LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 486 F-D
Pourvoi n° H 18-26.827
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 SEPTEMBRE 2020
1°/ Mme V... O..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme H... P..., domiciliée [...] ,
ont formé le pourvoi n° H 18-26.827 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à M. L... D... , domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mmes O... et P..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. D... , après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 octobre 2018) et les productions, S... R... est décédée le 20 février 2012 en laissant pour lui succéder son époux séparé de biens, M. D... , et ses deux filles nées de précédentes unions, Mmes O... et P.... Au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, des difficultés sont apparues au sujet d'une reconnaissance de dette de S... R... au profit de M. D... .
Examen de la requête en rectification d'erreur matérielle et du moyen
Enoncé de la requête et du moyen
2. Mmes O... et P... demandent que soit rectifié l'arrêt attaqué en y ajoutant, conformément à ses motifs, le chef de dispositif suivant : « rejette la demande de Mmes V... O... et H... P... tendant à faire constater le caractère indivis des fonds remis à S... R... par M. D... et dire n'y avoir lieu à restitution des fonds qu'à hauteur de la portion indivise appartenant à M. D... , soit la moitié » et font grief à l'arrêt ainsi rectifié de rejeter leur demande tendant à faire constater le caractère indivis des fonds remis à S... R... par M. D... , de dire n'y avoir lieu à restitution des fonds qu'à hauteur de la portion indivise appartenant à M. D... , soit la moitié, et de les condamner à verser à ce dernier la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu'ils seraient séparés de biens, c'est à l'époux de prouver qu'il a la propriété exclusive d'un bien ; que dans leurs conclusions d'appel, Mmes O... et P... soutenaient qu'en raison de la présomption simple d'indivision des actifs des époux mariés sous le régime de la séparation de biens, et faute pour l'époux de leur mère, M. D... , de justifier de l'origine des fonds qu'il aurait prêtés à celle-ci, ces fonds étaient nécessairement indivis ; qu'en les déboutant de leur demande tendant à voir juger que M. D... ne peut prétendre qu'à la restitution de la moitié de la somme prêtée, motif pris qu'elles inversent la charge de la preuve, quand il incombait à l'époux d'établir que les fonds prêtés lui étaient personnels, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315, dans sa rédaction applicable au litige, et 1538 du code civil ;
2°/ que les biens sur lesquels aucun des époux mariés sous le régime de la séparation de biens ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ; que pour débouter Mmes O... et P... de leur demande tendant à voir juger que M. D... ne peut prétendre qu'à la restitution de la moitié de la somme prêtée à son épouse avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, l'arrêt attaqué a énoncé que leur interprétation de l'alinéa 3 de l'article 1538 du code civil est erronée, la présomption légale de propriété indivise concernant les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive, alors que les fonds déposés sur un compte personnel sont présumés appartenir à son titulaire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les fonds prêtés par M. D... à son épouse provenaient effectivement d'un compte qui lui était personnel, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1538, alinéa 3, du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision frappée de pourvoi ne pouvant être rectifiées par la Cour de cassation qu'à la condition que cette décision lui soit, sur ce point, déférée, une requête en rectification d'erreur matérielle ne peut être présentée en vue de rendre recevable un moyen de cassation.
4. Le dispositif de l'arrêt ne contenant aucun chef rejetant la demande de Mmes O... et P... tendant à faire constater le caractère indivis des fonds remis à S... R... par M. D... et disant n'y avoir lieu à restitution des fonds qu'à hauteur de la portion indivise appartenant à M. D... , le moyen reprochant à la cour d'appel d'avoir ainsi statué n'est pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes O... et P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes O... et P... et les condamne à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mmes O... et P...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mmes V... O... et H... P... tendant à faire constater le caractère indivis des fonds remis à Mme R... par M. D... et dire n'y avoir lieu à restitution des fonds qu'à hauteur de la portion indivise appartenant à M. D... , soit la moitié, outre à les avoir condamnées à verser à M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Mmes O... et P... font valoir en appel, à titre très subsidiaire, qu'en raison de la présomption simple d'indivision des actifs des époux mariés sous le régime de la séparation de biens, prévue par l'article 1538 du code civil, et faute pour M. D... de justifier de l'origine des fonds qu'il aurait prêtés à leur mère, ceux-ci sont nécessairement indivis, qu'il ne pouvait en disposer qu'à hauteur de la moitié en application des dispositions de l'article 815-3 du code civil, ne pouvait par conséquent consentir un prêt à son épouse sur des fonds ne lui appartenant pas, ce qui conduit les appelantes à soutenir qu'il ne peut prétendre qu'à la restitution de la moitié de la somme.
Sur l'objection de l'intimé qui répond que les époux n'ont jamais eu de compte joint et que par conséquent les fonds provenaient nécessairement d'un compte personnel, les appelantes répliquent que M. D... ne démontre pas qu'il n'existait pas de compte joint et qu'en tout état de cause l'absence de compte joint n'est pas de nature à démontrer l'absence d'indivision des fonds, ceux-ci étant présumés indivis peu important le compte sur lequel ils sont versés.
Étant rappelé que la pièce n° 5 précitée des appelantes ne mentionne aucun bien ou compte indivis, la cour ne saurait suivre Mmes O... et P... dans leurs raisonnements en ce que d'une part elles inversent la charge de la preuve et d'autre part leur interprétation de l'alinéa 3 de l'article 1538 est erronée, la présomption légale de propriété indivise concernant les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive, alors que les fonds déposés sur un compte personnel sont présumés appartenir à son titulaire. Par conséquent la demande très subsidiaire des appelantes sera rejetée » ;
1° ALORS QUE lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu'ils seraient séparés de biens, c'est à l'époux de prouver qu'il a la propriété exclusive d'un bien ; que dans leurs conclusions d'appel (p. 9), Mmes O... et P... soutenaient qu'en raison de la présomption simple d'indivision des actifs des époux mariés sous le régime de la séparation de biens, et faute pour l'époux de leur mère, M. D... , de justifier de l'origine des fonds qu'il aurait prêtés à celle-ci, ces fonds étaient nécessairement indivis ; qu'en les déboutant de leur demande tendant à voir juger que M. D... ne peut prétendre qu'à la restitution de la moitié de la somme prêtée, motif pris qu'elles inversent la charge de la preuve, quand il incombait à l'époux d'établir que les fonds prêtés lui étaient personnels, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315, dans sa rédaction applicable au litige, et 1538 du code civil ;
2° ALORS QUE les biens sur lesquels aucun des époux mariés sous le régime de la séparation de biens ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ; que pour débouter Mmes O... et P... de leur demande tendant à voir juger que M. D... ne peut prétendre qu'à la restitution de la moitié de la somme prêtée à son épouse avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, l'arrêt attaqué a énoncé que leur interprétation de l'alinéa 3 de l'article 1538 du code civil est erronée, la présomption légale de propriété indivise concernant les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive, alors que les fonds déposés sur un compte personnel sont présumés appartenir à son titulaire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les fonds prêtés par M. D... à son épouse provenaient effectivement d'un compte qui lui était personnel, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1538, alinéa 3, du code civil.