LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 janvier 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 24 F-D
Pourvoi n° R 19-10.509
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 JANVIER 2021
1°/ M. G... S...,
2°/ Mme C... Q..., épouse S...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° R 19-10.509 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2018 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Atria experts comptables et auditeurs, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme S..., de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Atria experts comptables et auditeurs, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 octobre 2018), M. et Mme S... ont confié l'établissement de leurs déclarations fiscales personnelles à la société ANCB, devenue la société Atria experts comptables et auditeurs (la société Atria). Lui reprochant de ne pas avoir mis en oeuvre les options permettant de bénéficier d'un avantage fiscal dans le cadre d'acquisitions immobilières réalisées en 2005 et 2008, ils l'ont assignée en réparation de leur préjudice.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. et Mme S... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors :
« 1° / que le devoir de conseil qui pèse sur un expert-comptable envers son client lui impose de rechercher les solutions fiscales appropriées et de porter à sa connaissance les différentes options fiscales possibles ; que, tenu de rapporter la preuve de l'exécution de ce devoir, il doit nécessairement établir l'inapplicabilité d'une option fiscale afin de démontrer qu'il n'a pas manqué à ses obligations ; qu'en retenant que M. et Mme S... ne démontraient pas que les immeubles étaient éligibles aux dispositifs "Robien" invoqués, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en méconnaissance de l'article 1315 ancien du code civil (1353 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016) ;
2°/ que, M. et Mme S... faisaient valoir que l'éligibilité des immeubles aux dispositifs Robien litigieux résultait nécessairement de la lettre émise par leur expert-comptable le 12 décembre 2011, aux termes de laquelle il reconnaissait avoir en main tous documents nécessaires pour procéder, auprès de l'administration fiscale, à une réclamation afin de les faire bénéficier de ces optimisations fiscales et de la réclamation déposée par eux à son initiative le 19 décembre 2011, dès lors qu'il n'aurait jamais établi les courriers nécessaires pour procéder au dépôt d'une telle réclamation si les immeubles n'avaient pas été éligibles à ces mécanismes ; qu'en déboutant M. et Mme S... de leur action en responsabilité contre leur expert-comptable sans répondre à leurs conclusions sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. L'arrêt énonce qu'en application des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction en vigueur à la date de la mission de la société Atria, l'expert-comptable est débiteur, envers son client, d'une obligation de conseil et d'information et qu'en matière fiscale, il lui appartient d'informer son client sur les différentes options qui sont à sa disposition et de l'éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs, de s'enquérir de l'origine des revenus fonciers qu'il déclare et d'éclairer le contribuable sur les conséquences qui s'attachent aux modalités de cette déclaration.
4. L'arrêt relève ensuite que si, en présence de plusieurs immeubles mis en location, l'expert-comptable ne peut méconnaître qu'ils ont pu être acquis en vue d'un avantage fiscal et commet une faute en ne recommandant pas à ses clients d'avoir recours à un dispositif fiscal parfaitement connu du public, encore faut-il que les immeubles soient susceptibles d'être éligibles à un tel dispositif, ce que la société Atria conteste, en reprochant à M. et Mme S... de ne pas produire les pièces en attestant.
5. L'arrêt constate encore que, parfaitement informés de cette contestation et de sa nature, détaillée dans les écritures adverses, M. et Mme S... n'ont versé aux débats ni les actes d'acquisition des immeubles, ni les baux dont ils ont fait l'objet, ce qui ne permet pas de vérifier que les immeubles étaient éligibles aux dispositifs invoqués.
6. L'arrêt retient enfin que cette preuve ne peut davantage être trouvée dans le rejet de la réclamation fiscale formée par M. et Mme S..., qui n'est fondé que sur le défaut d'exercice, dans le délai prévu, d'une option permettant de bénéficier d'un avantage fiscal, sans que ce rejet ne précise si les immeubles étaient éligibles aux dispositifs revendiqués.
7. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, c'est souverainement et sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu que M. et Mme S... ne démontraient pas que l'expert-comptable était tenu dans ces circonstances d'un devoir de conseil à leur égard.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme S... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme S... et les condamne à payer à la société Atria experts comptables et auditeurs la somme globale de 3000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme S....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté des contribuables (M. et Mme S..., les exposants) de leur action en responsabilité contractuelle dirigée contre leur expert-comptable (la société Atria) ;
AUX MOTIFS QU'en matière fiscale, il appartenait à l'expert-comptable d'informer son client sur les différentes options qui étaient à sa disposition et de l'éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs ; que si l'établissement de déclarations de revenus ne consistait pas en une mission d'optimisation fiscale, laquelle présentait un caractère prospectif tendant, par avance, à rechercher le meilleur régime fiscal pouvant s'appliquer à la situation de celui qui l'avait confiée, il n'en demeurait pas moins qu'il appartenait à l'expert-comptable de s'enquérir de l'origine des revenus fonciers qu'il déclarait et d'éclairer le contribuable sur les conséquences s'attachant aux modalités de cette déclaration ; qu'en l'espèce, en présence de plusieurs immeubles mis en location, l'expert-comptable ne pouvait sérieusement méconnaître qu'ils avaient pu être acquis en vue d'une défiscalisation, et il aurait commis une faute en ne recommandant pas à ses clients d'avoir recours à un dispositif fiscal parfaitement connu du public si les immeubles étaient susceptibles d'être éligibles à un tel dispositif, ce que contestait la société Astria qui reprochait aux époux S... de ne pas produire les pièces en attestant ; que, parfaitement informés de cette contestation et de sa nature, détaillée dans les écritures adverses, les époux S... n'avaient versé aux débats ni les actes d'acquisition des immeubles, ni surtout les baux dont ils avaient fait l'objet, ce qui ne permettait pas à la cour de vérifier que les plafonds de loyer prévus par ces dispositifs d'exonération fiscale étaient respectés et qu'ainsi, les immeubles étaient éligibles aux dispositifs invoqués ; que cette preuve ne pouvait davantage être trouvée dans le rejet de leur réclamation fiscale qui n'était fondée que sur le défaut de l'option et ne précisait aucunement si les immeubles étaient éligibles aux dispositifs revendiqués ; qu'en raison de cette carence probatoire qui leur était imputable, les époux S... ne démontraient pas l'existence de la faute qu'ils reprochaient à l'expert-comptable ;
ALORS QUE le devoir de conseil qui pèse sur un expert-comptable envers son client lui impose de rechercher les solutions fiscales appropriées et de porter à sa connaissance les différentes options fiscales possibles ; que, tenu de rapporter la preuve de l'exécution de ce devoir, il doit nécessairement établir l'inapplicabilité d'une option fiscale afin de démontrer qu'il n'a pas manqué à ses obligations ; qu'en retenant que les exposants ne démontraient pas que les immeubles étaient éligibles aux dispositifs Robien invoqués, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en méconnaissance de l'article 1315 ancien du code civil (1353 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016) ;
ALORS QUE, subsidiairement, les exposants faisaient valoir (v. leurs conclusions d'appel, p.15, alinéas 7 et 8) que l'éligibilité des immeubles aux dispositifs Robien litigieux résultait nécessairement de la lettre émise par leur expert-comptable le 12 décembre 2011, aux termes de laquelle il reconnaissait avoir en main tous documents nécessaires pour procéder, auprès de l'administration fiscale, à une réclamation afin de les faire bénéficier de ces optimisations fiscales et de la réclamation déposée par eux à son initiative le 19 décembre 2011, dès lors qu'il n'aurait jamais établi les courriers nécessaires pour procéder au dépôt d'une telle réclamation si les immeubles n'avaient pas été éligibles à ces mécanismes ; qu'en déboutant les contribuables de leur action en responsabilité contre leur expert-comptable sans répondre à leurs conclusions sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure
civile.