LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 juin 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 360 F-D
Pourvoi n° Z 19-10.310
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020
Mme X... A... , épouse C..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-10.310 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à Mme S... E..., épouse H... , domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Auroy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme A... , de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme E..., après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Auroy, conseiller doyen rapporteur, M. Acquaviva, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 octobre 2018) et les productions, V... F... est décédée le 10 mars 2007, laissant pour lui succéder ses cinq enfants, S... et L... E..., X..., P... et Y... A... (A...), en l'état d'un testament du 6 février 1986 instituant Mme S... E... légataire du château de Villechaize, la quotité disponible devant lui permettre d'en assumer la charge et la continuation dans la tradition familiale, et l'autorisant à céder ou à partager ses droits avec sa soeur X..., en lui abandonnant alors ou en partageant avec elle la quotité disponible.
2. Par acte sous seing privé du 27 mai 2010, Mme E... a déclaré partager ses droits au legs résultant du testament avec sa soeur X..., puis, par lettre du 20 mars 2011, elle a révoqué purement et simplement les termes de cet acte.
3. Un arrêt du 10 janvier 2012, devenu irrévocable, a notamment ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession et dit qu'en application du testament du 6 février 1986 et de l'acte du 27 mai 2010, Mme X... A... et Mme E... étaient légataires par parts égales, à hauteur de 50 % chacune, du bien visé au testament, ainsi que de la quotité disponible.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme X... A... fait grief à l'arrêt de lui refuser l'attribution du château de Villechaize et, en conséquence, d'en ordonner la licitation, alors :
« 1°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 janvier 2012 n'avait statué que sur la régularité d'une rétractation par Mme E... de sa décision initiale, prise en exécution du testament de sa mère, de partager avec sa soeur X... C... ses droits dans la propriété de Villechaize ; qu'en jugeant que Mme E... n'avait pu valablement se rétracter, la cour d'appel s'était contentée de tirer la conséquence qui s'imposait à l'époque, à savoir que Mmes E... et C... se trouvaient en état d'indivision ; qu'en jugeant néanmoins que Mme C... ne pouvait prétendre à l'attribution pleine et entière de la propriété de Villechaize pour cette raison que l'arrêt du 10 janvier 2012, devenu définitif, avait constaté que Mme E... avait dans un premier temps opté pour le partage de ces droits avec sa soeur et non pour la cession totale, cependant que le testament n'interdisait en aucune manière que Mme E... opte successivement pour chacune de ces options, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 du code civil ;
2°/ que chaque co-indivisaire peut céder à titre gratuit à un autre coïndivisaire ses droits indivis sans provoquer le partage de l'indivision ; que pour rejeter les demandes de Mme C..., la cour d'appel a jugé que si cette dernière voulait se voir attribuer la propriété de Villechaize, elle devait nécessairement à sa soeur une soulte égale à la moitié de la valeur du bien ; qu'en statuant ainsi, cependant que Mme C... soutenait qu'en exécution du testament de leur mère, Mme E..., qui ne voulait pas ou ne pouvait pas assumer la charge de la propriété de Villechaize, avait cédé à titre gratuit ses droits à sa soeur, la cour d'appel a violé les articles 815-14 et 815-16 du code civil ;
3°/ que Mme C... soutenait dans ses conclusions qu'elle avait demandé au tribunal de constater que Mme E... ne voulait pas ou ne pouvait pas assumer la charge de la propriété de Villechaize et de juger qu'en application du testament, elle se trouvait seule légataire du château de Villechaize et de la quotité disponible ; qu'en jugeant que Mme E... avait déjà exercé son option en vertu dudit testament sans répondre aux conclusions de Mme C... qui faisait valoir que Mme E... avait, à la suite de l'exercice de cette première option, manifesté son absence d'intention ou son impossibilité d'assumer la charge de la propriété litigieuse ce dont il résultait qu'elle avait finalement opté pour la cession totale de ses droits au profit de sa soeur sans que les termes du testament n'y fassent obstacle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. L'article 1351, devenu 1355 du code civil dispose :
« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
6. Ayant relevé que, par arrêt du 10 janvier 2012 devenu irrévocable, il avait été jugé qu'en application du testament du 6 février 1986 et de l'acte du 27 mai 2010, Mme X... A... et Mme E... étaient légataires par parts égales à hauteur de 50 % chacune des biens visés au testament ainsi que de la quotité disponible, la cour d'appel, qui n'était tenue, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que celles-ci étaient en indivision sur ce bien et que Mme X... A... ne pouvait se le voir attribuer sans s'acquitter d'une soulte égale à la moitié de sa valeur.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formé par Mme X... A... et la condamne à payer à Mme E... une somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme X... A... .
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR refusé l'attribution château de Villechaize à Mme X... A... veuve C... pour sa valeur de 374.000 € fixée par la cour d'appel de Lyon dans son arrêt irrévocable du 10 janvier 2012, d'AVOIR en conséquence ordonné la licitation dudit château en l'audience des Criées du tribunal de grande instance de St Étienne sur une mise à prix de 374 000 euros avec faculté de baisse d'un quart puis de moitié en cas de défaut d'enchérisseur, d'AVOIR dit que les modalités de publicité en vue de la vente seront accomplies comme il est prévu en matière de vente sur saisie immobilière, d'AVOIR désigné Me D... U..., notaire à [...] ou en cas d'empêchement tout notaire désigné par Monsieur le Président de la Chambre des Notaires de la LOIRE ou à défaut son délégataire, pour procéder aux opérations de partage, d'AVOIR désigné le juge de la mise en état de la première chambre du tribunal de ST ETIENNE pour surveiller ces opérations et faire rapport en cas de difficultés, d'AVOIR dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens, d'AVOIR débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
AUX MOTIFS QUE « par arrêt en date du 10 janvier 2012, la cour d'appel de Lyon a décidé qu'en application du testament de la de cujus et de l'acte du 27 mai 2010 par lequel Madame H... a partagé ses droits au legs dans les termes autorisés au testament, les parties sont légataires par parts égales à hauteur de 50 % chacune des biens visés par le testament ainsi que de la quotité disponible, que suite à cette décision aujourd'hui définitive, les parties sont en indivision sur ce bien et que pour sortir de ladite indivision, comme l'article 815 du code civil le prévoit, si Mme X... A... veuve C... souhaite se le voir attribuer, elle doit à sa soeur Mme S... H... une soulte égale à la moitié de la valeur dudit bien fixée de façon définitive par la même décision à 374.000 €, soit la somme de 187.000 €, qu'en effet Mme X... A... veuve C... ne peut solliciter, en application du testament de sa mère, de n'avoir à s'acquitter d'aucune soulte alors que sa soeur Mme S... H... a déjà exercé son option en vertu dudit testament pour le partage de ses droits et que la cour d'appel a entériné cette option dans l'arrêt définitif précité, Attendu que Mme X... A... veuve C... refusant de s'acquitter d'une soulte, il convient d'ordonner, conformément à la demande subsidiaire de Mme H... , la licitation dudit bien, selon les modalités définies au dispositif du présent arrêt auquel l'on se référera, (arrêt, p.9) » ;
1. ALORS QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 janvier 2012 n'avait statué que sur la régularité d'une rétractation par Mme H... de sa décision initiale, prise en exécution du testament de sa mère, de partager avec sa soeur X... C... ses droits dans la propriété de Villechaize ; qu'en jugeant que Mme H... n'avait pu valablement se rétracter, la cour d'appel s'était contentée de tirer la conséquence qui s'imposait à l'époque, à savoir que Mesdames H... et C... se trouvaient en état d'indivision ; qu'en jugeant néanmoins que Mme C... ne pouvait prétendre à l'attribution pleine et entière de la propriété de Villechaize pour cette raison que l'arrêt du 10 janvier 2012, devenu définitif, avait constaté que Mme H... avait dans un premier temps opté pour le partage de ces droits avec sa soeur et non pour la cession totale, cependant que le testament n'interdisait en aucune manière que Mme H... opte successivement pour chacune de ces options, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 du code civil ;
2. ALORS QUE chaque co-indivisaire peut céder à titre gratuit à un autre coïndivisaire ses droits indivis sans provoquer le partage de l'indivision ; que pour rejeter les demandes de Mme C..., la cour d'appel a jugé que si cette dernière voulait se voir attribuer la propriété de Villechaize, elle devait nécessairement à sa soeur une soulte égale à la moitié de la valeur du bien ; qu'en statuant ainsi, cependant que Mme C... soutenait qu'en exécution du testament de leur mère, Mme H... , qui ne voulait pas ou ne pouvait pas assumer la charge de la propriété de Villechaize, avait cédé à titre gratuit ses droits à sa soeur, la cour d'appel a violé les articles 815-14 et 815-16 du code civil ;
3. ALORS QUE Mme C... soutenait dans ses conclusions (conclusions p. 13 et p. 20) qu'elle avait demandé au tribunal de constater que Mme H... ne voulait pas ou ne pouvait pas assumer la charge de la propriété de Villechaize et de juger qu'en application du testament, elle se trouvait seule légataire du château de Villechaize et de la quotité disponible ; qu'en jugeant que Mme H... avait déjà exercé son option en vertu dudit testament sans répondre aux conclusions de Mme C... qui faisait valoir que Mme H... avait, à la suite de l'exercice de cette première option, manifesté son absence d'intention ou son impossibilité d'assumer la charge de la propriété litigieuse ce dont il résultait qu'elle avait finalement opté pour la cession totale de ses droits au profit de sa soeur sans que les termes du testament n'y fassent obstacle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.