LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 106 FS-D
Pourvoi n° P 18-14.482
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020
L'association pour l'assurance santé de Condat, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 18-14.482 contre l'arrêt rendu le 1er février 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ au comité d'entreprise de la société Condat, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Condat, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de l'Association pour l'assurance santé de Condat, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Condat, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er février 2018), que la société Condat (la société) a mis en place en 1975 un régime complémentaire de frais de santé à destination des actifs et des retraités dont la gestion, initialement assurée par le comité d'entreprise, a été confiée par celui-ci fin 2002 à l'association pour l'assurance santé de Condat ASC (l'association) ; qu'afin de se conformer à la nouvelle législation, la société a conclu avec les organisations syndicales un accord collectif d'entreprise le 23 septembre 2008 mettant en place un nouveau régime complémentaire de frais de santé à caractère collectif et à adhésion obligatoire pour les salariés en activité ; que parallèlement, la société et le comité d'entreprise ont signé, le 9 septembre 2008, un accord atypique opérant une distinction dans la gestion du régime complémentaire des frais de santé entre les salariés actifs, l'entreprise en assumant directement la gestion et ne versant plus au comité d'entreprise la somme correspondant à la prise en charge antérieurement assurée par le comité, et les retraités pour qui le bénéfice d'un régime complémentaire était maintenu et dont la gestion était conservée par le comité d'entreprise qui continuait à percevoir de la société la dotation dédiée s'élevant à 0,44% ; que suite à la dénonciation de ce protocole d'accord par la société, la société a signé avec le comité d'entreprise, le 6 octobre 2014, un nouveau protocole d'accord aux termes duquel le montant de la contribution patronale au budget des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise est porté à compter du 1er janvier 2015 de 2,44% à 2% de la masse salariale brute, les engagements antérieurs portant sur la contribution, notamment l'accord atypique du 9 septembre 2008 et la note du 6 février 2009 fixant la dotation CE pour le financement de la mutuelle des retraités à 0,44% de la masse salariale brute, sont donc annulés et de nul effet à compter de la date d'entrée en vigueur du nouveau taux et le comité d'entreprise renonce en conséquence à demander pour les exercices antérieurs ou en cours l'application du budget consacré par la société au financement de la couverture santé des retraités ; que l'association, aux côtés d'un syndicat, d'un salarié et d'un retraité, a le 27 mai 2015 saisi le tribunal de grande instance pour demander, sur le fondement de l'article 1166 du code civil et de l'article R.2323-35 du code du travail, la condamnation de la société à la reprise du versement, au profit du comité d'entreprise, de la contribution patronale au régime des frais de santé de ses retraités à hauteur de 0,44 % de la masse salariale brute par an à compter de l'année 2015 incluse ;
Sur le moyen unique, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de déclarer l'ensemble de ses demandes irrecevables au titre de l'action oblique pour absence de droit de créance, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en se bornant à relever que la contribution de la société Condat à la complémentaire santé des retraités avait cessé par l'effet du protocole du 6 octobre 2014, sans répondre au moyen de l'ASC tiré de ce que l'employeur ne pouvait valablement supprimer cette dotation dès lors qu'elle avait pour effet de réduire la subvention allouée par l'entreprise au budget des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise en-dessous du minimum légal fixé par les articles L. 2323-86 et R. 2323-35 du code du travail (pp. 16 à 18 de ses conclusions d'appel), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en se bornant à relever que le comité d'entreprise, débiteur allégué, avait acquiescé à la suppression de la contribution de 0,44 % au titre du régime des frais de santé des retraités, en signant le protocole d'accord du 6 octobre 2014 qu'il n'entendait ni dénoncer ni faire annuler, sans répondre au moyen de l'ASC tiré de ce que le comité d'entreprise ne pouvait valablement renoncer à percevoir une partie de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles dont le montant est fixé par des dispositions d'ordre public (pp. 8 et 16 de ses conclusions d'appel), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant que l'ASC n'entendait ni dénoncer ni faire annuler le protocole du 6 octobre 2014, cependant que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, l'ASC sollicitait, à titre subsidiaire, l'annulation dudit protocole, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article R.2323-35 du code du travail alors applicable, la contribution de l'employeur prévue au 1° de l'article R.2323-34 ne peut être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise atteint au cours de l'une des trois dernières années, l'article R.2323-34, 1° alors applicable précisant que les ressources du comité d'entreprise en matière d'activités sociales et culturelles sont constituées par les sommes versées par l'employeur pour le fonctionnement des institutions sociales de l'entreprise qui ne sont pas légalement à sa charge, à l'exclusion des sommes affectées aux retraités ;
qu'il en résulte que les sommes versées par l'employeur au titre du régime complémentaire des frais de santé des retraités n'entrent pas dans la base de calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise ;
Que la cour d'appel n'avait dès lors pas à répondre à des moyens insusceptibles d'avoir une influence sur le litige, et comme tels inopérants ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association pour l'assurance de Condat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour l'association pour l'assurance santé de Condat
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré l'ensemble des demandes de l'ASC irrecevables au titre de l'action oblique pour absence de droit de créance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'association qui n'est partie ni à l'accord atypique du 9 septembre 2008 ni à l'accord du 6 octobre 2014, explique qu'elle exerce ici l'action oblique, laquelle permet à un créancier d'exercer, au nom de son débiteur, les droits et actions de celui-ci lorsque ce débiteur, au préjudice du créancier, refuse ou néglige de les exercer ; que l'appelante précise qu'elle est ici la créancière du comité d'entreprise, lequel a fait preuve d'inaction en refusant, lors de sa réunion du 27 février 2015, de mandater son secrétaire pour agir en justice afin de maintenir la dotation de 0,44 % au profit de l'association pour la complémentaire santé des retraités ; qu'il est constant en droit que l'exercice de l'action oblique suppose l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible ; qu'en l'espèce, par l'effet du protocole d'accord du 6 octobre 2014, la contribution de la société Condat à la complémentaire santé des retraités a cessé ; que les termes de cet accord sont clairs en ce que, si la contribution de la société Condat est portée à 2 % de la masse salariale brute de l'entreprise (contre 2,44 % auparavant), c'est précisément par cessation du versement de la contribution de 0,44 % à la couverture santé des retraités, ainsi que le souligne la formule suivante : « le comité d'entreprise renonce en conséquence à demander pour les exercices antérieurs ou en cours l'application du budget consacré par Condat au financement de la couverture santé des retraités » ; que, à supposer que la contribution de l'employeur à hauteur de 0,44 % ait pu être antérieurement constitutive d'une créance de l'association à l'égard du comité d'entreprise, cette créance n'existe plus depuis le 6 octobre 2014 ; que, au surplus, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a observé que le comité d'entreprise – débiteur allégué – avait acquiescé à cette suppression en signant un protocole d'accord qu'il n'entendait ni dénoncer ni faire annuler ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action oblique de l'association ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'action oblique permet à un créancier d'exercer les droits et actions de son débiteur en lieu et place de celui-ci pour pallier la carence ou l'inertie dont il fait preuve ; qu'elle se distingue de l'action paulienne qui vise à sanctionner la fraude du débiteur et de l'action directe qui, indépendamment de l'attitude de son débiteur, permet au créancier d'obtenir du débiteur de son débiteur qu'il s'exécute entre ses mains, c'est à dure à son profit exclusif ; qu'au contraire, l'action oblique contraint celui contre lequel elle est dirigée à s'exécuter au profit du débiteur, dont le patrimoine reconstitué profite alors à l'ensemble de ses créanciers ; qu'en l'espèce, les demandeurs ont expressément et exclusivement visé les dispositions relatives à l'action oblique dans leur assignation et ne prétendent pas agir sur un autre fondement ; que l'action oblique suppose en premier lieu que le demandeur soit titulaire d'une créance quelle qu'en soit la nature, contractuelle ou quasi-contractuelle, monétaire ou résultant d'une obligation en nature, la Cour de cassation ayant élargi le domaine de l'action aux obligations de faire, voire aux droits réels ; que cette créance doit être liquide et exigible, ou à tout le moins déterminable dans sa nature et dans son étendue, notamment lorsqu'elle n'est pas monétaire ; que l'action oblique exige ensuite une carence du débiteur dont le créancier doit démontrer qu'il ait bien titulaire du droit qu'il entend mettre en oeuvre et qu'il s'abstient de l'exercer sans motif légitime, de sorte que son abstention empêche l'exécution du droit du créancier ; qu'ainsi, le droit que le créancier prétend exercer au lieu et place du débiteur doit exister et ne pas avoir disparu notamment par la volonté du débiteur exprimée avant l'exercice de l'action oblique ; qu'en l'occurrence, le droit de créance invoqué du comité d'entreprise sur la société Condat concernant la subvention allouée pour la mutuelle des retraités n'existe plus puisqu'il résultait d'un accord atypique qui a été dénoncé et s'est trouvé remplacé par un protocole d'accord ayant supprimé cette contribution ; que le comité d'entreprise, à savoir le débiteur, a acquiescé à cette suppression en signant le protocole d'accord qu'il n'entend pas dénoncer, ni faire annuler, pas plus d'ailleurs que les demandeurs ; que dans ces conditions, le droit du comité d'entreprise et de l'ASC à obtenir le versement de la part de 0,44 % de la masse salariale pour la mutuelle des retraités n'existe plus, de sorte que ni l'ASC ni M. J... ne disposent d'un droit de créance à l'égard du comité d'entreprise à cet égard leur permettant d'exercer l'action oblique pour obtenir le versement de la contribution ; qu'en conséquence, ces derniers seront déclarés irrecevables en toutes leurs demandes ;
ALORS, 1°), QUE le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en se bornant à relever que la contribution de la société Condat à la complémentaire santé des retraités avait cessé par l'effet du protocole du 6 octobre 2014, sans répondre au moyen de l'ASC tiré de ce que l'employeur ne pouvait valablement supprimer cette dotation dès lorsqu'elle avait pour effet de réduire la subvention allouée par l'entreprise au budget des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise en-dessous du minimum légal fixé par les articles L. 2323-86 et R. 2323-35 du code du travail (pp. 16 à 18 de ses conclusions d'appel), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en se bornant à relever que le comité d'entreprise, débiteur allégué, avait acquiescé à la suppression de la contribution de 0,44 % au titre du régime des frais de santé des retraités, en signant le protocole d'accord du 6 octobre 2014 qu'il n'entendait ni dénoncer ni faire annuler, sans répondre au moyen de l'ASC tiré de ce que le comité d'entreprise ne pouvait valablement renoncer à percevoir une partie de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles dont le montant est fixé par des dispositions d'ordre public (pp. 8 et 16 de ses conclusions d'appel), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°), QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant que l'ASC n'entendait ni dénoncer ni faire annuler le protocole du 6 octobre 2014, cependant que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, l'ASC sollicitait, à titre subsidiaire, l'annulation dudit protocole, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.