LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 639 F-D
Pourvois n°
V 18-24.861
Q 18-24.971 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
I - Mme T... N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° V 18-24.861 contre un arrêt rendu le 26 septembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (4e B, chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Capgemini technology services, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à M. D... V..., domicilié [...] ,
3°/ au syndicat CGT Capgemini, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
II - M. D... V... a formé le pourvoi n° Q 18-24.971 contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant respectivement :
1°/ à la société Capgemini technology services, société par actions simplifiée,
2°/ à Mme T... N...,
3°/ au syndicat CGT Capgemini,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° V 18-24.861 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° Q 18-24.971 invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme N..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. V..., de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Capgemini technology services, après débats en l'audience publique du 4 juin 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 18-24.861 et Q 18-24.971 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 septembre 2018), statuant en la forme des référés, le 26 février 2015, Mme N... et M. V..., en qualité de délégués du personnel au sein de la société Capgemini technology services (la société), ont mis en oeuvre la procédure de droit d'alerte prévue par l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable, invoquant une situation de discrimination à raison de l'âge à l'encontre de plusieurs salariés.
3. Le 28 août 2015, ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société à produire sous astreinte un document reprenant pour l'ensemble des salariés du site de Montpellier certaines informations sur le déroulement de leur carrière et dont ils estimaient qu'ils leur permettraient d'établir l'existence d'une situation de discrimination à raison de l'âge.
Examen du moyen
Sur le moyen unique des pourvois, pris en leur première branche
Enoncé du moyen
4. Les salariés font grief à l'arrêt de constater que l'employeur a procédé sans délai à l'enquête prévue par l'article L. 2313-2 en sa rédaction applicable en la cause, de les débouter de leur demande de condamnation de l'employeur à communiquer un document reprenant pour l'ensemble des salariés du site de Montpellier les éléments demandés, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes alors, « que si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui résulte d'une mesure discriminatoire, il en saisit immédiatement l'employeur qui doit procéder sans délai à une enquête conjointe avec le délégué du personnel ; que l'enquête conjointe doit être diligentée ou, à défaut, ordonnée par le juge, dès lors que le délégué du personnel apporte des éléments de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination liée à l'âge des salariés et que l'employeur n'apporte aucun élément justifiant la différence de traitement en matière d'évolution de carrière et de rémunération par des éléments objectifs étrangers à toutes discrimination ; qu'en jugeant qu'il n'était apporté aucun élément de fait laissant supposer une discrimination, après avoir pourtant constaté que treize salariés de plus de 45 ans, dont la moitié avaient plus de 50 ans, s'étaient vu attribuer la note de potentiel « D », empêchant toute progression de carrière, contre un seul salarié de l'entreprise de plus de 45 ans ayant eu une meilleure notation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait l'existence d'éléments de fait de nature à établir une présomption de discrimination et justifiant l'exercice du droit d'alerte par les délégués du personnel, a violé les articles L. 2313-2, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1132-1, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016, et les articles L. 1134-1 et L. 2313-2 du code du travail :
5. Selon le dernier de ces textes, si un délégué du personnel constate qu'il existe dans l'entreprise une atteinte aux droits des personnes qui peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Ce dernier procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le délégué, si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, qui statue selon la forme des référés et peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte. Il résulte des autres textes susvisés, que dans le cadre du droit d'alerte, si un salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe au vu de ces éléments à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
6. Pour débouter les salariés de leurs demandes, la cour d'appel a retenu qu'il n'était apporté aucun élément de fait laissant supposer une discrimination.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que treize salariés de plus de 45 ans, dont la moitié avaient plus de 50 ans, s'étaient vu attribuer la note de potentiel « D », contre un seul salarié de l'entreprise de moins de 45 ans ayant eu cette notation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait l'existence d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination à raison de l'âge et justifiant l'exercice du droit d'alerte par les délégués du personnel, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du syndicat la CGT-Capgemini, l'arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Capgemini technology services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Capgemini techonology services et la condamne à payer à Mme N... et M. V..., chacun, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° V 18-24.861 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme N....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté «que l'employeur a procédé sans délai à l'enquête prévue par l'article L2313-2 en sa rédaction applicable en la cause, débouté Mme T... N... et M. D... V... de leur demande de condamnation de l'employer à communiquer un document EXCEL reprenant pour l'ensemble des salariés du site de Montpellier les éléments suivants : - Nom ; Prénom ; Sexe ; Date de naissance ; Date d'entrée dans l'entreprise ; Grade avant CED 2014 ; Grade après CED 2014 ; Position SYNTIEC avant CED 2014 ; Position SYNTEC après CED 2014 ; Performance de l'EDP restituée en 2015 ; Note de potentiel de l'EDP restituée en 2015 ; Note(s) de(s) EPP de l'année 2014 ; Pourcentage du salaire obtenu cette année hors rattrapage NAO et égalité professionnelle ; Contestation de la note faite par le salarié (valorisée par oui ou non) ; Proposition de rétrogradation valorisée par oui ou non)» et débouté Mme N... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE l'article L.2313-2 en sa rédaction applicable en la cause prévoit que :
- si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur.
- cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement ;
- l'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation ;
- en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés ;
- le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor ;
le fait qu'au mois de février 2015, 13 salariés dits seniors et "âgés de plus de 45 ans et majoritairement de plus de 50 ans" aient fait remonter au délégué du personnel une attribution d'une note de potentiel de D alors qu'un seul salarié de moins de 45 ans ait indiqué avoir bénéficié d'une telle note ne constitue, au regard du texte ci-dessus repris et du contexte précis dans lequel 200 salariés ont été évalués en 2014 sur le site de Montpellier et que sur ce site 40% de collaborateurs ont plus de 45 ans alors que nationalement le pourcentage n'est que de 24%, ni une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ni un élément de fait pouvant laisser supposer l'existence d'une mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat ; en tout état de cause l'employeur a déjà accepté le 2 mars 2015 de diligenter l'enquête prévue par l'article L. 2313-2 du code du travail en sa rédaction applicable en la cause sur demande effectuée le 26 février 2015 ; de plus il n'y a pas lieu de condamner l'employeur à communiquer le document excel réclamé par Mme T... N... et M. D... V..., les modalités déjà définies apparaissant suffisantes, à savoir celles arrêtées lors de la réunion du jeudi 12 mars 2015, notamment par «interview» de tous les salariés seniors (âgés de plus de 45 ans) ayant eu une note D à la note de potentiel d'EDP ; la demande du syndicat « la CGT-Capgemini » ne peut être accueillie, convenant de distinguer l'hypothèse de la réalisation d'une enquête selon les modalités qui ne sont pas toutes celles exprimées par les représentants du personnel de celle de «l'absence d'enquête conjointe immédiate à la suite du droit d'alerte exercé par le délégué du personnel» ;
1°) ALORS QUE si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui résulte d'une mesure discriminatoire, il en saisit immédiatement l'employeur qui doit procéder sans délai à une enquête conjointe avec le délégué du personnel ; que l'enquête conjointe doit être diligentée ou, à défaut, ordonnée par le juge, dès lors que le délégué du personnel apporte des éléments de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination liée à l'âge des salariés et que l'employeur n'apporte aucun élément justifiant la différence de traitement en matière d'évolution de carrière et de rémunération par des éléments objectifs étrangers à toutes discrimination ; qu'en jugeant qu'il n'était apporté aucun élément de fait laissant supposer une discrimination, après avoir pourtant constaté que treize salariés de plus de 45 ans, dont la moitié avaient plus de 50 ans, s'étaient vu attribuer la note de potentiel «D», empêchant toute progression de carrière, contre un seul salarié de l'entreprise de plus de 45 ans ayant eu une meilleure notation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait l'existence d'éléments de fait de nature à établir une présomption de discrimination et justifiant l'exercice du droit d'alerte par les délégués du personnel, a violé les articles L. 2313-2, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE l'employeur saisi d'un droit d'alerte d'un ou de plusieurs délégués du personnel est tenu de mener une enquête conjointe avec eux sur le risque d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, laquelle postule l'établissement d'un plan d'enquête arrêté d'un commun accord et mis en œuvre conjointement ; qu'en jugeant que la société Capgemini Technology Services avait satisfait à son obligation de mener une enquête conjointe sur le risque de discrimination du nouveau système d'évaluation des salariés dans l'entreprise au motif qu'elle avait souhaité «interviewer» tous les salariés âgés de plus de 45 ans et ayant eu une note de potentiel «D», quand il était constant et non contesté par la société que les modalités de l'enquête avaient été arrêtées unilatéralement par l'employeur sans tenir compte des demandes d'information des délégués du personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail ;
3°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les termes du litige ; qu'en énonçant que l'enquête conjointe avait été organisée par l'employeur conformément à la loi dès lors que certaines au moins des demandes d'informations complémentaires formulées par les délégués du personnel, dont Mme N..., avaient été satisfaites par la société, quand il était constant et non contesté par la société Capgemini Technology Services qu'elle les avait toutes refusées, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE lorsqu'un délégué du personnel déclenche le droit d'alerte prévu à l'article L. 2313-2 du code du travail en raison d'une différence de traitement dans l'évaluation des salariés de l'entreprise, liée à leur âge, l'employeur communique spontanément ou, à défaut, le juge peut ordonner la communication de l'ensemble des documents permettant la comparaison entre les salariés de l'entreprise ; qu'en affirmant que les modalités déjà définies par l'employeur de l'enquête par «interview» des seuls salariés de plus de 45 ans ayant eu une note «D» étaient suffisantes, quand il résultait de ses constatations que la société Capgemini Technology Services n'avait communiqué aux délégués du personnel aucune information sur les autres salariés de l'établissement qui aurait permis d'effectuer une comparaison entre eux, la cour d'appel a violé les articles L. 2313-2, L. 1132-1 du code du travail. Moyen produit au pourvoi n° Q 18-24.971 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. V....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR, sur constat que l'employeur a procédé sans délai à l'enquête prévue par l'article L. 2313-2 en sa rédaction applicable en la cause, débouté M. D... V... de sa demande de condamnation de l'employeur à communiquer un document Excel reprenant pour l'ensemble des salariés du site de Montpellier les éléments suivants : Nom, Prénom, Sexe, Date de naissance, Date d'entrée dans l'entreprise, Grade avant CED 2014, Grade après CED 2014, Position SYNTEC avant CED 2014, Position SYNTEC après CED 2014, Performance de l'EDP restituée en 2015, Note de potentiel de l'EDP restituée en 2015, Note(s) de(s) EPP de l'année 2014, Pourcentage d'augmentation du salaire obtenu cette année hors rattrapage NAO et égalité professionnelle, Contestation de la note faite par le salarié (valorisée par oui ou non), Proposition de rétrogradation valorisée par oui ou non) et, en conséquence, d'AVOIR débouté le syndicat « la CGT-Capgemini » de sa demande de dommages et intérêts « en réparation du préjudice subi résultant de l'absence d'enquête conjointe immédiate à la suite du droit d'alerte exercé par le délégué du personnel », d'AVOIR dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR laissé partie des dépens d'appel à la charge de M. D... V... ;
AUX MOTIFS QUE L'article L. 2313-2 en sa rédaction applicable en la cause prévoit que : - si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur ; - cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement ; - l'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation ; - en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés ; - le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor ; que le fait qu'au mois de février 2015 13 salariés dits seniors et « âgés de plus de 45 ans et majoritairement de plus de 50 ans » aient fait remonter au délégué du personnel une attribution d'une note de potentiel de D alors qu'un seul salarié de moins de 45 ans ait indiqué avoir bénéficié d'une telle note ne constitue, au regard du texte ci-dessus repris et du contexte précis dans lequel 200 salariés ont été évalués en 2014 sur le site de Montpellier et que sur ce site 40 % de collaborateurs ont plus de 45 ans alors que nationalement le pourcentage n'est que de 24 %, ni une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ni un élément de fait pouvant laisser supposer l'existence d'une mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat ; qu'en tout état de cause l'employeur a déjà accepté le 2 mars 2015 de diligenter l'enquête prévue par l'article L. 2313-2 du code du travail en sa rédaction applicable en la cause sur demande effectuée le 26 février 2015 ; que, de plus il n'y a pas lieu de condamner l'employeur à communiquer le document Excel réclamé par Mme T... N... et M. D... V..., les modalités déjà définies apparaissant suffisantes, à savoir celles arrêtées lors de la réunion du jeudi 12 mars 2015, notamment par « interview » de tous les salariés seniors (âgés de plus de 45 ans) ayant eu une note D à la note de potentiel d'EDP ; que la demande du syndicat « la CGT-Capgemini » ne peut être accueillie, convenant de distinguer l'hypothèse de la réalisation d'une enquête selon les modalités qui ne sont pas toutes celles exprimées par les représentants du personnel de celle de « l'absence d'enquête conjointe immédiate à la suite du droit d'alerte exercé par le délégué du personnel » ;
1) ALORS QUE selon l'article L. 2313-2 du code du travail, si un délégué du personnel constate qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur et, en cas de carence de celui-ci ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et à défaut de solution trouvée avec lui, il saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte ; que, dans ce cadre, lorsque le délégué du personnel présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en déboutant dès lors M. D... V... de sa demande de condamnation de l'employeur à lui communiquer un document Excel reprenant pour l'ensemble des salariés du site de Montpellier divers éléments permettant la comparaison de leurs situations respectives afin de vérifier si le nouveau système d'évaluation de la performance des salariés revêtait, ou non, un caractère discriminatoire en raison de l'âge, motifs pris que « le fait qu'au mois de février 2015 13 salariés dits seniors et « âgés de plus de 45 ans et majoritairement de plus de 50 ans » aient fait remonter au délégué du personnel une attribution d'une note de potentiel de D alors qu'un seul salarié de moins de 45 ans ait indiqué avoir bénéficié d'une telle note ne constitue, au regard du texte ci-dessus repris et du contexte précis dans lequel 200 salariés ont été évalués en 2014 sur le site de Montpellier et que sur ce site 40 % de collaborateurs ont plus de 45 ans alors que nationalement le pourcentage n'est que de 24 %, ni une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ni un élément de fait pouvant laisser supposer l'existence d'une mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations de fait selon lesquelles treize salariés de plus de 45 ans, dont la moitié avaient plus de 50 ans, s'étaient vu attribuer la note de potentiel «D», empêchant toute progression de carrière, contre un seul salarié de l'entreprise de plus de 45 ans ayant eu une meilleure notation, ce qui caractérisait l'existence de faits laissant supposer que le nouveau système d'évaluation des salariés présentait un caractère discriminatoire en raison de l'âge ; que la cour d'appel a, partant, violé les article L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2313-2 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;
2) ALORS QUE lorsque l'employeur est saisi d'un droit d'alerte par des délégués du personnel, il doit mener une enquête conjointe avec eux sur le risque d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ; que cela implique l'établissement d'un plan d'enquête d'un commun accord ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société Capgemini Technology Services avait satisfait à son obligation de mener une enquête conjointe sur le risque de discrimination à raison de l'âge du nouveau système d'évaluation, la cour d'appel a relevé que la société avait souhaité interviewer tous les salariés âgés de plus de 45 ans et ayant obtenu la note de potentiel de D ; qu'en se déterminant par de tels motifs, inopérants, sans rechercher si la société n'avait pas fixé unilatéralement les modalités de son enquête, sans répondre aux demandes d'information des délégués du personnel à ce sujet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;
3°) ALORS QUE lorsqu'un délégué du personnel déclenche le droit d'alerte prévu à l'article L. 2313-2 du code du travail en raison d'une différence de traitement dans l'évaluation des salariés de l'entreprise, liée à leur âge, l'employeur communique spontanément ou, à défaut, le juge peut ordonner la communication de l'ensemble des documents permettant la comparaison entre les salariés de l'entreprise; qu'en l'espèce, pour se déterminer comme elle l'a fait, la cour d'appel a estimé que les modalités, définies par l'employeur, de l'enquête par «interview» des seuls salariés de plus de 45 ans ayant eu une note de potentiel D étaient suffisantes ; qu'en statuant de la sorte, sans prendre en considération, ainsi que le soutenait M. V..., le fait que la société Capgemini Technology Services n'avait communiqué aux délégués du personnel aucune information sur les autres salariés de l'établissement qui aurait permis d'effectuer une comparaison entre eux, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-2, L. 1132-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.