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10/12/2020 | FRANCE | N°19-20051

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 décembre 2020, 19-20051


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 décembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1384 F-P+B+I

Pourvoi n° N 19-20.051

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

La société Bourse direct, société anonyme, dont le siÃ

¨ge est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-20.051 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant à M. R.....

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 décembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1384 F-P+B+I

Pourvoi n° N 19-20.051

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

La société Bourse direct, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-20.051 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant à M. R... C..., domicilié chez M. et Mme C..., [...], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Bourse direct, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. C..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2019), M. C..., ayant été licencié par la société Bourse direct (la société), a saisi un conseil de prud'hommes afin de contester ce licenciement et obtenir diverses indemnités.

2. Par un jugement du 14 avril 2017, cette juridiction a déclaré la citation caduque sur le fondement de l'article 469 du code de procédure civile et constaté l'extinction de l'instance et son dessaisissement.

3. M. C... ayant sollicité que ce jugement soit rapporté, le conseil de prud'hommes a, par un second jugement du 16 février 2018, dit que la notification du jugement de caducité visait l'article 468 du code de procédure civile, rejeté le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure afin qu'elle soit jugée.

4. La société a formé un appel-nullité contre ce jugement, lequel a été déclaré irrecevable.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

5. Sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel-nullité qu'elle a formé à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 16 février 2018, alors :

« 1°/ qu'excède ses pouvoirs le juge qui se ressaisit d'une action, sans nouvelle assignation et sans autorisation expresse de la loi, après s'en être déclaré définitivement dessaisi ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes de Paris avait, par jugement du 14 avril 2017, constaté l'extinction de l'instance et son dessaisissement en application de l'article 469 du code de procédure civile, pour ensuite, par jugement du 16 février 2018, se ressaisir de l'affaire sur requête en rapport, au motif que la notification de son précédent jugement visait l'article 468 du code de procédure civile ; qu'en jugeant que l'appel-nullité n'était pas recevable, bien que les mentions de la notification d'un jugement soient sans emport sur le sens dudit jugement et que le conseil de prud'hommes avait excédé ses pouvoirs en faisant revivre une action définitivement éteinte et en se ressaisissant de l'affaire sans nouvelle assignation, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif, en violation de l'article 469 du code de procédure civile ;

2°/ que l'article 17 du code de procédure civile dispose que lorsque la loi permet ou que la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ; que ce texte est inapplicable aux décisions rendues contradictoirement ; qu'en l'espèce, le jugement du 14 avril 2017 était « contradictoire et en premier ressort », M. C... ayant été régulièrement convoqué et ayant comparu dans la procédure ; qu'en considérant que le rapport constituait une voie de droit ouverte contre ce jugement par application de l'article 17 du code de procédure civile, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé le texte susvisé, ensemble l'article 469 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 17, 407 et 469 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir :

7. Il résulte de la combinaison des deux premiers de ces textes que le pouvoir accordé au juge, en cas d'erreur, de rétracter sa décision prononçant la caducité d'une citation lui est seulement reconnu lorsque cette décision a été prise à l'insu du demandeur. En application du troisième, si après avoir comparu, le demandeur s'abstient d'accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le défendeur peut demander au juge de déclarer la citation caduque.

8. Pour déclarer l'appel-nullité de la société irrecevable, l'arrêt retient qu'en application de l'article 17 du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes peut rapporter sa première décision de caducité prise à la demande du défendeur sur le fondement de l'article 469 du code de procédure civile et que la voie de l'appel n'est ouverte qu'à l'égard de la décision par laquelle le juge refuse de rétracter sa première décision.

9. En statuant ainsi, alors que le jugement de caducité fondé sur l'article 469 du code de procédure civile, qui doit intervenir après un débat contradictoire, ne peut faire l'objet d'un recours en rétractation, la cour d'appel a consacré l'excès de pouvoir commis par le conseil de prud'hommes et violé le texte et les principes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bourse direct

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel-nullité formé par la société Bourse Direct à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 16 février 2018 ;

AUX MOTIFS QUE « la société Bourse Direct conclut au bien fondé de son appel-nullité du jugement du 16 février 2018 en soutenant que la juridiction prud'homale ne pouvait décider de rétracter sa première décision du 1er juillet 2014 qui constatait l'extinction de l'instance et qui visait l'article 469 du code de procédure civile selon lequel, "si, après avoir comparu, l'une des parties s'abstient d'accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose. Le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque." Cependant, l'appel-nullité est réservé au seul cas d'excès de pouvoir défini comme la méconnaissance par les premiers juges de l'étendue de leurs pouvoirs juridictionnels lorsque le juge a statué au-delà ou en decà de ses attributions ou méconnu le principe de la séparation des pouvoirs, ou lorsque le juge s'arroge un pouvoir que la loi ne lui confère pas. Et ensuite de l'article 17 du code de procédure civile disposant que, "lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief", il en résulte que le conseil des prud'hommes pouvait rapporter sa première décision de caducité prise sur la demande du défendeur en application de l'article 469 du Code de procédure civile, et tandis que la voie de l'appel n'est ouverte qu'à l'égard de la décision par laquelle le juge refuse de rétracter sa première décision, l'appel-nullité de la société Bourse direct doit être déclaré irrecevable. Il en est de même du surplus de ses demandes, lesquelles ne prétendent par ailleurs pas à trancher un droit » ;

1°) ALORS QU'excède ses pouvoirs le juge qui se ressaisit d'une action, sans nouvelle assignation et sans autorisation expresse de la loi, après s'en être déclaré définitivement dessaisi ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes de Paris avait, par jugement du 14 avril 2017, constaté l'extinction de l'instance et son dessaisissement en application de l'article 469 du Code de procédure civile, pour ensuite, par jugement du 16 février 2018, se ressaisir de l'affaire sur requête en rapport, au motif que la notification de son précédent jugement visait l'article 468 du Code de procédure civile ; qu'en jugeant que l'appel nullité n'était pas recevable, bien que les mentions de la notification d'un jugement soient sans emport sur le sens dudit jugement et que le conseil de prud'hommes avait excédé ses pouvoirs en faisant revivre une action définitivement éteinte et en se ressaisissant de l'affaire sans nouvelle assignation, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif, en violation de l'article 469 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'article 17 du Code de procédure civile dispose que lorsque la loi permet ou que la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ; que ce texte est inapplicable aux décisions rendues contradictoirement ; qu'en l'espèce, le jugement du 14 avril 2017 était « contradictoire et en premier ressort », Monsieur C... ayant été régulièrement convoqué et ayant comparu dans la procédure ; qu'en considérant que le rapport constituait une voie de droit ouverte contre ce jugement par application de l'article 17 du Code de procédure civile, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé le texte susvisé, ensemble l'article 469 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la décision qui constate la caducité ne peut être rapportée sur le fondement de l'article 407 du Code de procédure civile qu'en cas d'erreur ; qu'en l'espèce, le jugement du 14 avril 2017 n'avait pas « constaté » la caducité, mais « déclaré la citation caduque » ; qu'en jugeant que l'appel nullité était irrecevable, bien que l'article 407 du Code de procédure civile ait été inapplicable, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif et violé l'article 407 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la décision qui constate la caducité ne peut être rapportée qu'en cas d'erreur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le jugement du 16 février 2018 avait valablement rapporté le jugement de caducité prononcé sur le fondement de l'article 469 du Code de procédure civile, au seul motif que la notification du jugement visait l'article 468 du Code de procédure civile ; qu'en déclarant l'appel-nullité irrecevable et en confirmant ainsi le jugement, sans caractériser l'erreur commise par le jugement du 14 avril 2017, qui seule aurait permis au conseil des prud'hommes de rapporter sa décision ayant mis fin à l'instance et que celui-ci n'avait pas constatée, de sorte que sa décision était entachée d'un excès de pouvoir, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé les articles 407 et 469 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-20051
Date de la décision : 10/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Instance - Introduction - Citation - Caducité - Jugement de caducité fondé sur l'article 469 du code de procédure civile - Recours en rétractation - Possibilité (non)

APPEL CIVIL - Appel-nullité - Recevabilité - Cas - Jugement ayant rétracté la décision de caducité prise sur le fondement de l'article 469 du code de procédure civile

Il résulte de la combinaison des articles 17 et 407 du code de procédure civile que le pouvoir accordé au juge, en cas d'erreur, de rétracter sa décision prononçant la caducité d'une citation lui est seulement reconnu lorsque cette décision a été prise à l'insu du demandeur. En application de l'article 469 du même code, si après avoir comparu, le demandeur s'abstient d'accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le défendeur peut demander au juge de déclarer la citation caduque. Dès lors, le jugement de caducité fondé sur l'article 469 du code de procédure civile, qui doit intervenir après un débat contradictoire, ne peut faire l'objet d'un recours en rétractation. En conséquence, viole ces dispositions et les principes régissant l'excès de pouvoir, l'arrêt qui, pour déclarer irrecevable l'appel-nullité formé contre un jugement ayant rapporté la décision de caducité prise sur le fondement de l'article 469 du code de procédure civile, retient que la voie de l'appel n'est ouverte qu'à l'égard de la décision par laquelle le juge refuse de rétracter sa première décision


Références :

articles 17, 407 et 469 du code de procédure civile

principes régissant l'excès de pouvoir.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 déc. 2020, pourvoi n°19-20051, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gouz-Fitoussi

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20051
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