LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 décembre 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 730 F-D
Pourvoi n° Q 18-22.510
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020
La société Damor Investments Limited, dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° Q 18-22.510 contre l'arrêt (n° RG : 16/03471) rendu le 7 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société Damor Investments Limited, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2018), la société civile immobilière Petrarch (la SCI), ayant son siège à Paris et détenue à 99,8 % par la société Petrarch Holdings Limited (la société Petrarch Holdings), société de droit anglais ayant son siège à [...] ), elle-même détenue à 50 % par la société Damor Investments Limited (la société Damor), ayant son siège à Jersey, est propriétaire d'un bien immobilier à Paris.
2. L'administration fiscale a notifié à la société Damor une proposition de rectification relative à la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, au titre des années 2002 à 2008.
3. La société Damor a présenté une réclamation contentieuse, faisant valoir qu'elle bénéficiait du dispositif exonératoire prévu en faveur des entités ne présentant pas une prépondérance immobilière.
4. Cette réclamation ayant été rejetée, la société Damor a assigné le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris afin d'obtenir l'annulation de la décision de rejet et la décharge de l'imposition mise à sa charge.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société Damor fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dégrèvement de la taxe de 3 % mise à sa charge au titre des années 2002 à 2008 et d'ordonner le rétablissement des impositions déchargées, alors que « les "actifs français" détenus par une société, qui doivent représenter plus de 50 % de ses actifs immobiliers pour qu'elle soit considérée comme une société dépourvue de prépondérance immobilière et pouvant, de ce chef, bénéficier de l'exonération de la taxe de 3 % prévue à l'article 990 D du code général des impôts, comprennent toutes les créances détenues directement ou indirectement par cette société, en ce compris les avances en compte courant d'associés, qui constituent des biens mobiliers distincts des immeubles qu'elles sont censées financer ; qu'en considérant que ne devait pas figurer au dénominateur du ratio de prépondérance immobilière de la société Damor la créance en compte courant qu'elle détenait indirectement dans la SCI qui correspondait au prêt consenti pour financer le bien appartenant à cette dernière, en ce qu'un tel mode de calcul reviendrait à prendre deux fois en compte la valeur de l'immeuble, une première fois directement, et une seconde fois par anticipation de son prix de vente, quand cette créance constituait un bien mobilier distinct de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 990 E du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir énoncé que, pour procéder au calcul du ratio de prépondérance immobilière, il convient de faire le rapport, pour chaque année d'imposition, entre la valeur vénale des immeubles situés en France, possédés directement ou par personne interposée, et la valeur vénale de tous les actifs français détenus directement ou indirectement par l'entité juridique concernée par la taxe, l'arrêt retient que le mode de calcul proposé par la société Damor, qui consiste, au dénominateur du ratio, à ajouter à la valeur vénale du bien immobilier appartenant à la SCI la créance en compte courant détenue par la société Petrarch Holdings, correspondant au prêt consenti par la société mère pour l'acquisition de ce bien, reviendrait à prendre deux fois en compte la valeur de l'immeuble, une première fois directement, une seconde fois par anticipation sur son prix de vente. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu'une telle méthode reviendrait à imposer seulement les entités étrangères qui achèteraient directement un bien immobilier en France, à l'exclusion de celles qui en feraient l'acquisition par le truchement d'une société française, dont elles assureraient le financement par une avance en compte courant, qui serait ainsi regardée, à l'instar du bien immobilier, comme un actif français et gonflerait artificiellement le dénominateur du ratio de prépondérance immobilière, la cour d'appel, qui a en outre relevé que la société Damor ne possédait pas, par interposition en France, d'autres actifs que le bien immobilier appartenant à la SCI, a retenu à bon droit que sa prépondérance immobilière était caractérisée et qu'elle était redevable de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Damor Investments Limited aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Damor Investments Limited et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Damor Investments Limited.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR débouté la société Damor Investments Limited de sa demande de dégrèvement de la taxe de 3% mise à sa charge au titre des années 2002 à 2008 et d'AVOIR ordonné le rétablissement des impositions déchargées ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte des dispositions de l'article 990 D du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige issue du décret du 18 mai 1999 que « les personnes morales qui, directement ou par personne interposée, possèdent un ou plusieurs immeubles situés en France ou sont titulaires de droits réels portant sur ces biens sont redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles ou droits », qu'« est réputée posséder des biens ou droits immobiliers en France par personne interposée, toute personne morale qui détient une participation, quelles qu'en soient la forme et la quotité, dans une personne morale qui est propriétaire de ces biens ou droits ou détentrice d'une participation dans une troisième personne morale, elle-même propriétaire des biens ou droits ou interposée dans la chaîne des participations » et que « cette disposition s'applique quel que soit le nombre des personnes morales interposées » ; que l'article 990 E du code général des impôts poursuit en précisant que « la taxe prévue à l'article 990 D n'est pas applicable : (
) 2° aux entités juridiques : personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables, a) dont les actifs immobiliers, au sens de l'article 990 D, situés en France, représentent moins de 50 % des actifs français détenus directement ou par l'intermédiaire d'une ou plusieurs entités juridiques (
) » ; que la société Damor Investments est détentrice de 50 % des parts de la société Petrarch Holding Limited elle-même détentrice de 99,8 % des parts de la SCI Petrarch propriétaire d'un bien immobilier situé [...] ) ; que la société appelante, qui ne conteste pas sa qualité de personne interposée au sens de l'article 990 D du code général des impôts, s'oppose par contre à la prépondérance immobilière de son capital ; qu'elle expose que la société mère Petrarch Holding Limited détient sur la SCI Petrarch des créances qui figurent au bilan de cette dernière qui, par essence, présentent un caractère mobilier ; que ces créances doivent être intégrées au dénominateur du ratio de prépondérance immobilière et que leur prise en compte dans le dénominateur constitué de tous les actifs français rapportée au numérateur correspondant à la valeur vénale du bien immobilier détenu par la SCI conduit, pour chacune des années considérées à un ratio immobilier inférieur à 50 % exclusif de prépondérance immobilière ; mais que, pour procéder au calcul du ration de prépondérance immobilière, il convient de faire le rapport, pour chaque année d'imposition, des deux ensembles constitués d'une part par le numérateur portant sur la valeur vénale des immeubles situés en France, directement ou par personne interposée, et le dénominateur comprenant la valeur vénale de tous les actifs français détenus directement ou indirectement par l'entité juridique concernée par la taxe de 3 % ; que les parties s'accordent sur la valeur vénale du bien immobilier situé [...] ) correspondant aux valorisations suivantes :
1.01.2002 : 4 400 000 €, 1.01.2003 : 4 700 000 €, 1.01.2004 : 5 000 000 €, 1.01.2005 : 5 300 000 €, 1.01.2006 : 5 400 000 €, 1.01.2007 : 6 200 000 €, 1.01.2008 : 6 500 000 € ; que ce montant doit figurer, pour chaque année concernée, tant au numérateur qu'au dénominateur ; que la proposition de calcul proposée par l'intimée consiste à rajouter dans le dénominateur la créance en compte courant détenue par la société Petrarch Holdings correspondant au prêt consenti par la société mère pour l'acquisition du bien immobilier à hauteur des montants suivants : 6 591 255 euros au 31/12/2001, 6 691 614 euros au 31/12/2002, 7 255 825 euros au 31/12/2003, 7 417 463 euros au 31/12/2004, 7 477 262 euros au 31/12/2005, 7 564 182 euros au 31/12/2006, 7 564 147 euros au 31/12/2007 ; que ce mode de calcul, ainsi que relevé par l'administration fiscale, reviendrait à prendre deux fois en compte la valeur de l'immeuble, une première fois directement, une seconde fois par anticipation sur son prix de vente ; que ce mode de calcul procédant d'une approche purement abstraite ne peut pas être retenu ; que la société Damor Investments ne disposant pas par interposition en France d'autres actifs que ceux portant sur la valeur vénale du bien immobilier situé [...] ), la prépondérance est caractérisée justifiant l'imposition à hauteur de 3 % pour les montants réclamés non contestés dans leur chiffrage ; que le jugement déféré doit ainsi être infirmé » ;
ALORS QUE les « actifs français » détenus par une société, qui doivent représenter plus de 50 % de ses actifs immobiliers pour qu'elle soit considérée comme une société dépourvue de prépondérance immobilière et pouvant, de ce chef, bénéficier de l'exonération de la taxe de 3% prévue à l'article 990 D du code général des impôts, comprennent toutes les créances détenues directement ou indirectement par cette société, en ce compris les avances en compte courant d'associés, qui constituent des biens mobiliers distincts des immeubles qu'elles sont censées financer ; qu'en considérant que ne devait pas figurer au dénominateur du ratio de prépondérance immobilière de la société Damor Investments Limited la créance en compte courant qu'elle détenait indirectement dans la SCI Petrarch qui correspondait au prêt consenti pour financer le bien appartenant à cette SCI, en ce qu'un tel mode de calcul reviendrait à prendre deux fois en compte la valeur de l'immeuble, une première fois directement, et une seconde fois par anticipation de son prix de vente, quand cette créance constituait un bien mobilier distinct de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 990 E du code général des impôts.