LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 décembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 948 F-D
Pourvoi n° S 19-23.114
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020
La société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-23.114 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BPCE Lease Immo, anciennement dénommée Natixis Lease Immo et plus anciennement Fruticom, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Batiroc Bretagne - Pays de Loire, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Les sociétés BPCE Lease Immo et Batiroc Bretagne - Pays de Loire ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [...], de la SCP Boulloche, avocat des sociétés BPCE Lease Immo et Batiroc Bretagne - Pays de Loire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2019), la société [...] a conclu un contrat de crédit-bail immobilier avec les sociétés Fructicomi, aux droits desquelles viennent la société Natixis lease immo et la société Batiroc Bretagne - Pays de Loire (la société Batiroc), concernant des locaux industriels.
2. Par avenant, le crédit-bail a été étendu à d'autres locaux à usage d'ateliers et de bureaux.
3. Les locaux ont été donnés en sous-location à la société [...] , qui a fait l'objet d'un plan de cession au profit de la société ABC gravure, laquelle est devenue sous-locataire de la société [...].
4. Indépendamment du contrat de crédit-bail immobilier, la société [...] a conclu avec la société Natixis lease un contrat de crédit-bail mobilier, portant sur un four de trempe et une laveuse de verre, lequel a été transféré à la société ABC gravure à l'occasion du plan de cession.
5. La société ABC gravure a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
6. La société Natixis lease, revendiquant la propriété du matériel objet du contrat de crédit-bail mobilier, a donné mandat à un commissaire-priseur de vendre le matériel.
7. Le four n'ayant pas trouvé preneur, le commissaire-priseur a restitué les clés et a informé la société Natixis lease de ce qu'elle devait l'enlever.
8. Le liquidateur de la société ABC gravure a cessé de régler les loyers et a sommé la société Natixis lease de retirer le matériel litigieux.
9. La société [...] ne réglant plus ses loyers, les sociétés Natixis lease immo et Batiroc lui ont adressé une lettre recommandée visant la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier.
10. Le four et la laveuse ont été déménagés le 26 février 2015.
11. La société [...] a assigné la société Natixis lease immo et la société Batiroc aux fins de faire constater que la clause résolutoire n'était pas acquise et en paiement de sommes.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi principal
Enoncé du moyen
12. La société [...] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande
aux fins de voir constater la faute des sociétés Natixis lease immo et Batiroc pour l'avoir fait expulser de l'immeuble, avoir vendu celui-ci et avoir installé une société tierce dans les lieux, de l'avoir ainsi privée de la chance d'acquérir l'immeuble et de les voir condamner à lui payer la somme de 2 470 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble, alors :
« 1°/ que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour faire juger des questions nées de la survenance d'un fait ; qu'en l'espèce, la société [...], en cause d'appel, a demandé à être indemnisée des conséquences préjudiciables pour elle de la vente de l'immeuble et de l'installation d'une société tierce dans les lieux par les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ; que ces opérations, réalisées après la date de clôture, le 26 avril 2017, devant le premier juge, ont fait évoluer les données du litige, créé un obstacle à la remise des parties en leur état antérieur à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et ont généré le préjudice dont la société [...] a demandé en cause d'appel l'indemnisation, constitué par la perte de chance d'acquérir l'immeuble ; qu'en retenant que les éléments du litige qui lui étaient soumis étaient connus par les juges de première instance, la cour d'appel qui n'a pas pris en considération les faits survenus après la date de clôture, soit la vente de l'immeuble et l'installation d'une société tierce, créant l'irréversibilité de la situation, par hypothèse même ignorés des premiers juges, mais qui a déclaré la demande irrecevable en cause d'appel a violé, par fausse application, l'article 564 du code de procédure civile ;
2°/ que, dans ses conclusions, la société [...] a demandé à être indemnisée du préjudice constitué par la perte de chance d'acquérir l'immeuble, par la faute des sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ; qu'elle a fait valoir que celles-ci, en dépit du caractère provisoire de la décision ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de crédit bail, avaient vendu l'immeuble, après la date de la clôture de l'instruction devant le premier juge, et y avaient installé une société tierce, rendant irréversible son expulsion qui, avant ces opérations, aurait pu être neutralisée par la procédure au fond ; qu'en énonçant néanmoins que les premiers juges avaient déjà été informés des faits invoqués par la société [...] et que sa demande était nouvelle, « au regard de la décision attaquée et des termes du protocole signé », pourtant sans aucune incidence sur l'objet de la demande, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
13. La cour d'appel a relevé que la société [...] sollicitait en appel une indemnisation au motif que son expulsion était désormais irréversible du fait de l'occupation des locaux par un tiers.
14. Après avoir reproduit les termes de l'article 564 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui a constaté que la société [...] avait assigné les bailleresses, au fond, devant les premiers juges, en mars 2016 et qu'elle avait été expulsée en juillet 2016, a retenu que tous les éléments du litige soumis devant elle étaient connus par les juges de première instance.
15. Elle en a déduit à bon droit, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que la demande d'indemnisation au titre de la perte de chance d'acquérir l'immeuble constituait une demande nouvelle et était donc irrecevable.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
17. Les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc font grief à l'arrêt de dire qu'elles ont mis en oeuvre la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier de mauvaise foi et, en conséquence, de limiter la condamnation de la société [...] à la somme de 143 196,64 euros pour les loyers impayés, au 28 février 2015, alors :
« 1°/ que la bonne foi de partie au contrat s'apprécie uniquement par référence à leur comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés Natixis Lease Immo, Batiroc Bretagne - Pays de Loire et Natixis Lease sont des personnes juridiques distinctes ; qu'en prenant néanmoins en considération le comportement de la société Natixis lease, personne morale distincte des sociétés Natixis lease Immo et Batiroc Bretagne-Pays de Loire, pour apprécier la bonne ou mauvaise foi de celles-ci dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 1842 et 1134, alinéa 3, devenu 1103, du code civil ;
2°/ que chaque personne morale dispose d'une autonomie juridique qui l'empêche de répondre des dettes contractuelles, quasi-contractuelles ou délictuelles d'une autre société du groupe auquel elle appartient, sauf dans le cas d'une immixtion de la société mère dans la gestion de sa filiale ou d'une fictivité de celle-ci ; qu'en l'espèce, pour décider que la société Natixis lease immo avait mis en oeuvre la clause résolutoire de mauvaise foi, la cour d'appel a retenu l'existence d'une communauté d'intérêts entre cette société et la société Natixis lease ; qu'en prenant ainsi en compte le comportement de la société Natixis Lease, personne morale distincte des sociétés bailleresses, pour apprécier la bonne foi de celles-ci, motif pris d'une « communauté d'intérêts » entre ces sociétés, sans constater une quelconque immixtion de la société Natixis Lease dans la société Natixis Lease Immo dont elle était le principal associé ni davantage la fictivité de cette société, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1842 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel a tout à la fois constaté que « les difficultés de la société [...] ont indéniablement pour origine la mise en liquidation judiciaire de son sous-locataire » et retenu que « la défaillance de la société [...], dénoncée dans la mise en demeure du 20 janvier 2015, a pour origine un usage abusif des prérogatives revenant au bailleur » ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que pour retenir la mauvaise foi des sociétés bailleresses, la cour d'appel s'est fondée sur un arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 novembre 2018 qui a jugé que la société Natixis Lease avait commis une faute en ne procédant à l'enlèvement du four que le 20 février 2015 ; que la cassation de cet arrêt frappé de pourvoi par la société Natixis Lease (n° C 19-13.211) entraînera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué, conformément à l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
5°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, en énonçant que « les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont refusé l'offre de sous location proposée par la société [...], afin de pouvoir reprendre le paiement des loyers, au motif qu'elles refusaient de voir interrompre la procédure visant la clause résolutoire » sans viser la moindre pièce à l'appui de cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que les juges doivent examiner l'ensemble des pièces versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, les sociétés bailleresses ont produit des pièces permettant d'établir que les candidats à la reprise du matériel avaient finalement renoncé à leur achat en raison du comportement obstructif du dirigeant de la société [...], M. T... , qui avait conditionné le retrait du matériel au règlement par la société Natixis Lease des « loyers » impayés par la société [...], puis exigé d'effectuer le démontage, en transmettant un devis volontairement surévalué (pièces n° 36 à 39, et 43) ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments de preuve de nature à établir que le
retrait tardif du matériel entreposé dans les locaux loués à la société [...] résultait de l'obstruction de M. T... , gérant de la société locataire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ qu'en se bornant à relever que « l'allégation selon laquelle la société [...] aurait entravé la récupération du matériel va à l'encontre de son objectif de retrouver un nouveau sous-locataire » sans expliciter cette affirmation, même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ que les sociétés bailleresses ont soutenu qu'en toute hypothèse, en novembre 2014, les locaux n'avaient pas été entièrement libérés par la société ABC gravure ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent de nature à établir que la société Natixis Lease ne pouvait être déclarée entièrement responsable de l'absence de libération des locaux en raison de l'entreposage du matériel et, partant, de l'absence de paiement des loyers, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
9°/ que les bailleresses ont également fait valoir que même si la société Natixis Lease avait retiré le matériel, rien n'établissait que la société [...] aurait pu procéder au règlement des sommes visées dans le commandement dès lors qu'elle n'avait entrepris aucune démarche en vue de retrouver un sous-locataire quand la société ABC gravure avait quitté les lieux en juillet 2014 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;
10°/ que les bailleresses ont justifié de l'absence de lien causal entre la prétendue inertie du crédit-bailleur mobilier (la société Natixis Lease) et les difficultés de paiement de la société [...] en soutenant que rien n'établissait qu'une relocation immédiate aurait permis à la société [...] de résorber le retard dans les échéances de loyer, de faire face au règlement des loyers et charges courantes et ainsi de satisfaire au commandement visant la clause résolutoire ; qu'en laissant sans réponse ce
moyen, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
18. D'une part, la cour d'appel a retenu que juridiquement les sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo étaient deux entités juridiques distinctes et indépendantes.
19. Elle a constaté que le tribunal avait fondé sa décision au regard des pièces versées aux débats, lesquelles montraient que la société Natixis lease immo était détenue majoritairement par la société Natixis Lease, qui en était l'administrateur, et que la signature du gestionnaire du bien loué à la société [...] portait la mention Natixis Lease et non celle de Natixis Lease Immo, et qu'il avait pris en compte la présentation des comptes consolidés entre ces deux sociétés, ce qui, aux termes de l'article L. 233-16 du code de commerce, constituait une communauté d'intérêts entre ces deux sociétés.
20. Elle en a déduit qu'il existait une communauté d'intérêts économiques entre les deux sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo, qui ne pouvaient être considérées comme des tiers au sens de l'article 1725 du code civil.
21. D'autre part, s'agissant des rapports entre la société Natixis Lease Immo et la société Batiroc, la cour d'appel a relevé que la société société Natixis Lease Immo était chef de file, aux termes du contrat de crédit-bail, dont l'article B 18 précisait que la société Batiroc donnait mandat au chef de file pour toutes opérations d'administration et de gestion relatives au crédit-bail.
22. La cour d'appel a en déduit qu'il était ainsi établi qu'il existait une étroite coordination entre ces deux entités.
23. Elle a ajouté que ces éléments démontraient que la société Batiroc avait suivi son chef de file dans la procédure relative à la mise en oeuvre de la clause résolutoire à l'encontre de la société [...] et qu'il existait une coordination effective entre les sociétés bailleresses à compter de la mise en oeuvre de la clause résolutoire.
24. Enfin, la cour d'appel a constaté que le contrat de crédit-bail immobilier permettait la sous-location avec l'accord exprès et préalable du bailleur et que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc avaient donné leur accord à la sous-location.
25. Elle a ajouté que l'enlèvement du four, qui rendait les lieux inexploitables, était intervenu le 20 février 2015.
26. Elle a précisé que le retard de sept mois, pris par la société Natixis Lease pour débarrasser les lieux loués, n'était imputable ni à la société [...], ni au liquidateur de la société ABC gravure, dès lors qu'un arrêt du 26 novembre 2018 avait jugé qu'en l'absence de tout obstacle émanant de la société [...], la société Natixis Lease avait commis une faute en sa qualité de propriétaire, en ne procédant à l'enlèvement du four que le 20 février 2015.
27. Le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt a fait l'objet, le 17 juin 2020, d'une décision de rejet en application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile.
28. La cour d'appel a ajouté que la preuve que la société [...] aurait empêché le retrait de la machine n'était pas rapportée et que l'allégation selon laquelle elle aurait entravé la récupération du matériel, allait à l'encontre de son objectif de retrouver un sous-locataire.
29. Elle a pu en déduire, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, sans se contredire, par une décision motivée et sans être tenue ni de se prononcer sur des éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que la défaillance de la société [...], dénoncée dans la mise en demeure du 20 janvier 2015, avait pour origine un usage abusif des prérogatives revenant au bailleur.
30. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé
31. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
32. Les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement de la somme de 1 738 647,25 euros au titre de l'indemnité de résiliation, alors « que la cassation à intervenir sur le premier
moyen afférent à la mise en oeuvre de la clause résolutoire entraînera la cassation du chef de l'arrêt afférent à l'indemnité de résiliation, dès lors qu'ils sont indivisiblement liés l'un à l'autre, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
33. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
34. Les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la condamnation de la société [...] à leur payer la somme de 497 509,73 euros au titre des indemnités d'occupation et des charges, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, il résulte d'un courriel du 29 juin 2015 de M. W..., conciliateur, que « la conciliation a pris fin » de par l'absence de signature du protocole, chaque partie reprenant alors sa liberté d'action ; qu'en énonçant dès lors que le protocole avait « été appliqué par les parties au moins jusqu'au 29 juin 2015 » quand les négociations devant aboutir à la signature de ce protocole avaient échoué, de sorte que celui-ci n'a jamais été appliqué, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du mail du conciliateur, a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°/ que le juge doit examiner l'ensemble des pièces versées aux débats par les parties ; que les sociétés bailleresses, qui ont rappelé la chronologie des opérations devant conduire à la signature du protocole, ont produit des échanges de mails entre le conciliateur et les avocats qui démontraient que le projet de protocole avait été transmis par le conciliateur le 29 avril 2015, de sorte que la renonciation de l'acquéreur potentiel quelques jours après, le 9 mai, n'était pas la conséquence de la « passivité » de Natixis Lease Immo ; qu'en se fondant, pour retenir cette passivité, sur la seule attestation du notaire du 9 mars 2016, établie un an après les faits, et en s'abstenant d'examiner les pièces produites par les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne-Pays de Loire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la conciliation avait échoué le 9 mai 2015 ; qu'en retenant donc le comportement fautif de la société Natixis Lease Immo, notamment par son refus d'accepter une sous-location, quand celle-ci a été envisagée au mois d'août 2015, soit bien après l'échec du protocole et ne pouvait donc pas en être la cause, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »
Réponse de la Cour
35. D'une part, la cour d'appel ayant statué sans se fonder sur le mail du conciliateur du 29 juin 2015 n'a pu le dénaturer.
36. D'autre part, la cour d'appel, qui a constaté que le contrat de location avait pris fin le 24 février 2015, a retenu que le tribunal avait pertinemment relevé au vu d'une attestation du notaire chargé de la vente le 9 mars 2016 que, pour la période postérieure, le comportement fautif de la société Natixis lease immo avait conduit un potentiel acquéreur à renoncer à l'acquisition des locaux du fait de la passivité du crédit-bailleur.
37. Ayant retenu que la preuve était rapportée de ce qu'un acquéreur potentiel avait renoncé à l'acquisition des locaux du fait de la passivité affichée de la société Natixis Lease Immo, elle en a souverainement déduit que la société Natixis Lease Immo ne pouvait solliciter le règlement des loyers postérieurs à l'échec du protocole intervenu par sa faute et a retenu la date du 9 mai 2015.
38. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société [...]
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande formée par la société [...] aux fins de voir constater la faute des sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne Pays de Loire pour l'avoir fait expulser de l'immeuble, l'avoir vendu et avoir installé une société tierce dans les lieux et l'avoir ainsi privée de la chance d'acquérir l'immeuble et de les voir condamner à lui payer la somme de 2 470 000 € correspondant à la valeur de l'immeuble,
AUX MOTIFS QUE sur l'indemnisation formulée par la société [...],
Que la société [...] sollicite en appel une indemnisation à hauteur de 2471 000 € en faisant valoir que son éviction aurait été fautive car diligentée sur le fondement d'un titre provisoire et que son expulsion est désormais irréversible, du fait de l'occupation des locaux par un tiers ;
Que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc soulèvent l'irrecevabilité de la demande en soutenant que la société [...] présente des prétentions nouvelles et n'oppose aucune demande de compensation ;
Qu'elles soulignent que l'expulsion a eu lieu en juillet 2016 et que l'occupation par un tiers est sans relation avec les prétentions exposées en première instance qui ne visaient qu'au débouté des demandes de paiement ;
Que ceci exposé, l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou la révélation d'un fait ;
Que la société [...] a assigné les sociétés bailleresses au fond devant les premiers juges au mois de mars 2016 ;
Qu'elle a été expulsée au mois de juillet 2016 ;
Que la décision est intervenue le 21 mars 2018 ;
Qu'en première instance, la société [...] a soutenu que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc avaient renoncé à se prévaloir de la clause résolutoire et à titre subsidiaire, qu'elles avaient fait preuve de mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire ;
Qu'il s'en déduit que tous les éléments du litige soumis devant la cour étaient connus par les juges de première instance, que la demande d'indemnisation au titre de la perte de chance afférente à l'expulsion de la société [...] constitue une demande nouvelle au regard de la décision critiquée et des termes du protocole signé ;
Que la société [...] est donc irrecevable en ses demandes d'indemnisation au titre de la perte de chance d'acquérir l'immeuble ;
1) ALORS QUE les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour faire juger des questions nées de la survenance d'un fait ; qu'en l'espèce, la société [...], en cause d'appel, a demandé à être indemnisée des conséquences préjudiciables pour elle de la vente de l'immeuble et de l'installation d'une société tierce dans les lieux par les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ; que ces opérations, réalisées après la date de clôture, le 26 avril 2017, devant le premier juge, ont fait évoluer les données du litige, créé un obstacle à la remise des parties en leur état antérieur à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et ont généré le préjudice dont la société [...] a demandé en cause d'appel l'indemnisation, constitué par la perte de chance d'acquérir l'immeuble ; qu'en retenant que les éléments du litige qui lui étaient soumis étaient connus par les juges de première instance, la cour d'appel qui n'a pas pris en considération les faits survenus après la date de clôture, soit la vente de l'immeuble et l'installation d'une société tierce, créant l'irréversibilité de la situation, par hypothèse même ignorés des premiers juges, mais qui a déclaré la demande irrecevable en cause d'appel a violé, par fausse application, l'article 564 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions, la société [...] a demandé à être indemnisée du préjudice constitué par la perte de chance d'acquérir l'immeuble, par la faute des sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ; qu'elle a fait valoir que celles-ci, en dépit du caractère provisoire de la décision ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de crédit bail, avaient vendu l'immeuble, après la date de la clôture de l'instruction devant le premier juge, et y avaient installé une société tierce, rendant irréversible son expulsion qui, avant ces opérations, aurait pu être neutralisée par la procédure au fond ; qu'en énonçant néanmoins que les premiers juges avaient déjà été informés des faits invoqués par la société [...] et que sa demande était nouvelle, « au regard de la décision attaquée et des termes du protocole signé », pourtant sans aucune incidence sur l'objet de la demande, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour les sociétés BPCE Lease Immo et Batiroc Bretagne - Pays de Loire
Le premier moyen de cassation du pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne-Pays de Loire ont mis en oeuvre la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier de mauvaise foi et d'avoir, en conséquence, limité la condamnation de la société [...] à la somme de 143.196,64 € pour les loyers impayés, au 28 février 2015 ;
AUX MOTIFS QU'« en application de l'article 1725 du code civil, le bailleur n'est pas tenu de garantir le trouble commis par des tiers ;
qu'il est indéniable que juridiquement les sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo sont deux entités juridiques distinctes et indépendantes, cependant le tribunal a fondé sa décision au regard des pièces versées aux débats, lesquelles montrent que Natixis Lease Immo était détenue majoritairement par la société Natixis Lease, qui en était l'administrateur ; que la signature de M. R..., gestionnaire du bien loué à la société [...], portait la mention Natixis Lease et non celle de Natixis Lease Immo ; qu'il a également pris en compte la présentation des comptes consolidés entre ces deux sociétés, ce qui, aux termes de l'article L 233-16 du code de commerce, constitue une communauté d'intérêts entre ces deux sociétés ;
que la cour adopte les motifs du tribunal en ce qu'il a retenu qu'il existait une communauté d'intérêts économiques entre les deux sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo ; qu'il s'en déduit qu'elles ne peuvent être considérées comme des tiers au sens de l'article 1725 du code civil ;
que s'agissant des rapports entre Natixis Lease Immo et Batiroc, la société Natixis Lease Immo est chef de file, aux termes du contrat de crédit-bail ; que l'article B18 du contrat précise que la société Batiroc donne mandat au chef de file pour tous opérations d'administration et de gestion relatives au crédit-bail ; qu'il est ainsi établi qu'il existe une étroite coordination entre ces deux entités ; que la société [...] verse aux débats les pièces que les société Natixis Lease Immo et Batiroc lui ont adressé, la mise en demeure visant la clause résolutoire le 20 janvier 2015, quelques semaines après que le liquidateur de la société ABC Gravures, le sous locataire, ait fait assigner la société Natixis Lease en paiement d'indemnités du fait de l'absence d'enlèvement du four North Glass ;
que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont par ailleurs indiqué, par courrier du 12 février 2015, que le liquidateur de la société ABC Gravures en litige avec Natixis Lease devait participer à la réunion de conciliation sollicitée par P... ; que le protocole d'accord transactionnel a été signé entre les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc, la société [...], le liquidateur de la société ABC Gravures et la société Natixis Lease ;
que ces éléments démontrent que la société Batiroc a suivi son chef de file, la société Natixis Lease Immo, dans la procédure relative à la mise en oeuvre de la clause résolutoire à l'encontre de la société [...] ; que dans ces conditions, la cour adopte les motifs du tribunal en ce qu'il a retenu une coordination effective entre les sociétés bailleresses à compter de la mise en oeuvre de la clause résolutoire » (arrêt p. 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE « l'appréciation de la bonne ou de la mauvaise foi d'une partie se doit d'être réaliste et de prendre en compte les intérêts non seulement de cette partie mais aussi de ceux de personnes physiques et morales avec lesquelles elle entretient des liens familiaux ou capitalistiques entraînant une communauté d'intérêts ; que le principe d'autonomie de la personne morale résultant de l'article 1842 du code civil, qui ne permet pas de mettre à la charge d'une société du groupe une dette d'une autre société d'un même groupe, ne saurait être étendu au point d'empêcher une telle prise en compte ;
(
) qu'il est constant que la société Natixis Lease Immo est détenue majoritairement par la société Natixis Lease, qui est en outre administrateur de cette société, ce dernier point ressortant des extraits K bis versés aux débats ; que la communauté d'intérêts économiques entre ces sociétés est, dans une telle configuration, confirmée par l'article L. 233-16 du code de commerce qui impose la présentation de comptes consolidés ;
qu'en outre, comme le rappelle la société [...], le comportement de la société Natixis Lease Immo et de la société Batiroc démontre une étroite coordination avec la société Natixis Lease : la mise en demeure d'avoir à payer les loyers et invoquant la clause résolutoire a été adressée à la société [...] (pièce Natixis n° 3) le 2 janvier 2015, soit quelques semaines après que le liquidateur de la société ABC Gravure, sous-locataire de la société [...], a, le 4 décembre 2014, donné assignation à la société Natixis Lease pour obtenir le règlement des loyers dus, selon lui, en raison de l'absence d'enlèvement du four North Glass (pièce P... n° 9) ;
qu'en outre, le conseil des sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc a lui-même indiqué dans une lettre du 12 février 2015 qu'il était « impératif » que le liquidateur de la société ABC Gravure en litige avec Natixis Lease participe à la réunion de conciliation sollicitée par la société [...] dans le cadre d'une « solution globale » (pièce P... n° 9) ;
que lors de la signature du protocole du 28 avril 2015 (pièce Natixis n° 7), les sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo étaient d'ailleurs représentées par le même avocat (également conseil de Batiroc) et par la même personne physique (M. E...) ;
que pour sa part, la société Batiroc n'a pas formellement prononcé l'acquisition de la clause résolutoire (la lettre n'émanant que de la société Natixis Lease Immo) mais a coordonné son action avec son « chef de file » (le terme apparaît dans les factures en annexe à la pièce Natixis n° 6) et doit voir également son comportement apprécié par rapport à celui de la société Natixis Lease ;
qu'au vu de ces éléments traduisant à la fois une communauté d'intérêts et une coordination effective, au moins à compter de la mise en oeuvre de la clause résolutoire, la société Natixis Lease Immo ne peut sérieusement soutenir que sa bonne foi devrait être appréciée en faisant abstraction du comportement de son principal associé ;
que l'existence d'une procédure distincte opposant la société [...] et ses cautions à la société Natixis Lease Immo ne modifie pas cette conclusion ; qu'en effet, l'appréciation par le tribunal de la validité de l'exercice de la clause résolutoire ne peut avoir lieu que dans le cadre de la procédure à laquelle est partie la société Natixis Lease Immo, puisque la demande de la société [...] vise à voir annuler la mise en oeuvre de cette clause ; qu'il était par ailleurs loisible aux parties de produire, dans le cadre de la présente procédure, l'ensemble des éléments relatifs au comportement de la société Natixis Lease et de la société [...] ; qu'enfin, les décisions rendues en matière de référé mentionnées par les sociétés défenderesses n'ont pas autorité de la chose jugée au fond » (jug p 8 et 9) ;
1°) ALORS QUE la bonne foi de partie au contrat s'apprécie uniquement par référence à leur comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés Natixis Lease Immo, Batiroc Bretagne- Pays de Loire et Natixis Lease sont des personnes juridiques distinctes ; qu'en prenant néanmoins en considération le comportement de la société Natixis Lease, personne morale distincte des sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne- Pays de Loire, pour apprécier la bonne ou mauvaise foi de celles-ci dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 1842 et 1134, alinéa 3, devenu 1103, du code civil ;
2°) ALORS QUE chaque personne morale dispose d'une autonomie juridique qui l'empêche de répondre des dettes contractuelles, quasi-contractuelles ou délictuelles d'une autre société du groupe auquel elle appartient, sauf dans le cas d'une immixtion de la société mère dans la gestion de sa filiale ou d'une fictivité de celle-ci ; qu'en l'espèce, pour décider que la société Natixis Lease Immo avait mis en oeuvre la clause résolutoire de mauvaise foi, la cour d'appel a retenu l'existence d'une communauté d'intérêts entre cette société et la société Natixis Lease ; qu'en prenant ainsi en compte le comportement de la société Natixis Lease, personne morale distincte des sociétés bailleresses, pour apprécier la bonne foi de celles-ci, motif pris d'une « communauté d'intérêts » entre ces sociétés, sans constater une quelconque immixtion de la société Natixis Lease dans la société Natixis Lease Immo dont elle était le principal associé ni davantage la fictivité de cette société, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1842 du code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE « sur l'appréciation de la bonne foi, en application de l'article 1134 ancien du code civil, il convient d'examiner la bonne foi des parties au contrat ; que dans le cadre de la clause résolutoire, il appartient au locataire d'honorer ses obligations et au bailleur de ne pas faire un usage abusif de ses prérogatives ;
que dans le cadre d'un contrat de crédit-bail immobilier, les règles de droit commun du bail s'appliquent, de sorte que la faculté de sous-louer est possible avec l'accord du bailleur ; qu'or, le contrat de crédit-bail immobilier permet la sous-location avec l'accord exprès et préalable du bailleur ; qu'en l'espèce, les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont donné leur accord à la sous location ;
que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc se prévalent de la mise en demeure visant la clause résolutoire adressée le 20 janvier 2015 pour non-paiement des loyers ; que la société [...] soulève la mauvaise foi des crédits bailleurs en soutenant que la société Natixis Lease est à l'origine de l'immobilisation du four dans les locaux à compter du 11 juillet 2014 date de restitution des clé des locaux sous loués, jusqu'au 26 février 2015 ;
que les difficultés de la société [...] ont indéniablement pour origine la mise en liquidation judiciaire de son sous-locataire, qui est intervenue le 2 avril 2014, mais l'inaction de la société Natixis Lease a joué un rôle indéniable ;
que l'enlèvement du four, qui rendait les lieux inexploitables, est intervenu le 20 février 2015 ; qu'or, le retard de 7 mois pris par la société Natixis Lease pour débarrasser les lieux loués n'est imputable ni à la société [...], ni à Maître L... liquidateur ; que selon arrêt rendu le 26 novembre 2018 la cour d'appel de Paris a jugé qu'en l'absence de tout obstacle qui aurait émané de la société débitrice, la société Natixis Lease avait commis une faute en sa qualité de propriétaire, en ne procédant à l'enlèvement du four que le 20 février 2015 ; d'autre part, les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont refusé l'offre de sous location proposée par la société [...], afin de pouvoir reprendre le paiement des loyers, au motif qu'elles refusaient de voir interrompre la procédure visant la clause résolutoire ;
que la preuve que la société [...] aurait empêché le retrait de la machine n'est pas rapportée ; qu'en outre, l'allégation selon laquelle la société [...] aurait entravé la récupération du matériel va à l'encontre de son objectif de retrouver un sous locataire ;
qu'il s'ensuit que la défaillance de la société [...], dénoncée dans la mise en demeure du 20 janvier 2015, a pour origine un usage abusif des prérogatives revenant au bailleur » (arrêt p. 6 in fine et p. 7) ;
3°) ALORS QUE la cour d'appel a tout à la fois constaté que « les difficultés de la société [...] ont indéniablement pour origine la mise en liquidation judiciaire de son sous-locataire » et retenu que « la défaillance de la société [...], dénoncée dans la mise en demeure du 20 janvier 2015, a pour origine un usage abusif des prérogatives revenant au bailleur » ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE pour retenir la mauvaise foi des sociétés bailleresses, la cour d'appel s'est fondée sur un arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 novembre 2018 qui a jugé que la société Natixis Lease avait commis une faute en ne procédant à l'enlèvement du four que le 20 février 2015 ; que la cassation de cet arrêt frappé de pourvoi par la société Natixis Lease (n° C 19-13211) entraînera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué, conformément à l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, en énonçant que « les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont refusé l'offre de sous location proposée par la société [...], afin de pouvoir reprendre le paiement des loyers, au motif qu'elles refusaient de voir interrompre la procédure visant la clause résolutoire » sans viser la moindre pièce à l'appui de cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE les juges doivent examiner l'ensemble des pièces versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, les sociétés bailleresses ont produit des pièces permettant d'établir que les candidats à la reprise du matériel avaient finalement renoncé à leur achat en raison du comportement obstructif du dirigeant de la société [...], M. T... , qui avait conditionné le retrait du matériel au règlement par la société Natixis Lease des « loyers » impayés par la société [...], puis exigé d'effectuer le démontage, en transmettant un devis volontairement surévalué (pièces n° 36 à 39, et 43) ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments de preuve de nature à établir que le retrait tardif du matériel entreposé dans les locaux loués à la société [...] résultait de l'obstruction de M. T... , gérant de la société locataire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QU'en se bornant à relever que « l'allégation selon laquelle la société [...] aurait entravé la récupération du matériel va à l'encontre de son objectif de retrouver un nouveau sous-locataire » (arrêt p.7) sans expliciter cette affirmation, même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
8°) ALORS QUE les sociétés bailleresses ont soutenu (conclusions pp. 28 et 35) qu'en toute hypothèse, en novembre 2014, les locaux n'avaient pas été entièrement libérés par la société ABC Gravure ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent de nature à établir que la société Natixis Lease ne pouvait être déclarée entièrement responsable de l'absence de libération des locaux en raison de l'entreposage du matériel et, partant, de l'absence de paiement des loyers, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
9°) ALORS QUE les bailleresses ont également fait valoir que même si la société Natixis Lease avait retiré le matériel, rien n'établissait que la société [...] aurait pu procéder au règlement des sommes visées dans le commandement dès lors qu'elle n'avait entrepris aucune démarche en vue de retrouver un sous-locataire quand la société ABC Gravure avait quitté les lieux en juillet 2014 (conclusions p. 34) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;
10°) ALORS QUE les bailleresses ont justifié de l'absence de lien causal entre la prétendue inertie du crédit-bailleur mobilier (la société Natixis Lease) et les difficultés de paiement de la société [...] en soutenant que rien n'établissait qu'une relocation immédiate aurait permis à la société [...] de résorber le retard dans les échéances de loyer, de faire face au règlement des loyers et charges courantes et ainsi de satisfaire au commandement visant la clause résolutoire (conclusions pp. 34 et 35) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le deuxième moyen de cassation du pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé « le jugement déféré en toutes ses dispositions », y compris donc en celle ayant déclaré « nulle la mise en demeure visant la clause résolutoire en date du 20 janvier 2015 », après avoir pourtant jugé que « le contrat de location a pris fin par le jeu de la clause résolutoire après caducité du protocole le 24 février 2015 » ;
AUX MOTIFS QUE « la société [...] a signé le protocole transactionnel le 28 avril 2015 aux termes duquel les sociétés crédit-bailleurs renonçaient à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire pour permettre à la société [...] de vendre l'immeuble, avec pour date de levée d'option au 15 juillet 2015, en contrepartie de la parfaite exécution du protocole (
) ;
qu'à défaut d'accord le protocole était caduc au 15 juillet 2015 et les parties signataires retrouvaient leur liberté d'action ; que les sociétés bailleresses pouvaient se prévaloir de la clause résolutoire insérée au contrat de crédit-bail ;
qu'en l'espèce, le protocole n'ayant pas abouti, les sociétés bailleresses étaient en droit de mettre en oeuvre la clause résolutoire prévue au contrat ; qu'elles ont obtenu une ordonnance de référé en date du 17 février 2015, constatant l'acquisition de la clause résolutoire ; que cette décision provisoire a été confirmée par la cour d'appel par arrêt du 10 novembre 2016 ; que par ailleurs, le juge de l'exécution a refusé d'accorder des délais à la société [...] pour quitter les lieux, si bien que la société [...] a quitté les locaux litigieux le 19 juillet 2016 ;
qu'au regard de ces éléments, le contrat de location a pris fin par le jeu de la clause résolutoire, après caducité du protocole, le 24 février 2015 quand bien même, postérieurement, le tribunal a jugé que la mise en oeuvre de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier avait été mise en oeuvre de manière abusive et que cette décision a été confirmée en appel ; qu'il s'en déduit que la société [...] est mal fondée à solliciter la poursuite du contrat » (arrêt p. 7 in fine et p. 8) ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, dans les motifs de son arrêt, retenu que « le contrat de location a pris fin par le jeu de la clause résolutoire après caducité du protocole le 24 février 2015 », même si cette clause a été mise en oeuvre de façon abusive, et, dans le dispositif, a confirmé « le jugement déféré en toutes ses dispositions », y compris en celles ayant déclaré « nulle la mise en demeure visant la clause résolutoire en date du 20 janvier 2015 » ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le troisième moyen de cassation du pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande des sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne-Pays de Loire de condamnation de la société [...] à leur payer la somme de 1.738.647,25 € au titre de l'indemnité de résiliation ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte des développements précédents que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ne peuvent prétendre au paiement de l'indemnité de résiliation du fait d'un usage abusif de leurs prérogatives » (arrêt p. 8 in fine) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le tribunal ayant jugé que la clause résolutoire a été mise en oeuvre de mauvaise foi, les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ne peuvent obtenir le versement de l'indemnité de résiliation (article A. 11 du contrat) et de l'ensemble des frais contentieux qui sont la conséquence de cette résiliation de mauvaise foi (A.17.2) ; leurs demandes à ce titre seront rejetées (jug p. 10 in fine et p. 11) ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen afférent à la mise en oeuvre de la clause résolutoire entraînera la cassation du chef de l'arrêt afférent à l'indemnité de résiliation, dès lors qu'ils sont indivisiblement liés l'un à l'autre, par application de l'article 624 du code de procédure civile.
Le quatrième moyen de cassation du pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés BPCE Lease Immo et Batiroc Bretagne - Pays de Loire de leur demande tendant à la condamnation de la société [...] à leur payer la somme de 497.509,73 € au titre des sommes dues à compter du 24 février 2015 jusqu'au 19 juillet 2016 (indemnités d'occupation et charges) ;
AUX MOTIFS QUE « la société Natixis Lease Immo sollicite le règlement des loyers impayés postérieurement, qui doivent être qualifiées d'indemnités d'occupation, jusqu'à la date de remise des clefs le 19 juillet 2016 ;
que le tribunal a pertinemment relevé au vu d'une attestation du notaire chargé de la vente le 9 mars 2016 que pour la période postérieure, le comportement fautif de la société Natixis Lease Immo avait conduit un potentiel acquéreur à renoncer à l'acquisition des locaux du fait de la passivité du crédit bailleur et a arrêté le règlement des loyers dus à la date de l'échec du protocole le 09 mai 2015 ;
que la preuve est rapportée de ce qu'un acquéreur potentiel a renoncé à l'acquisition de locaux du fait de la passivité affichée de la société Natixis Lease Immo ; que le tribunal a sanctionné le comportement fautif des crédit bailleurs qui a gravement lésé les intérêts de la société [...] ; que la cour adopte les motifs de la décision en ce qu'elle jugé que la société Natixis Lease Immo ne pouvait solliciter le règlement des loyers postérieurs à l'échec du protocole intervenu par sa faute et a retenu la date du 9 mai 2015 ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions » (arrêt p. 9, § 2 à 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la situation est différente s'agissant des loyers pour la période postérieure tant à la lettre de mise en oeuvre de la clause résolutoire en date du 20 janvier 2015 qu'à l'enlèvement du four le 26 février 2015 ;
qu'en effet, à compter de ces deux dates, la société Natixis Lease Immo a eu un rôle actif et coordonné avec la société Natixis Lease ; qu'elle a négocié un protocole aux termes duquel un délai était prévu pour que la société [...] puisse trouver un acquéreur pour les locaux et se trouver ainsi libérée de ses obligations au titre du crédit-bail ; que si les sociétés défenderesses soutiennent qu'il ne serait jamais entré en vigueur en l'absence d'homologation, il n'est pas contesté qu'il a été appliqué par les parties, au moins jusqu'au 29 juin 2015 (pièce Natixis n° 11) ;
qu'or, la société [...] produit une lettre du notaire chargé du suivi de l'opération en date du 9 mars 2016 qui indique que c'est la passivité de « Natixis » qui est à l'origine de la renonciation d'un acquéreur potentiel le 9 mai 2015 (pièce P... n° 21) ; que la société Natixis Lease Immo ne produit aucun élément de preuve sur ce point ;
qu'en raison de ce comportement fautif à l'origine de l'échec du protocole, le refus de la société Natixis Lease Immo d'envisager d'autres options telle qu'une sous-location est également fautif ; que la société Natixis Lease Immo ne peut donc solliciter le règlement des loyers postérieurs à l'échec du protocole intervenu par sa faute, la date devant être retenue étant celle du 9 mai 2015 (soit le 129ème jour de l'année) » (jug p. 11, § 3 à 6) ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, il résulte d'un courriel du 29 juin 2015 de Me W..., conciliateur, que « la conciliation a pris fin » de par l'absence de signature du protocole, chaque partie reprenant alors sa liberté d'action ; qu'en énonçant dès lors que le protocole avait « été appliqué par les parties au moins jusqu'au 29 juin 2015 » quand les négociations devant aboutir à la signature de ce protocole avaient échoué, de sorte que celui-ci n'a jamais été appliqué, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du mail du conciliateur, a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°) ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des pièces versées aux débats par les parties ; que les sociétés bailleresses, qui ont rappelé la chronologie des opérations devant conduire à la signature du protocole, ont produit des échanges de mails entre le conciliateur et les avocats qui démontraient que le projet de protocole avait été transmis par le conciliateur le 29 avril 2015, de sorte que la renonciation de l'acquéreur potentiel quelques jours après, le 9 mai, n'était pas la conséquence de la « passivité » de Natixis Lease Immo ; qu'en se fondant, pour retenir cette passivité, sur la seule attestation du notaire du 9 mars 2016, établie un an après les faits, et en s'abstenant d'examiner les pièces produites par les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne-Pays de Loire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la conciliation avait échoué le 9 mai 2015 ; qu'en retenant donc le comportement fautif de la société Natixis Lease Immo, notamment par son refus d'accepter une sous-location, quand celle-ci a été envisagée au mois d'août 2015, soit bien après l'échec du protocole et ne pouvait donc pas en être la cause, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil.