LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 mars 2020
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 365 F-D
Pourvoi n° T 18-14.233
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020
La société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 18-14.233 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2018 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. L... F..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société France télévisions, de Me Le Prado, avocat de M. F..., et après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. David, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... a été engagé à compter de mars 1993, selon contrats à durée déterminée successifs, en qualité de machiniste, par la société France 3 aux droits de laquelle vient la société France Télévisions ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et en paiement de diverses sommes ; que les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée à temps partiel avec effet au 1er septembre 2015 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à ce titre alors, selon le moyen :
1°/ que la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il est resté à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, sous couvert d'une requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, la cour d'appel a jugé le salarié bien fondé à solliciter, non pas des rappels de salaire au titre des périodes travaillées, mais des rappels de salaires afférents aux périodes non travaillées ; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que la société France Télévisions ne rapportait pas la preuve de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue ni que le salarié pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler, lorsqu'il appartenait à ce dernier qui revendiquait le paiement de périodes non travaillées, de rapporter la preuve qu'il se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1353 du code civil, ensemble les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail ;
2°/ que le salarié intermittent engagé en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée non successifs, requalifié en un unique contrat à durée indéterminée à temps complet ne peut prétendre à des rappels de salaire au titre des périodes non travaillées entre les contrats que s'il établit s'être tenu à la disposition permanente de l'entreprise pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu'en retenant que les périodes de travail du salarié pour le compte de la société France Télévisions, bien que de courte durée, étaient régulières et fréquentes, qu'aucun planning ne lui était communiqué à une date raisonnable avant la mission et que les lieux d'exécution des missions étaient variables nécessitant parfois de se rendre dans des lieux éloignés de son domicile, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants impropres à caractériser qu'au cours des périodes non travaillées, le salarié se tenait à la disposition permanente de l'exposante, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;
3°/ que la société France Télévisions faisait valoir que le salarié n'était lié par aucune clause d'exclusivité ni par une obligation de répondre favorablement aux sollicitations de la société France Télévisions si bien qu'informé lors de la signature de ces contrats de la durée de ces missions, il pouvait travailler pour d'autres employeurs s'il le souhaitait ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de nature à exclure toute disposition permanente du salarié à l'égard de la société France Télévisions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le travail effectué pour d'autres employeurs au cours des périodes séparant deux contrats à durée déterminée conclus avec un même employeur, exclut toute disposition permanente à l'égard de ce dernier ; qu'il était acquis aux débats que le salarié avait travaillé pour des agences de communication au cours des périodes non travaillées pour le compte de France Télévisions ; qu'en retenant néanmoins qu'il se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;
5°/ qu'en retenant que la part de travail du salarié pour des agences de communication audiovisuelle était proportionnellement très faible voire même dérisoire, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé que le salarié se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions, a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que depuis 1993 le salarié avait régulièrement travaillé, presque toutes les semaines de l'année, pour le compte de France 3 puis de France Télévisions selon des périodes de deux à trois jours et relevé que l'absence de planning prévisionnel communiqué à une date raisonnable avant le début de chaque contrat empêchait l'intéressé de s'organiser pour exercer une autre activité professionnelle, de sorte que, s'il avait pu travailler de manière limitée pour des sociétés tierces, il était contraint de se tenir en permanence à la disposition de son principal employeur, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le salarié avait droit à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées entre les contrats à durée déterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé, par motifs propres et adoptés, que le salarié, maintenu en situation de précarité pendant plus de vingt ans, devait se voir accorder l'indemnité de requalification prévue à l'article L. 1245-2 du code du travail, retient que le salarié peut prétendre à des dommages- intérêts au titre de la longue période d'incertitude sur la poursuite de la relation contractuelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait fixé le montant de l'indemnité de requalification en prenant en considération le préjudice consécutif à la précarité imposée de façon illicite au salarié, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé le principe susvisé ;
Et attendu que la critique du moyen ne vise pas le chef de dispositif relatif à l'article 700 du code de procédure civile, que la cassation prononcée ne permet pas d'atteindre ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société France Télévisions à payer à M. F... les sommes de 5 000 euros à titre d'indemnité de requalification, de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. F... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la relation de travail entre M. F... et la société France Télévisions en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet depuis le 26 février 1993 et d'AVOIR en conséquence condamné la société France Télévisions à payer à M. F... diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, de rappels de salaires et de congés payés afférents, de dommages-intérêts, ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS PROPRES QUE « il est de principe que la requalification d'un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.
La cour constate que l'ensemble des contrats mentionne le nombre de jours couverts par le contrat et les dates "à l'heure indiquée par le chef de service". Le salarié percevait une "rémunération journalière brute" forfaitisée selon un barème en vigueur et incluant une prime de précarité. Il était établi pour chaque jour travaillé un bulletin de paie mentionnant un "salaire forfaitaire 8 heures" ou sur la période visée par le contrat « salaire total ». Des heures supplémentaires apparaissent régulièrement durant la période allant de 1993 à l'année 2011 incluse.
La requalification d'un contrat de travail à temps partiel, fût-il d'usage, en contrat de travail à temps plein en raison de l'absence de contrat écrit ou de mentions sur la durée du travail ou de sa répartition, constitue une présomption simple que l'employeur peut renverser en apportant la preuve contraire.
Le 10 avril 2003, M. F... écrivait à France 3 pour porter sa candidature au poste de constructeur Décor - Machiniste en rappelant qu'il totalisait 1073 jours de travail (Toulouse - Bordeaux - Limoges - Montpellier).
Il n'est pas contesté que de 2007 à 2012, la société France Télévisions a employé M. F... suivant 331 contrats à durée déterminée soit, en septembre 2012, 1946 jours d'emploi et il sera relevé qu'aucun de ces contrats de travail à durée déterminée ne précise les horaires de travail prétendus à temps partiel de M. F....
Ce dernier a produit un tableau manuscrit de 65 feuillets mentionnant les périodes, le nombre d'heures et de jours, le montant de la rémunération correspondante et les employeurs avec précision du programme concerné et, pour France 3, à compter du 26 février 1993.
L'examen de ce tableau sur lequel l'employeur n'apporte aucune critique argumentée fait apparaître que si les périodes travaillées étaient de deux à trois jours, celles-ci étaient régulières, quasiment toutes les semaines durant toute l'année de telle sorte qu'en l'absence de planning communiqué à une date raisonnable avant la mission, M. F... ne pouvait être tenu qu'à la disposition de la société France Télévisions, la part de travail pour des agences de communication audiovisuelle étant proportionnellement très faible voire même dérisoire sur la période non couverte par la prescription [2 jours en mars 2010, 2 jours en octobre 2009, 1 jour en mars 2009]. Il est relevé par ailleurs que les lieux d'exécution du contrat pour France Télévisions étaient variables imposant nécessairement de se tenir à disposition pour se rendre dans divers endroits parfois éloignés du domicile en l'absence de planning prévisionnel permettant d'organiser le cas échéant une autre activité professionnelle durant les périodes interstitielles.
L'essentiel de la position de la société France Télévisions réside dans le fait que M. F... a perçu des allocations chômage pendant les périodes où il ne travaillait pas et qu'il avait également travaillé pour d'autres employeurs.
Outre le fait que les périodes de travail pour des entreprises tierces sont très limitées ainsi qu'il vient de l'être constaté, il sera rappelé que le calcul des rappels de salaire consécutifs à la requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, qui s'effectue selon les conditions contractuelles fixant les obligations de l'employeur telles qu'elles résultent de cette requalification, n'est pas affecté par les sommes qui ont pu être versées au salarié par l'organisme compétent au titre de l'assurance chômage dès lors qu'il est amplement démontré que le salarié était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il était contraint de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
En conséquence, la relation de travail a été également requalifiée à bon droit à temps plein. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
L'indemnité de requalification prévue à l'article L. 1245-2 du code du travail a été justement évaluée par les premiers juges, au regard des circonstances déjà évoquées, à la somme de 5 000 euros qu'il convient de confirmer.
Dès lors que les contrats à durée déterminée n'étaient pas directement consécutifs et qu'il vient d'être jugé que le salarié était resté à disposition de la société France Télévisions, M. F... est en droit de demander le paiement de son salaire pendant les périodes non travaillées sur la période non prescrite que les premiers juges ont exactement calculé jusqu'à la date à laquelle elle avait été arrêtée dans la dernière demande présentée en première instance soit la somme totale de 123 582 63 euros outre celle de 12 358 euros au titre des congés payés afférents.
À cette décision qui sera confirmée, sera ajoutée celle de 38 085,43 euros au même titre, calculée jusqu'à la date du contrat à durée indéterminée conclu entre les parties. Il sera aussi ajouté le montant des congés payés afférents soit 3 808,54 euros.
Enfin, le jugement querellé a fait une juste évaluation du préjudice subi par M. F... en fixant à 10 000 euros le montant des dommages et intérêts auquel le salarié pouvait prétendre au titre de cette longue période d'incertitude sur la poursuite de la relation contractuelle. Il sera confirmé en déboutant M. F... du surplus de ses demandes à ce titre.
La société appelante, succombant en son appel, sera tenue aux dépens de l'instance.
M. F... est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a été contraint d'exposer à l'occasion de ce recours. La société France Télévisions sera tenue de lui payer la somme de deux mille euros sur le fondement de l'article 700 al. 1 er du code de procédure civile »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « S'agissant de la durée de la relation de travail, la société FRANCE TÉLÉVISIONS soutient que M. F... a toujours travaillé à temps partiel et que, par ailleurs, il ne s'est tenu à sa disposition permanente dès lors qu'il a pu travailler pour d'autres employeurs, ce qui est établi par ses déclarations fiscales. Elle estime ainsi que" M. F... ne s'est pas tenu à sa disposition constante.
Le principe applicable résulte des dispositions de l'article L.3123-14 du Code du travail. Le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet.
Il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
La comparaison des revenus fiscaux déclarés par M. F... et des salaires nets versés par FRANCE TELEVISIONS (2012: 11.505 euros / 9.024 euros; 2010: 10.936 euros /9.417 euros; 2009 : 8.692 euros /6.653 euros; 2008 : 11.695 euros 1 10.082 euros) fait apparaître que M. F... a perçu, outre ses indemnités du Pôle emploi, d'autres revenus salariaux, dans une très faible proportion. La société FRANCE TÉLÉVISIONS se fonde également sur le curriculum vitae adressé par M. F... et joint à sa candidature du 31 mai 2012, qui précise: depuis 2012 (il s'agit en réalité la période 1992-2012) machiniste, constructeur décor, intermittent de spectacles FRANCE 3 - MASTER IMAGE DIGIVISION). Cela est exact.
Il n'en reste pas moins que l'employeur reste tenu de démontrer, en application des dispositions précitées l'article L. 3123-14, la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue (en ce sens Cass soc., 9 janv, 2013, n° 11-11.808). Or, aucun planning n'est produit par l'employeur. Les décomptes des jours travaillés produits tant par M. F... que par FRANCE TELEVISIONS montrent des périodes très courtes de travail (exemple: périodes de travail très brèves de l'ordre de 1 à 3 jours du 17/01/2008 au 23/05/2008, du 15/01/2009 au 14/05/2009 et ainsi de suite). Mais la société FRANCE TÉLÉVISIONS n'apporte aucun élément tangible permettant d'établir que M. F... pouvait connaître à l'avance ses horaires et prévoir à quel rythme il pouvait travailler pour FRANCE TELEVISIONS qui demeure son principal employeur sur la période considérée.
Au contraire, le caractère répété de ses missions établit sans nul doute que M. F... devait se constamment à la disposition de son employeur. La société FRANCE TÉLÉVISIONS ne renverse donc pas la présomption de travail à temps plein qui s'impose à elle. Il s'ensuit que relation de travail doit être requalifiée à temps complet.
Dès lors, la demande de rappel de salaire de M. F... sera accueillie pour la période non prescrite de 2008 à juillet 2014. Sur la base d'un salaire brut à temps plein mensuel, tel que retenu par la société FRANCE TÉLEVISIONS, de2.774,12 euros, soit 33.289,44 euros par an, et après déduction des salaires bruts versés par FRANCE TÉLÉVISIONS sur les périodes de juin à décembre 2008 (6.744,53 euros), 2009 (8.444 euros), 2010 (12.783 euros), 2011 (18.393,94 euros), 2012 (11.490,38 euros), 2013 (11.539,68 euros), 2014(9.886,63 euros), M. F... est bien fondé à réclamer la somme de 123.582,63 euros outre celle de 12.358 euros à titre de congés payés.
La société FRANCE TÉLÉVISIONS sera condamnée au paiement de ces sommes.
L'argumentation de la société FRANCE TÉLÉVISIONS relative aux périodes inter-contrats et à la perception des indemnités du Pôle emploi doit être écartée puisque la relation de travail est requalifiée dans le cadre d'un contrat durée indéterminée et qu'il a été vu que M. L... F... devait se tenir constamment à disposition de l'employeur.
S'agissant des dommages-intérêts, il est incontestable que M. F... a été maintenu dans une situation d'incertitude professionnelle et de dépendance, avec un retentissement sur ses droits à retraite. Ce préjudice sera réparé par une indemnité de 10.000 euros.
La présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.
Les dépens suivent le principal.
Il n'est pas inéquitable d'allouer à M. F... pour ses frais irrépétibles une indemnité de 1.500 euros »
1/ ALORS QUE la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il est resté à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, sous couvert d'une requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, la cour d'appel a jugé M. F... bien fondé à solliciter, non pas des rappels de salaire au titre des périodes travaillées, mais des rappels de salaires afférents aux périodes non travaillées; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que la société France Télévisions ne rapportait pas la preuve de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle de de travail convenue ni que le salarié pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler, lorsqu'il appartenait à ce dernier qui revendiquait le paiement de périodes non travaillées, de rapporter la preuve qu'il se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions, la Cour d'appel a violé les articles 1103 et 1353 du Code civil, ensemble les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du Code du travail ;
2/ ALORS QUE le salarié intermittent engagé en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée non successifs, requalifié en un unique contrat à durée indéterminée à temps complet ne peut prétendre à des rappels de salaire au titre des périodes non travaillées entre les contrats que s'il établit s'être tenu à la disposition permanente de l'entreprise pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu'en retenant que les périodes de travail de travail de M. F... pour le compte de la société France Télévisions, bien que de courte durée, étaient régulières et fréquentes, qu'aucun planning ne lui était communiqué à une date raisonnable avant la mission et que les lieux d'exécution des missions étaient variables nécessitant parfois de se rendre dans des lieux éloignés de son domicile, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants impropres à caractériser qu'au cours des périodes non travaillées, le salarié se tenait à la disposition permanente de l'exposante, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;
3/ ALORS QUE la société France Télévisions faisait valoir que M. F... n'était lié par aucune clause d'exclusivité ni par une obligation de répondre favorablement aux sollicitations de la société France Télévisions si bien qu'informé lors de la signature de ces contrats de la durée de ces missions, il pouvait travailler pour d'autres employeurs s'il le souhaitait (conclusions d'appel de l'exposante p 8 § 1er, p 11 dernier §) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de nature à exclure toute disposition permanente du salarié à l'égard de la société France Télévisions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE le travail effectué pour d'autres employeurs au cours des périodes séparant deux contrats à durée déterminée conclus avec un même employeur, exclut toute disposition permanente à l'égard de ce dernier ; qu'il était acquis aux débats que M. F... avait travaillé pour des agences de communication au cours des périodes non travaillées pour le compte de France Télévisions ; qu'en retenant néanmoins qu'il se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;
5/ ALORS QU' en retenant que la part de travail de M. F... pour des agences de communication audiovisuelle était proportionnellement très faible voire même dérisoire, la Cour d'appel qui n'a pas caractérisé que le salarié se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions, a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société France Télévisions à payer à M. F... la somme de 5000 euros à titre d'indemnité de requalification et celle de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'indemnité de requalification prévue à l'article L. 1245-2 du code du travail a été justement évaluée par les premiers juges, au regard des circonstances déjà évoquées, à la somme de 5 000 euros qu'il convient de confirmer »
ET QUE « le jugement querellé a fait une juste évaluation du préjudice subi par M. F... en fixant à 10 000 euros le montant des dommages et intérêts auquel le salarié pouvait prétendre au titre de cette longue période d'incertitude sur la poursuite de la relation contractuelle »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « M. F... qui a été maintenu en situation de précarité pendant plus de 20 ans est en droit de prétendre à une indemnité de requalification qui, au regard des circonstances de la cause, sera fixée à 5000 euros »
ET QUE « S'agissant des dommages-intérêts, il est incontestable que M. F... a été maintenu dans une situation d'incertitude professionnelle et de dépendance, avec un retentissement sur ses droits à retraite. Ce préjudice sera réparé par une indemnité de 10.000 euros »
ALORS QU' en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi par elle sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué au salarié, en conséquence de la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, une indemnité de requalification de 5 000 € compte tenu du fait qu'il a « été maintenu en situation de précarité pendant plus de 20 ans » ; qu'en énonçant, pour lui allouer en outre la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts que M. F... a été maintenu dans une « situation d'incertitude professionnelle et de dépendance, avec un retentissement sur ses droits à retraite », la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice en violation du principe susvisé.
Le greffier de chambre