LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 janvier 2021
Cassation partielle sans renvoi
Mme BATUT, président
Arrêt n° 24 F-D
Pourvoi n° N 19-13.519
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2021
M. S... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-13.519 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BRMJ, dont le siège est [...] , en la personne de M. P... C..., pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Couverture et énergie solaire photovoltaïque,
2°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. J..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 8 février 2017, pourvoi n° 15-27.277), M. J... et Mme R... ont conclu, le 16 septembre 2010 avec la société Couverture et énergie solaire photovoltaïque (le vendeur), un contrat d'installation de panneaux photovoltaïques, financé par un crédit souscrit auprès de la société Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis (la banque).
2. M. J... et Mme R... ont assigné le vendeur, pris en la personne de son mandataire liquidateur, et la banque en annulation des contrats et en indemnisation de leur préjudice. Un arrêt du 8 janvier 2015, contre lequel Mme R... s'est seule pourvue en cassation, a annulé les contrats et l'a condamnée, avec M. J..., à restituer à la banque la somme prêtée, déduction faite des versements déjà opérés. Cet arrêt a été cassé en ce qu'il avait condamné Mme R... à restituer la somme prêtée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. J... fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable dans toutes ses demandes compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 janvier 2015 le concernant, alors « que tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l'obligation de restituer, inhérente au contrat de prêt, demeure valable ; qu'en conséquence, l'obligation de restituer conserve ses caractères initiaux consécutivement à l'annulation du contrat de prêt ; que lorsque les emprunteurs avaient souscrit une obligation solidaire et indivisible de rembourser, l'obligation de restituer le capital emprunté, qui demeure valable après l'annulation du contrat de prêt, est elle-même solidaire et indivisible ; qu'en l'espèce, par offre acceptée le 16 octobre 2010, M. J... et Mme R... se sont engagés « à titre solidaire et indivisible » à rembourser la banque ; qu'en conséquence, la condamnation de M. J... et de Mme R... à restituer à la banque une somme de 20 000 euros, après annulation du prêt, était elle-même indivisible ; que la cassation de l'arrêt du 8 janvier 2015 en ce qu'il avait condamné Mme R... à payer à la banque une somme, en principal, de 20 000 euros, produisait nécessairement ses effets à l'égard de M. J..., même s'il ne s'était pas joint à l'instance de cassation ; que, dès lors que la cassation produisait ses effets à son égard, l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 8 janvier 2015 ne pouvait lui être opposée ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'y a pas contrairement à ce qu'il est soutenu d'indivisibilité entre Mme R... et M. J..., chacun tenu pour la totalité de l'exécution de l'obligation, pouvant demander seul à en être déchargé », la cour d'appel a violé l'article 615 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. La recevabilité du moyen est contestée en défense, en raison de sa nouveauté.
5. Le moyen, né de la décision attaquée, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 615, alinéa 1, du code de procédure civile :
6. Aux termes de ce texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, le pourvoi de l'une produit effet à l'égard des autres mêmes si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance de cassation.
7. Pour déclarer M. J... irrecevable en toutes ses prétentions, l'arrêt retient que la cassation prononcée concerne uniquement la condamnation de Mme R..., que M. J..., n'étant pas présent devant la Cour de cassation, n'est pas concerné par cette cassation et que l'arrêt du 8 janvier 2015 a autorité de la chose jugée en ce qui le concerne.
8. En statuant ainsi, alors qu'en ce qu'il portait sur le droit de la banque d'obtenir le remboursement du capital prêté à la suite de l'annulation des contrats, le litige était indivisible et la cassation prononcée avait nécessairement produit effet à l'égard des deux emprunteurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. La faute de la banque justifie que la demande de condamnation de M. J... à restituer la somme prêtée soit, comme celle formée contre Mme R..., rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. J... irrecevable en toutes ses prétentions compte tenu de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 janvier 2015, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 entre les parties, par cette cour d'appel ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de la société Cofidis, venant aux droits de la société Sofemo, en restitution par M. J... des sommes prêtées ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. J...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. J... irrecevable dans toutes ses prétentions compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 janvier 2015 le concernant ;
AUX MOTIFS QUE : « sur l'irrecevabilité des conclusions d'appel de M. J... : que l'arrêt de la cour de cassation a cassé la décision de la cour d'appel de Nîmes uniquement en ce qu'il condamne Mme R... à payer à la société Sofemo la somme de 20.000 euros déduction faite des versements déjà opérés augmentés des intérêts au taux légal à compter du jugement ; que M. J... qui n'était pas présent devant la cour de cassation et qui n'est pas concerné par la cassation, n'est pas recevable à formuler quelconques prétentions au regard de l'autorité de la chose jugé en ce qui le concerne ; que sans qu'il soit besoin d'analyser les autres moyens soulevés par la société Cofidis, la cour de renvoi n'est donc saisie que des seules écritures de Mme R... ; que sur le périmètre de la cassation : que la cour a censuré l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes aux motifs que pour condamner Mme R... à restituer au prêteur la somme de 20.000 euros, il retenait que M. J... avait signé une attestation de livraison, que lui-même et son épouse ne pouvaient ignorer que la signature de cette attestation devait conduire au déblocage du prêt et au paiement de la somme de 20.000 euros à la société CESP, et qu'il n'appartenait pas au prêteur de procéder à une vérification effective de l'exécution financée ; qu'or, la Cour de cassation a estimé qu'il n'avait pas été par une telle motivation répondu aux conclusions de Mme R... qui soutenait que le prêteur était privé de son droit au remboursement du capital pour avoir validé un bon de commande totalement irrégulier (absence de mentions obligatoires en cas de démarchage à domicile, ni de bon de rétractation régulier) de sorte que la lecture du bon de commande aurait dû dissuader le prêteur d'accorder le prêt ; qu'ainsi, la cour de renvoi est saisie de la seule question de la faute éventuelle de la société de crédit la privant de son droit à remboursement de Mme R... uniquement et portant sur la nullité du contrat principal, et il n'y a pas contrairement à ce qu'il est soutenu d'indivisibilité entre Mme R... et M. J..., chacun tenu pour la totalité de l'exécution de l'obligation, pouvant demander seul à en être déchargé » ;
ALORS QUE tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l'obligation de restituer, inhérente au contrat de prêt, demeure valable ; qu'en conséquence, l'obligation de restituer conserve ses caractère initiaux consécutivement à l'annulation du contrat de prêt ; que lorsque les emprunteurs avaient souscrit une obligation solidaire et indivisible de rembourser, l'obligation de restituer le capital emprunté, qui demeure valable après l'annulation du contrat de prêt, est elle-même solidaire et indivisible ; qu'en l'espèce, par offre acceptée le 16 octobre 2010, M. J... et Mme J... se sont engagés « à titre solidaire et indivisible » à rembourser la société Sofemo ; qu'en conséquence, la condamnation de M. J... et de Mme R... à restituer à la société Sofemo une somme de 20 000 €, après annulation du prêt, était elle-même indivisible ; que la cassation de l'arrêt du 8 janvier 2015 en ce qu'il avait condamné Mme R... à payer à la société Sofemo une somme, en principal, de 20 000 euros, produisait nécessairement ses effets à l'égard de M. J..., même s'il ne s'était pas joint à l'instance de cassation ; que dès lors que la cassation produisait ses effets à son égard, l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 8 janvier 2015 ne pouvait lui être opposée ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'y a pas contrairement à ce qu'il est soutenu d'indivisibilité entre Mme R... et M. J..., chacun tenu pour la totalité de l'exécution de l'obligation, pouvant demander seul à en être déchargé » (arrêt, p. 7, alinéa 2), la cour d'appel a violé l'article 615 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355 du code civil.