LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :
Vu l'article 775 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de chose jugée, qu'elles mettent ou non fin à l'instance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Brebières promotion (la société Brebières), assurée auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), a confié à divers entrepreneurs la réalisation de travaux de construction de lots vendus sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement ; que, se plaignant de divers désordres, le syndicat des copropriétaires de la résidence Salembien (le syndicat) a obtenu en référé la désignation d'un expert puis a fait assigner au fond la société Brebières et la MAF devant un tribunal de grande instance ; que, saisi d'un incident, le juge de la mise en état a, par une ordonnance du 27 janvier 2015, rejeté une exception de nullité de l'assignation ; que, par jugement du 9 septembre 2016, le tribunal a, notamment, déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation et condamné in solidum la société Brebières et la MAF à payer au syndicat la somme de 7 500 euros HT en principal et la société Brebières à payer au syndicat la somme de 7 739,43 euros ; que le syndicat a relevé appel du jugement ; que les copropriétaires sont intervenus volontairement à l'instance ;
Attendu que, pour prononcer l'annulation des assignations introductives d'instances délivrées à la société Brebières, le 20 février 2013, et à la MAF, le 13 mai 2013, ainsi que de tous les actes de procédure et décisions qui ont suivi, l'arrêt retient que, selon les dispositions des articles 775 et 776 du code de procédure civile, c'est seulement lorsque, en statuant sur une exception de procédure, l'ordonnance du magistrat de la mise en état met fin à l'instance que cette ordonnance est revêtue, au principal, de l'autorité de la chose jugée, de sorte que l'ordonnance du 27 janvier 2015 qui a rejeté l'exception de nullité de l'assignation tirée du défaut d'habilitation du syndic peut être remise en cause devant le juge du fond ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Brebières et la MAF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Brebières et la MAF et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Salembien, à la SCI Abnr, à Mme I..., à MM. C..., V..., S..., X..., IE..., à la SCI Fil immobiliers, à Mme Q..., à M. W..., à Mme G..., à MM. H..., J..., T..., K..., à Mme F... et à M. UF..., la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de la résidence Salembien et autres.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation des assignations introductives d'instances délivrées à la société Brebières Promotion, le 20 février 2013, et à la Mutuelle des Architectes Français, le 13 mai 2013, ainsi que de tous les actes de procédures et décisions qui ont suivi.
AUX MOTIFS QUE sur la demande en nullité des assignations délivrées à la société Brebières Promotion, le 20 février 2013 et à la Mutuelle des Architectes Français, le 13 mai 2013, la MAF fait valoir à nouveau en cause d'appel que le syndic n'est investi d'aucune habilitation à agir en justice devant le juge du fond et que l'assignation délivrée le 13 mai 2013 serait nulle ; qu'elle soutient que -contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge- la circonstance, selon laquelle le juge de la mise en état a rejeté, par ordonnance d'incident du 27 janvier 2015, l'exception de nullité de l'assignation était indifférente à la compétence juridictionnelle du tribunal de grande instance, saisi au fond, à statuer sur cette contestation ; que la MAF porte donc cette exception de nullité devant la cour, qui serait désormais compétente pour statuer ; que dans ses écritures postérieures, notifiées le 23 janvier 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence Salembien ne répond nullement à l'exception pourtant soulevée dans un cadre contradictoire ; que l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 27 janvier 2015 a rejeté l'exception de nullité de l'assignation ; que selon les dispositions des articles 775 et 776 du code de procédure civile, c'est seulement lorsque, en statuant sur une exception de procédure, l'ordonnance du magistrat de la mise en état met fin à l'instance que cette ordonnance revêt, au principal, l'autorité de la chose jugée ; que l'ordonnance du 27 janvier 2015 ayant rejeté l'exception de nullité de l'assignation tirée du défaut d'habilitation du syndic, la validité de l'acte pouvait être remise en cause devant le juge du fond ; qu'ainsi la cour, par dévolution, apparaît compétente pour statuer ; que l'article 55 du décret de 1967, pris en application de la loi du 10 juillet 1965, dispose que : "Le syndicat des copropriétaires ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision d'assemblée générale" ; que l'autorisation d'agir en justice donnée par l'assemblée générale au syndic doit préciser les désordres pour la réparation desquels il est habilité ; que les dispositions de l'article 55 susvisé revêtent un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, sont produits aux débats trois procès-verbaux de l'assemblée générale des copropriétaires en dates des : 22 juin 2011, 18 juin 2012 et 26 juin 2014 ; que seuls les procès-verbaux des 22 juin 2011 et 18 juin 2012 font état de la procédure et donne pouvoir au syndic en ces termes : pour "engager une action en matière de référé si aucun engagement n'est pris par le promoteur", et pour "représenter la copropriété devant toute juridiction" ; que de telles résolutions, faisant état de la société Brebières Promotion - "le promoteur"-, qui ne mentionne ni la nature de l'action, ni le fondement juridique des demandes, qui ne comportent pas l'énumération des désordres de construction à dénoncer dans l'assignation, ne répondent pas aux exigences de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 ; que dès lors, le syndic n'est investi d'aucune habilitation à agir en justice ; que selon l'article 120 du code de procédure civile, "Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public" ; que le syndic n'ayant pas d'habilitation utile pour introduire l'instance, les assignations, délivrées les 20 février et 13 mai 2013 à la société Brebières promotion et à la MAF, afin de les attraire devant le tribunal de grande instance de Lille se trouvent entachées d'une irrégularité de fond, en application de l'article 117 du code de procédure civile, en ce que le syndic ne détenait pas pouvoir, du syndicat des copropriétaires, pour assurer sa représentation en justice ; que faute de régularisation par nouvelle résolution de l'assemblée générale, la cause de la nullité n'a disparu au moment où la cour statue ; qu'enfin les interventions volontaires des copropriétaires, à titre personnel, ne sauraient ni faire revivre l'instance annulée ni se substituer au syndic comme représentant du syndicat des copropriétaires de la résidence Salembien aux fins de régularisation de la procédure viciée ab initio ; qu'en effet l'irrégularité de fond, affectant l'assignation, ne pouvait être couverte par les copropriétaires agissant à titre individuel en cause d'appel ; qu'il convient, en conséquence, de prononcer l'annulation de l'instance ayant abouti au jugement déféré ainsi que de tous les actes subséquents ;
1°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel notifiées le 23 janvier 2018, les exposants faisaient valoir (p. 26) que l'ordonnance d'incident du 27 janvier 2015 du juge de la mise en état avait débouté la Compagnie MAF de l'exception de nullité de l'assignation tirée du défaut d'habilitation syndic de copropriété à ester en justice par l'assemblée générale des copropriétaires, que le syndic justifiait d'une habilitation à ester en justice conformément aux exigences de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, que le syndicat des copropriétaires versait aux débats le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 juin 2012 (pièce n°26) autorisant la société Sigla à ester en justice et que la présente procédure est parfaitement régulière, l'acte introductif d'instance n'étant entaché d'aucune irrégularité ; qu'en retenant que dans ses écritures notifiées le 23 janvier 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence Salembien ne répondait nullement à l'exception de procédure soulevée par la MAF, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de la chose jugée, et ce que l'exception soit accueillie ou rejetée ; qu'en jugeant que c'est seulement lorsque, en statuant sur une exception de procédure, l'ordonnance du magistrat de la mise en état met fin à l'instance que cette ordonnance revêt, au principal, l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé les articles 775 et 776 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 juin 2012 indiquait : « Le syndic informe que des actions ont été menées envers le promoteur pour obtenir la mise en conformité de plusieurs ouvrages et la transmission de documents essentiels (D.I.U.0 et D.O.E). Toutefois, les copropriétaires font part de désordre récurent et l'absence de finition telle que la présence d'infiltration en sous-sol et la non-conformité de la réglementation thermique. L'ensemble des griefs a pu être constaté par Maître GG..., huissier de justice le 13 juillet 2011. En conséquence de quoi, l'assemblée générale DECIDE d'engager une action judiciaire devant toutes les juridictions compétentes, notamment le tribunal d'Instance, la Cour d'appel, la Cour de cassation ou toute autre juridiction s'il y a lieu à l'encontre de la société Brebières promotion, DONNE MANDAT au syndic pour représenter la copropriété devant toute Juridiction et notamment signer tout acte, participer à toute expertise, faire toute déclaration, et se faire assister de tout Avocat , d'un avoué, s'Il y a lieu, ou tous autres » ; qu'il résultait clairement de cette délibération que l'assemblée avait autorisé le syndic à agir en réparation des désordres visés et listés dans le constat d'huissier réalisé le 13 juillet 2011 ; qu'en énonçant que cette résolution ne comportait pas ni la nature de l'action ni l'énumération des désordres de construction à dénoncer dans l'assignation, la cour d'appel l'a dénaturé, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
4°) ALORS subsidiairement QUE le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 juin 2012 indiquait : « Le syndic informe que des actions ont été menées envers le promoteur pour obtenir la mise en conformité de plusieurs ouvrages et la transmission de documents essentiels (D.I.U.0 et D.O.E). Toutefois, les copropriétaires font part de désordre récurent et l'absence de finition telle que la présence d'infiltration en sous-sol et la non-conformité de la réglementation thermique. L'ensemble des griefs a pu être constaté par Maître GG..., huissier de justice le 13 juillet 2011. En conséquence de quoi, l'assemblée générale DECIDE d'engager une action judiciaire devant toutes les juridictions compétentes, notamment le tribunal d'Instance, la Cour d'appel, la Cour de cassation ou toute autre juridiction s'il y a lieu à l'encontre de la société Brebières promotion, DONNE MANDAT au syndic pour représenter la copropriété devant toute Juridiction et notamment signer tout acte, participer à toute expertise, faire toute déclaration, et se faire assister de tout Avocat , d'un avoué, s'Il y a lieu, ou tous autres » ; que cette délibération habilitait le syndic à agir en réparation de l'ensemble des griefs constatés par Maître GG..., huissier de justice le 13 juillet 2011, et à tout le moins en réparation des désordres constitués par la présence d'infiltration en sous-sol et la non-conformité de la réglementation thermique ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 55, alinéa 1er, du décret du 17 mars 1967 ;
5°) ALORS QUE l'autorisation donnée au syndic pour agir en justice ne doit pas préciser le fondement de l'action devant être exercée, qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 55, alinéa 1er, du décret du 17 mars 1967.