié, qui, au surplus, n'est pas dans la cause.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le décret du 7 février 1996 a instauré un suivi médical obligatoire pour les seuls salariés ayant exercé leur activité ou étant intervenus sur des matériaux ou appareils susceptibles d'émettre des fibres d'amiante ; qu'aucune réglementation postérieure n'a prévu de suivi médical pour les salariés autrement exposés notamment dans un contexte environnemental (constructions avec présence de flocage...etc.) ; que l'agent n'établit ni même n'allègue avoir été exposé aux fibres d'amiante au sens du décret du 7 février 1996, de sorte qu'aucun manquement de l'employeur ne saurait être reproché à l'employeur pour ne pas avoir mis en place un suivi médical spécifique ; que d'autre part, l'agent n'explique pas en quoi le classement des salariés par la Monnaie de Paris en 3 catégories d'exposition a pu lui préjudicier.

1° ALORS QUE l'employeur, tenu d'organiser la surveillance médicale des travailleurs exposés aux poussières d'amiante sur leur lieu de travail, doit en assurer l'effectivité ; que tout manquement conduisant à ce que le travailleur bénéficie d'une surveillance médicale insuffisante au regard de son niveau d'exposition aux poussières d'amiante, ou en soit totalement privé, cause un préjudice nécessitant réparation et qui est distinct du préjudice spécifique d'anxiété résultant de la situation d'inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à l'amiante ; qu'en retenant que le préjudice résultant du défaut de mise en place d'un suivi médical adéquat n'était pas distinct du préjudice d'anxiété qui incluait tous les troubles psychologiques résultant de la connaissance du risque de développer une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail.

2° ALORS QUE l'employeur est tenu d'organiser au bénéfice des travailleurs exposés aux poussières d'amiante sur leur lieu de travail une surveillance médicale effective et adéquate au regard de leur niveau d'exposition, sans qu'ils aient à en faire la demande ; qu'en se fondant sur le fait que les agents n'avaient formulé aucune demande relative à leur surveillance médicale avant de saisir la justice, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et erroné en violation de l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail.

3° ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des éléments produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant que les agents n'avaient étayé leurs prétentions que par leurs relevés de carrière, quand ils produisaient en outre des attestations témoignant de leur exposition élevée ou intermédiaire aux poussières d'amiante au sein de l'établissement de Pessac de La Monnaie de Paris et les comptes rendus des examens médicaux supplémentaires qu'ils avaient été contraints de faire à défaut de bénéficier d'un suivi médical adéquat, la cour d'appel qui n'a pas examiné ces documents a violé l'article 455 du code procédure civile.

4° ALORS QUE l'employeur est tenu d'organiser au bénéfice des travailleurs exposés aux poussières d'amiante sur leur lieu de travail une surveillance médicale effective et adéquate au regard de leur niveau d'exposition ; qu'il n'est pas déchargé de son obligation au motif que ne serait pas établie de contrariété avec des préconisations du médecin du travail ; qu'en déclarant que la surveillance médicale dont les agents avaient été privées n'entrerait pas en contradiction avec des préconisations du médecin du travail, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et erroné en violation de l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail. Moyen produit au pourvoi n° X 18-19.573 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour l'établissement public La Monnaie de Paris

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'EPIC La Monnaie de Paris à payer à chacun des défendeurs au pourvoi une indemnité de départ à la retraite ;

AUX MOTIFS QUE « L'administration des Monnaies et Médailles a changé de statut à compter du 1er janvier 2007, par la création d'un établissement public industriel et commercial. Il en résulte, notamment pour les ouvriers d'Etat, un statut hybride, en vertu duquel la Monnaie de Paris considère que n'étant pas totalement employés dans les conditions du droit privé, ils ne peuvent prétendre à la fois au dispositif appelé "coup de chapeau", destiné à permettre au salarié de bénéficier, 6 mois avant son départ à la retraite, d'une augmentation de son salaire, laquelle majore ainsi le montant de la retraite, également calculée sur les 6 derniers mois de salaires, selon le régime applicable dans la fonction publique, et au versement de l'indemnité de départ à la retraite, prévu à l'article L 1237-9 du code du travail. L'Epic se fonde en particulier sur l'article L 1111-1 du code du travail, selon lequel les salariés travaillant dans ce type d'établissement bénéficient des dispositions du code du travail, "sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel." Il en déduit que l'usage du "coup de chapeau" et la prime de départ à la retraite ont le même objet et ajoute qu'il ne serait pas contestable que l'usage en vigueur à la Monnaie de Paris est plus avantageux pour les salariés, de sorte qu'il ne pourrait être fait droit à la demande formulée devant la cour par Messieurs A..., G... et YB..., ainsi que par M. KK... qui avait formulé sa demande devant le conseil de prud'hommes, sans que celui-ci ne l'examine. Il apparaît toutefois que c'est à juste titre que les salariés concernés soutiennent que ces deux dispositifs n'ont pas le même objet, au sens de l'article L 1111-1 sus-visé, car il s'agit de deux avantages différents, certes liés au départ à la retraite, mais pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, étant observé d'ailleurs que les salariés ayant déjà atteint le dernier échelon indiciaire ne bénéficient pas du "coup de chapeau". Les deux dispositifs ne sont donc pas assimilables et ne réalisent pas un concours de dispositions ayant le même objet. Il est dès lors sans incidence de tenter de comparer lequel de ces dispositifs serait le plus avantageux. En outre, les salariés demandeurs relèvent également à juste titre que l'accord de la Monnaie de Paris relatif aux classifications, rémunérations et évolutions professionnelles du 16 décembre 2008 ne comporte aucune disposition relative à une indemnité de départ à la retraite. Les dispositions légales et réglementaires du code du travail relatives à cette indemnité ne peuvent dès lors être exclues. En ce qui concerne les montants réclamés, ils ont été calculés conformément aux dispositions des articles D 1237-1 et D 1237-2 du code du travail, selon l'ancienneté et sur la base du douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le départ à la retraite ou sur la base du tiers des trois derniers mois, selon la formule la plus avantageuse pour chaque salarié. Ces calculs ne sont pas en eux-mêmes critiqués. Il sera donc fait droit aux demandes à hauteur des montants sollicités » ;

1. ALORS QUE selon l'article L. 1211-1 du code du travail, le personnel salarié d'un établissement public industriel et commercial bénéficie des dispositions du livre II du code du travail, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ; qu'en l'espèce, les ouvriers d'Etat employés par l'EPIC La Monnaie de Paris relèvent du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat selon lequel la pension de retraite est calculée sur la rémunération des six derniers mois, et bénéficient, en complément, d'un dispositif « coup de chapeau » consistant à revaloriser leur échelon et partant leur rémunération six mois avant leur départ en retraite ; que ce dispositif « coup de chapeau » qui constitue, comme l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail, un complément de salaire lié au départ à la retraite a donc le même objet que cette indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant le contraire, au motif inopérant qu'ils s'agit de deux avantages différents, certes liés au départ à la retraite, mais pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, la cour d'appel a violé les articles L. 1211-1 et L. 1237-9 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en cas de concours de normes, les avantages qui ont le même objet ne se cumulent pas, seul le plus favorable d'entre eux pouvant être accordé, peu important que les deux avantages aient une nature différente et n'obéissent pas au même régime ; que l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail n'a pas pour objet de compenser un préjudice mais constitue un complément de rémunération attribué au salarié à l'occasion de son départ en retraite ; que le dispositif « coup de chapeau » dont bénéficient les ouvriers d'Etat de l'EPIC La Monnaie de Paris consiste à attribuer au salarié un échelon supérieur six mois avant son départ à la retraite, aux fins de majorer le montant de la rémunération prise en compte, dans le régime spécial de retraite des ouvriers d'Etat, pour déterminer le montant de la pension de retraite ; qu'il en résulte que ce dispositif « coup de chapeau » constitue également une gratification de fin de carrière et, partant, qu'il a le même objet que l'indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant néanmoins que l'indemnité de départ à la retraite et le dispositif « coup de chapeau » n'ont pas le même objet car il s'agit d'avantages différents pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les comparer pour déterminer lequel serait le plus avantageux, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

3. ALORS QU' en relevant que les salariés ayant déjà atteint le dernier échelon indiciaire ne bénéficient pas du « coup de chapeau », pour affirmer que le dispositif « coup de chapeau » n'a pas le même objet que l'indemnité légale de départ à la retraite et que ces deux avantages peuvent en conséquence se cumuler, cependant que les éventuelles différences quant aux conditions posées pour l'octroi d'un avantage ne modifient pas son objet et qu'en présence d'un concours de normes, le caractère plus favorable doit s'apprécier globalement pour l'ensemble des salariés, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

4. ALORS QUE l'accord du 16 décembre 2008 sur les classifications, rémunérations et évolutions professionnelles prévoit que ses dispositions se substituent de plein droit à toute disposition statutaire portant sur les mêmes thèmes et que les parties se réfèrent, pour tout ce qui ne fait pas l'objet de cet accord, aux dispositions législatives et réglementaires applicables au personnel ouvrier de l'Etat ; que s'il n'exclut pas le paiement d'une indemnité de départ à la retraite, il ne prévoit pas non plus que les dispositions du code du travail sur l'indemnité de départ à la retraite s'appliquent aux ouvriers d'Etat ; qu'en retenant encore, pour conforter sa décision, que cet accord collectif ne comporte aucune disposition relative à une indemnité de départ à la retraite, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1237-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19573;18-19671
Date de la décision : 20/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 nov. 2019, pourvoi n°18-19573;18-19671


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19573
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