LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 837 F-D
Pourvoi n° N 19-13.174
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
Mme B... D... N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° N 19-13.174 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3 (anciennement dénommée 8e chambre B)), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Domofinance, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société BNP Paribas Personal finance, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Sygma banque,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de Mme D... N..., de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés Domofinance et BNP Paribas Personal finance, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 janvier 2019), Mme D... N... a financé les commandes d'une installation de panneaux photovoltaïques et d'une pompe à chaleur au moyen de deux engagements de crédit, respectivement souscrits auprès de la société Domofinance et de la société Sygma banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (les banques).
2. En 2014, Mme D... N... a assigné les banques et l'installateur devant un tribunal d'instance pour voir ordonner la suspension des contrats de crédit, ordonner une expertise, prononcer la résolution des bons de commande et des contrats de crédit, condamner l'installateur au paiement de dommages-intérêts et le voir condamner à la garantir à l'égard des banques.
3. Par jugement du 20 novembre 2015, le tribunal d'instance de Marseille a annulé les contrats de vente et les contrats de prêt, condamné l'installateur à rembourser à Mme D... N... le montant des prêts, condamné Mme D... N... à restituer celui-ci aux banques, condamné l'installateur à garantir Mme D... N... des condamnations prononcées à son encontre au profit des banques et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
4. L'installateur ayant été placé en liquidation judiciaire, Mme D... N... a, en 2016, assigné les banques devant un tribunal de grande instance aux fins de les voir condamner à lui payer, chacune, à titre indemnitaire, le montant du prêt accordé, en compensation avec la condamnation intervenue à son encontre résultant du jugement du 20 novembre 2015, ainsi qu'une certaine somme en réparation de son préjudice moral, et de les voir condamner, chacune, à lui rembourser une certaine somme au titre des échéances déjà réglées.
5. Les banques ont opposé en défense une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose précédemment jugée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Mme D... N... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en responsabilité introduite par elle à l'encontre de la société Domofinance et de la société BNP Paribas Personal Finance, alors :
« 1°/ que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; que la demande initiale de Mme D... N... tendant à voir prononcer la résolution judiciaire du contrat la liant à la société AGL Technic et, de manière subséquente, celle des crédits affectés, n'avait pas le même objet que ses nouvelles demandes tendant à voir déclarer les banques prêteuses responsables à raison de leurs fautes ayant consisté à libérer les fonds entre les mains de la société Agl Technic malgré l'inachèvement de ses prestations, et à les voir en conséquence condamnées à lui rembourser le montant des prêts qu'elles lui avaient chacune consentis, à compenser avec les sommes qu'elle avait été condamnées à restituer, en conséquence de l'annulation des prêts litigieux, par le jugement du tribunal d'instance du 20 novembre 2015 rendu sur sa demande initiale ; qu'en déclarant ces nouvelles demandes de Mme D... N... irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée du jugement du 20 novembre 2015 du fait que celui-ci aurait déjà statué dessus en déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires après avoir analysé les moyens de Mme D... N... reprochant aux deux banques d'avoir commis des fautes en se libérant prématurément des fonds prêtés, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, devenu 1355 du code civil ;
2°/ que les motifs d'un jugement fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif n'ont pas l'autorité de chose jugée ; que la cour d'appel a déclaré que la demande de Mme D... N... se heurtait à l'autorité de chose jugée du jugement du 20 novembre 2015, du fait que ce jugement avait analysé les moyens de cette dernière reprochant aux banques prêteuses d'avoir commis des fautes en se libérant des fonds prêtés alors que les prestations de la société AGL Technic n'étaient pas terminées, mais avait aussi rejeté la demande relative à la responsabilité des deux banques, dans le dispositif du jugement, en déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, après avoir relevé que les instructions sans réserves données au prêteur de procéder au décaissement des crédits interdisaient à Mme D... N... de soutenir que le fournisseur n'avait pas exécuté ses obligations pour opposer aux établissements prêteurs une remise fautive des fonds empruntés ; qu'en statuant ainsi, cependant que la première action de Mme D... N... ayant donné lieu au jugement du 20 novembre 2015 tendait exclusivement à la résolution des contrats de prêt, mais non à la mise en cause de la responsabilité des banques et à une demande indemnitaire à ce titre et que les motifs du jugement étaient dépourvus de l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil devenu 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a constaté qu'il ressortait du jugement rendu par le tribunal d'instance le 20 novembre 2015, non seulement que le tribunal avait analysé les moyens de Mme D... N... reprochant aux sociétés Domofinance et Sygma banque d'avoir commis des fautes en se libérant des fonds prêtés alors que les prestations de la société AGL Technic n'étaient pas terminées, mais qu'il avait aussi rejeté la demande relative à la responsabilité des deux banques, dans le dispositif du jugement, en déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, après avoir relevé que les instructions sans réserves données au prêteur de procéder au décaissement des crédits interdisaient à Mme D... N... de soutenir, au détriment des banques, que le fournisseur n'avait pas exécuté ses obligations pour opposer aux établissements prêteurs une remise fautive des fonds empruntés.
8. Il en résulte que le moyen, qui, pris en ses deux branches, manque en fait, ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme D... N... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme D... N... et la condamne à payer à la société Domofinance et la société BNP Paribas Personal finance la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme D... N...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR déclaré irrecevable l'action en responsabilité introduite par B... D... N... à l'encontre de la société Domofinance et de la société Bnp Paribas personal finance ;
AUX MOTIFS QUE, se fondant sur les dispositions de l'article 1355 du code civil, l'appelante fait grief au premier juge d'avoir déclaré irrecevable son action en responsabilité contre les banques, en faisant valoir que seules les demandes tranchées expressément dans le dispositif d'une décision sont revêtues de l'autorité de la chose jugée et que le tribunal d'instance n'a jamais statué sur la responsabilité des établissements bancaires dans son jugement du 20 novembre 2015 ; que cependant, il ressort de cette décision que non seulement le tribunal a analysé les moyens de B... D... N... reprochant aux sociétés Domofmance et Sygma Banque d'avoir commis des fautes en se libérant des fonds prêtés alors que les prestations de la SARL AGL Technic n'étaient pas terminées, mais qu'il a aussi rejeté la demande relative à la responsabilité des deux banques, dans le dispositif du jugement, en déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, après avoir relevé que les instructions sans réserves données au prêteur de procéder au décaissement des crédits interdisent à Mme N... de soutenir, au détriment des banques, que le fournisseur n'a pas exécuté ses obligations pour opposer aux établissements prêteurs une remise fautive des fonds empruntés ; que c'est par conséquent à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'action en responsabilité de l'appelante en raison de l'autorité de la chose jugée par le tribunal d'instance de Marseille le 20 novembre 2015 et du principe de la concentration des moyens ; que le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, sur la recevabilité de l'action de B... D... N... , l'article 480 du Code de Procédure Civile prévoit que : Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que l'article 1351 du Code Civil devenu l'article 1355 du même code prévoit :
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que l'article 122 du Code de Procédure Civile prévoit :
Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; qu'il y a donc autorité de la chose jugée lorsque la même question litigieuse oppose les mêmes parties et procède de la même cause ; qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ainsi que les demandes fondées sur la même cause ; que le principe de concentration des moyens est un obstacle à ce qu'une nouvelle instance soit diligentée en présence d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'il appartenait à B... D... N... , dès la présentation des demandes en restitution du capital prêté, de soulever l'ensemble des moyens de nature à fonder ses prétentions et à faire échec à celles présentées par les établissements bancaires en invoquant, si besoin, leur responsabilité pour obtenir d'éventuels dommages et intérêts qui seraient venus compenser les condamnations mises à sa charge, ; qu'en l'état de ces éléments, les demandes indemnitaires formées par B... D... N... sont irrecevables en ce qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée par le Tribunal d'instance de MARSEILLE dans son jugement définitif en date du 20 novembre 2015 ;
1°) ALORS QUE s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; que la demande initiale de Mme D... N... tendant à voir prononcer la résolution judiciaire du contrat la liant à la société Agl Technic et, de manière subséquente, celle des crédits affectés, n'avait pas le même objet que ses nouvelles demandes tendant à voir déclarer les banques prêteuses responsables à raison de leurs fautes ayant consisté à libérer les fonds entre les mains de la société Agl Technic malgré l'inachèvement de ses prestations, et à les voir en conséquence condamnées à lui rembourser le montant des prêts qu'elles lui avaient chacune consentis, à compenser avec les sommes qu'elle avait été condamnées à restituer, en conséquence de l'annulation des prêts litigieux, par le jugement du tribunal d'instance du 20 novembre 2015 rendu sur sa demande initiale ; qu'en déclarant ces nouvelles demandes de Mme D... N... irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée du jugement du 20 novembre 2015 du fait que celui-ci aurait déjà statué dessus en déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires après avoir analysé les moyens de Mme D... N... reprochant aux deux banques d'avoir commis des fautes en se libérant prématurément des fonds prêtés, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, devenu 1355 du code civil
2°) ALORS QUE les motifs d'un jugement fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif n'ont pas l'autorité de chose jugée ; que la cour d'appel a déclaré que la demande de Mme D... N... se heurtait à l'autorité de chose jugée du jugement du 20 novembre 2015, du fait que ce jugement avait analysé les moyens de cette dernière reprochant aux banques prêteuses d'avoir commis des fautes en se libérant des fonds prêtés alors que les prestations de la société Agl Technic n'étaient pas terminées, mais avait aussi rejeté la demande relative à la responsabilité des deux banques, dans le dispositif du jugement, en déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, après avoir relevé que les instructions sans réserves données au prêteur de procéder au décaissement des crédits interdisaient à Mme D... N... de soutenir que le fournisseur n'avait pas exécuté ses obligations pour opposer aux établissements prêteurs une remise fautive des fonds empruntés ; qu'en statuant ainsi, cependant que la première action de Mme D... N... ayant donné lieu au jugement du 20 novembre 2015 tendait exclusivement à la résolution des contrats de prêt, mais non à la mise en cause de la responsabilité des banques et à une demande indemnitaire à ce titre et que les motifs du jugement étaient dépourvus de l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil devenu 1355 du code civil.
Le greffier de chambre