LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juillet 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 630 FS-P+B
Pourvoi n° D 18-25.352
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020
Mme Q... P..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° D 18-25.352 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. F... R..., domicilié [...], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Les Comptoirs du biscuit, sise [...],
2°/ à l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme P..., de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. R..., ès qualités, et l'avis de M. Weissmann, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, conseiller, Mme Depelley, Mme Duvallet, ayant voix délibérative, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 octobre 2018), Mme P... a été engagée le 1er juillet 1976, en qualité d'ouvrière qualifiée, par la société Gringoire, devenue la société Les Comptoirs du biscuit qui par jugement du 4 juillet 2013 a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, M. R... ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi a été transmis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 19 juillet 2013. L'absence de réponse de l'autorité administrative dans le délai de l'article L. 1233-58, II, du code du travail a produit les effets d‘une homologation implicite. Par lettre du 25 juillet 2013, Mme P... a été licenciée dans le cadre de la procédure de licenciement économique collectif.
2. Le 13 juin 2014, d'autres salariés ont saisi la juridiction administrative aux fins d'annulation de la décision implicite d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi. Par ordonnance du 12 août 2014, le tribunal administratif a rejeté leurs requêtes. Par arrêt du 10 novembre 2014, la cour administrative d'appel a annulé l'ordonnance ainsi que la décision implicite d'homologation.
3. Les 14 juin et 21 juillet 2016, Mme P... a saisi la juridiction prud'homale, pour solliciter à titre principal l'indemnisation d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail et à titre subsidiaire l'indemnisation prévue par l'article L. 1233-58, II, du même code, en se prévalant, pour l'ensemble de ces demandes, de la décision d'annulation de la cour administrative d'appel du 10 novembre 2014, cette date fixant selon elle le point de départ de la prescription de son action.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause le CGEA d'Ile-de-France Ouest, de déclarer irrecevables ses demandes comme étant prescrites, alors :
« 1°/ que le délai de douze mois prévu par le second alinéa de l'article L. 1235-7 du code du travail n'est applicable qu'aux actions mettant en cause la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou aux contestations susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan ; que, pour déclarer, en l'espèce, irrecevables les demandes de la salariée fondée sur l'application de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel a rappelé l'énoncé de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 et applicable au litige et considéré que c'est au 25 juillet 2013 qu'a débuté le délai de prescription de cette disposition, la salariée ayant agi alors que la prescription était acquise ; qu'en statuant ainsi, alors que la demande fondée sur l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail ne met en cause ni la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ni sa validité en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, la cour d'appel, à qui il revenait de faire application, comme elle y était invitée, non pas de l'article L. 1235-7 mais de l'article L. 1471-1 du même code, dans leur version alors en vigueur, a violé les dispositions de ces texte ainsi que celles de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail ;
2°/ que, selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que, selon l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'il ressort de la combinaison de ces deux textes que c'est à la date où l'annulation par le juge administratif de la décision d'homologation est devenue définitive que les salariés ont connaissance du fait leur permettant d'exercer leur action tendant à l'octroi de l'indemnité de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail et qu'ainsi le délai de prescription de cette action ne court qu'à compter de cette date ; que, pour déclarer, en l'espèce, irrecevables les demandes de la salariée fondée sur l'application de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel a considéré que, sur le fondement de l'article L. 1471-1 du code du travail ou de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans leur version alors en vigueur, le point de départ du délai de prescription de l'action tendant à l'octroi de l'indemnité de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, précité a couru dès le 25 juillet 2013, date de notification à la salariée de la rupture de son contrat de travail, et qu'au jour où la salariée a saisi la juridiction prud'homale, soit le 14 juin 2016, son action était prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que l'annulation de la décision implicite d'homologation du document unilatéral de l'employeur était devenue définitive avec l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 novembre 2014, date à partir de laquelle le délai de prescription biennal, applicable à cette demande, avait couru, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1233-58, II, alinéa 5, et L. 1471-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
5. Le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telle la demande d'indemnisation prévue à l'article L. 1233-58 II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. Ce délai de prescription court à compter de la notification du licenciement.
6. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale plus d'un an après la notification de son licenciement, en a déduit à bon droit que sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article L. 1233-58, II, du code du travail était irrecevable comme prescrite.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme P...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR mis hors de cause le CGEA d'Ile-de-France Ouest, d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de Mme P... comme étant prescrites, de l'AVOIR déboutée de sa demande fondée sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR laissé les dépens à sa charge
AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement entrepris,
« Sur la recevabilité de la demande
Le Conseil, en premier lieu, fait observer qu'en l'espèce la question de la prescription ou non de la présente instance, aussi bien la prescription annuelle définie par l'article L. 1235-7 du code du travail que la prescription biennale définie par l'article L. 1471-1 du code du travail ont été largement débattues à la barre par les parties.
Le Conseil constate en conséquence que le contradictoire est parfaitement respecté et qu'il n'est donc pas nécessaire de ré-ouvrir les débats sur ce sujet.
* Sur la prescription annuelle (article L. 1235-7)
L'article L. 1235-7 du code du travail applicable depuis le 1er juillet 2013 (car modifié par la Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 - art 18, loi sur la sécurisation de l'emploi) indique explicitement que "toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement".
Madame Q... P... a été licenciée par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2013.
Le Conseil constate que la date à partir de laquelle elle a contesté la régularité et la validité de son licenciement est la date de saisine du Conseil de Prud'hommes, soit le 12 juin 2016. Ce délai est donc de l'ordre de 1053 jours, qui est largement supérieur à 365 jours.
La demanderesse verse aux débats un arrêt de la Cour d'Appel de POITIERS daté du 8 juin 2016 concernant un salarié de la même entreprise et qui précise qu'en application d'une jurisprudence de la Cour de cassation en date du 15 juin 2010, dans un cas similaire au cas d'espèce, l'article L. 1235-7 du code du travail ne pourrait pas être appliqué au cas d'espèce.
Le Conseil ne comprend pas très bien comment un article du code du travail issu directement de la loi du 14 juin 2013 et applicable au 1er juillet 2013 peut être remis en cause par une jurisprudence du 15 juin 2010, soit antérieure de 3 ans environ.
Donc, le Conseil, à la lecture de l'arrêt du 8 juin 2016 de la Cour d'Appel de POITIERS, ne peut que constater que l'argument de l'application de l'article L. 1235-7 du code du travail opposé par le défendeur, ne peut être retenu.
* Sur la prescription biennale (article L. 1471-1)
L'article L. 1471-1 du code du travail, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et en vigueur depuis le 17 juin 2013, donc applicable en l'espèce, dit en son premier alinéa que : "toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exercice a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit
".
La demanderesse expose au Conseil qu'elle a eu des problèmes de santé l'empêchant de marcher et de se déplacer et que cela représentait pour elle un cas de force majeure qui l'a empêché d'agir aussitôt en justice. Elle se réfère donc à l'article 2234 du code civil.
Cet article 2234 du code civil précise que : "la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure".
Pour confirmer ses dires, elle verse aux débats un certificat du Docteur G..., indiquant que Madame Q... P... a présenté des troubles de la marche à compter du 20/02/15 jusqu'à la consultation du Docteur E.... Ce certificat présente en deux endroits des surcharges sur les dates indiquées, qui seraient 2015 surchargeant une date initiale de 2016. De plus, en début de texte, il indique la date du 9/3/16 et se termine avec la date du 23/12/15 (surchargée sur un 16).
La demanderesse verse également un courrier du Docteur B... du [...], daté du 26 juin 2015 et adressé au Docteur G.... Ce courrier confirme qu'il (ou elle) "a vu en consultation le 22 juin 2015
; Madame P... Q... qui vient me voir pour des troubles de la marche
".
La demanderesse a été licenciée par lettre datée du 25 juillet 2013. Compte tenu du délai de péremption de 2 ans stipulé par l'article L. 1471-1 du code du travail, elle aurait dû agir avant le 26 juillet 2015.
Elle a saisi le Conseil de Prud'hommes le 14 juin 2016, soit à une date très postérieure à la date de péremption. Elle soutient avoir été dans l'impossibilité physique d'agir et précise que, selon l'article 2234 du code civil, la prescription doit être suspendue.
Le Conseil constate qu'au moins jusqu'au 22 juin 2015, elle avait une certaine motricité puisqu'elle a pu consulter un médecin à cette date, qui était très légèrement antérieure à la date de péremption (35 jours).
Selon la décision d'Aide Juridictionnelle versée aux débats, il est démontré que le 28 octobre 2015, date de la demande d'aide juridictionnelle, elle était en mesure de faire des démarches.
Aucun des documents qu'elle verse aux débats ne démontre explicitement qu'elle ne pouvait absolument pas marcher, ni se déplacer
ni même téléphoner à un délégué syndical ou un avocat dans la période allant du 22 juin au 26 juillet 2015, sachant que le 28 octobre 2015 (soit 3 mois plus tard) elle était capable d'effectuer des démarches pour assurer sa défense.
Par ailleurs, le Conseil, constatant que la demanderesse a saisi ultérieurement le Conseil de Prud'hommes par l'intermédiaire d'un avocat, qui par ailleurs est le même que celui de plusieurs de ses collègues salariés de la Société LES COMPTOIRS DU BISCUIT, considère qu'elle aurait pu se faire aider par un moins un de ses anciens collègues, qui était dans le même cas qu'elle, pour saisir en même temps qu'eux le Conseil en temps voulu.
Donc, le Conseil considère que l'argumentation de Madame Q... P..., pour expliquer le bien-fondé de la recevabilité de sa requête, n'est absolument pas recevable et qu'en conséquence sa demande, en application de l'article L. 1471-1 du code du travail, est prescrite.
Comme elle ne forme qu'une demande d'indemnité liée à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, sa demande est donc irrecevable.
En conséquence, elle sera donc déboutée de la totalité de sa demande. » ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,
« Sur la prescription :
Mme P... a saisi le conseil de prud'hommes de Saintes, pour solliciter à titre principal l'indemnisation d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en se fondant sur l'article L. 1235-3 du code du travail et à titre subsidiaire l'indemnisation prévue par l'article L. 1233-58 II du code du travail, en se prévalant, pour l'ensemble de ses demandes, de l'annulation, par arrêt de la cour d'appel administrative de Bordeaux du 10 novembre 2014, du plan de sauvegarde de l'emploi homologué implicitement et de l'absence de recherches de reclassement en résultant, cette date fixant selon elle le point de départ de la prescription de l'action.
Les premiers juges ont retenu que son action était prescrite en application de l'article L. 1471-1 du code du travail.
Mme P... forme à titre principal une demande d'indemnisation pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse fondée sur l'article L. 1235-3 du code du travail au motif d'une absence de recherche de reclassement résultant des circonstances précitées.
Les premiers juges ont exactement rappelé l'énoncé de l'article L. 1471-1 du code du travail, régime de prescription applicable à la contestation de la rupture du contrat de travail, la cour se référant à la décision déférée et soulignant que le point de départ des deux ans est fixé au jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir.
Or, dès le 25 juillet 2013, date de la notification du licenciement, Mme P... pouvait se convaincre de l'absence de recherches de reclassement, consécutive à l'homologation implicite du plan de sauvegarde de l'emploi, le caractère implicite de l'homologation ouvrant une discussion susceptible d'aboutir à son annulation, celle-ci privant d'effet le plan de sauvegarde de l'emploi ainsi homologué, contexte ne légitimant plus l'absence de recherches de reclassement et rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette date du 25 juillet 2013 fixe ainsi le point de départ de la prescription.
En outre dès le 13 juin 2014 plusieurs salariés ont saisi le tribunal administratif de Poitiers pour faire annuler la décision implicite d'homologation, la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Bordeaux n'empêchant pas Mme P... de saisir à titre même conservatoire le conseil de prud'hommes sur le fondement de l'article L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail pour obtenir indemnisation du préjudice subi et subsidiairement sur le fondement de l'article L. 1233-58 du même code. Cette action alors que la prescription n'était pas acquise lui aurait permis de préserver ses droits.
C'est donc à tort que Mme P... soutient que seul l'arrêt du 10 novembre 2014 rendait bien fondée sa demande au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail et qu'elle ne pouvait agir avant cette date qui doit selon elle fixer le point de départ de la prescription.
Par ailleurs les pièces versées aux débats sont insuffisantes pour retenir que l'état de santé de Mme P... l'a empêchée d'agir, la cour adoptant sur ce point les motifs des premiers juges, l'appelante ne pouvant donc se prévaloir d'une suspension de la prescription pour force majeure telle que prévue par l'article 2234 du code civil.
Enfin c'est seulement le 28 octobre 2015 que Mme P... a déposé une demande d'aide juridictionnelle, qui ne pouvait plus interrompre la prescription, celle-ci étant déjà acquise depuis le 26 juillet 2015.
Les premiers juges ont exactement rappelé, la cour se référant expressément à la décision déférée, l'énoncé de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 et applicable au litige, la cour soulignant seulement que le point de départ de la prescription de 12 mois pour contester la régularité ou la validité d'un licenciement est expressément fixé par la loi au jour de la dernière réunion du comité d'entreprise ou de la notification du licenciement au salarié s'il agit individuellement.
En l'espèce Mme P... se prévaut subsidiairement de l'annulation de l'homologation implicite du plan de sauvegarde de l'emploi résultant de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, en date du 10 novembre 2014. Elle rappelle exactement que les hypothèses visées par l'article L. 1233-58 II du code du travail et donc l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi valable ne rendent pas le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais ouvrent droit à une indemnisation du salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Elle en déduit que sa demande ne relève pas de la prescription énoncée par l'article L. 1235-7 du code du travail puisqu'elle ne tend pas à la nullité de la procédure de licenciement collectif en raison de l'absence du plan de sauvegarde de l'emploi. Pour autant Mme P... ne précise pas la prescription applicable.
Or, à suivre cette argumentation de Mme P... sur sa demande fondée sur l'article L. 1233-58 II du code du travail, la seule prescription applicable reste celle prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail. La cour a déjà retenu et se réfère aux motifs déjà exposés qu'elle reprend, que dès le 25 juillet 2013 Mme P... pouvait se convaincre de son droit à agir et donc saisir, même à titre conservatoire le conseil de prud'hommes, sa demande étant donc prescrite, le délai de prescription n'étant ni suspendu, ni interrompu.
Subsidiairement Mme P... considère que le point de départ de la prescription prévue par l'article L. 1235-7 du code du travail doit être fixée au 10 novembre 2014, date de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux et ayant annulé la décision d'homologation implicite du plan de sauvegarde de l'emploi.
Or Mme P... ne peut ajouter au texte légal et substituer un point de départ de prescription expressément désigné par la loi par un autre.
Mme P... se prévaut de précédentes décisions rendues par la cour d'appel de Poitiers le 8 juin 2016 et concernant d'autres salariés, mais omet que ceux-ci avaient agi dans le délai de prescription et que l'un d'entre eux contestait seulement son licenciement pour absence de recherches de reclassement, son action ne relevant pas de l'article L. 1235-7 du code du travail et n'étant pas non plus prescrite en application de l'article L. 1471-1 du code du travail.
En conséquence c'est au 25 juillet 2013 que débute le délai de prescription prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, Mme P... ayant agi alors que la prescription était acquise.
En conséquence la cour confirme la décision déférée en ce qu'elle a dit les demandes de Mme P... irrecevables car prescrites.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme P... qui succombe est condamnée aux entiers dépens. » ;
ALORS, en premier lieu, QUE le délai de douze mois prévu par le second alinéa de l'article L. 1235-7 du code du travail n'est applicable qu'aux actions mettant en cause la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou aux contestations susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan ; que, pour déclarer, en l'espèce, irrecevables les demandes de la salariée fondée sur l'application de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel a rappelé l'énoncé de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 et applicable au litige et considéré que c'est au 25 juillet 2013 qu'a débuté le délai de prescription de cette disposition, la salariée ayant agi alors que la prescription était acquise ; qu'en statuant ainsi, alors que la demande fondée sur l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail ne met en cause ni la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ni sa validité en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, la cour d'appel, à qui il revenait de faire application, comme elle y était invitée, non pas de l'article L. 1235-7 mais de l'article L. 1471-1 du même code, dans leur version alors en vigueur, a violé les dispositions de ces texte ainsi que celles de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail ;
ALORS, en second lieu, QUE, selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que, selon l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'il ressort de la combinaison de ces deux textes que c'est à la date où l'annulation par le juge administratif de la décision d'homologation est devenue définitive que les salariés ont connaissance du fait leur permettant d'exercer leur action tendant à l'octroi de l'indemnité de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail et qu'ainsi le délai de prescription de cette action ne court qu'à compter de cette date ; que, pour déclarer, en l'espèce, irrecevables les demandes de la salariée fondée sur l'application de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel a considéré que, sur le fondement de l'article L. 1471-1 du code du travail ou de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans leur version alors en vigueur, le point de départ du délai de prescription de l'action tendant à l'octroi de l'indemnité de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, précité a couru dès le 25 juillet 2013, date de notification à la salariée de la rupture de son contrat de travail, et qu'au jour où la salariée a saisi la juridiction prud'homale, soit le 14 juin 2016, son action était prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que l'annulation de la décision implicite d'homologation du document unilatéral de l'employeur était devenue définitive avec l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 novembre 2014, date à partir de laquelle le délai de prescription biennal, applicable à cette demande, avait couru, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1233-58, II, alinéa 5, et L. 1471-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.