LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 février 2021
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 160 F-D
Pourvoi n° Q 19-15.246
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 FÉVRIER 2021
La société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-15.246 contre l'arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. Q... R..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. R..., et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 14 février 2019), la société Banque populaire de Lorraine Champagne (la banque) a assigné M. R... en qualité d'avaliste d'un billet à ordre souscrit le 1er juin 2013 par la société Groupe Arcan.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement alors « que l'engagement d'avaliste résulte de la seule signature du donneur d'aval ; qu'il en résulte qu'à moins que l'avaliste ait expressément indiqué s'engager non pas à titre personnel mais en qualité de représentant d'une personne précisément identifiée, la seule signature du donneur d'aval l'engage personnellement à honorer le billet à ordre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu' "il est constant que M. R... a signé l'aval en portant la mention « bon pour aval le PDG »" ; qu'il en résultait que M. R... n'avait aucunement indiqué s'engager "en qualité de", "en tant que" ou au nom et pour le compte d'une société identifiée ; que son engagement personnel d'avaliste résultait donc de sa seule signature ; qu'en retenant pourtant que "si M. R... a signé l'aval en portant la mention « bon pour aval le PDG », l'ajout de sa qualité de PDG signifiait clairement qu'il n'entendait pas signer cet engagement à titre personnel mais bien en qualité de PDG et pour le compte d'une société qu'il n'appartient pas à la cour de déterminer", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 511-21 et L. 512-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
3. Ayant relevé que le billet à ordre litigieux comportait la mention « bon pour aval le PDG » suivi de la signature de M. R... c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, en procédant à l'interprétation des mentions précédant la signature de M. R..., que l'ambiguïté résultant de l'ajout d'une qualité rendait nécessaire, a retenu que celui-ci ne s'était pas engagé personnellement.
4. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne et la condamne à payer à M. R... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne.
Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'avoir débouté la BPALC de l'ensemble de ses demandes ;
aux motifs propres que « l'article L. 511-21 du code de commerce dispose : « le paiement d'une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval. Cette garantie est fournie par un tiers ou même par un signataire de la lettre. L'aval est donné soit sur la lettre de change ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu. Il est exprimé par les mots "bon pour aval" ou par toute autre formule équivalente et il est signé par le donneur d'aval » ; qu'en l'espèce, il est constant que M. R... a signé l'aval en portant la mention « bon pour aval le PDG » ; qu'il appartient à la SA BPALC qui s'en prévaut, de rapporter la preuve que l'aval a été consenti par M. R... à titre personnel ; qu'elle verse aux débats l'attestation M. P..., indiquant avoir « recueilli le 1er juin 2013 la signature de M. R... en sa qualité d'avaliste d'un billet à ordre d'un montant de 200.000 euros souscrit par la société Groupe Arcan » et que « M. R... s'est engagé à titre personnel, sans qu'il n'ait jamais été question dans l'esprit des parties, que l'engagement de M. R... soit pris en qualité de représentant d'une quelconque personne morale » ; qu'il convient de relever, comme l'ont fait les premiers juges, que M. P... est un salarié de la SA BPALC et que, son indépendance à l'égard de son employeur n'étant pas garantie, son attestation n'a qu'une valeur relative et ne peut suffire à démontrer que M. R... s'est engagé à titre personnel ; que la banque produit également un courrier daté du 24 mars 2014, dans lequel Me R. conseil de M. R... déclare « mon client m'a remis copie du courrier avec accusé de réception que vous lui avez adressé en date du 12 mars 2014 par lequel vous lui rappeliez qu'il avait accepté d'avaliser un billet à ordre d'un montant de 200.000 euros à échéance au 30 juin 2013 tiré par la SAS Groupe Arcan. Du fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de la SAS Groupe Arcan, vous avez mis en demeure mon client, en sa qualité d'aval, de vous régler sous huitaine la somme de 200.055,89 euros. Mon client entend opposer une fin catégorique de non-recevoir à vos prétentions (...). Je vous laisse le soin de réexaminer le billet à ordre pour vous faire constater que ledit billet a été signé par M. R... ès qualités de PDG » ; qu'il est constaté, contrairement à ce que soutient l'appelante, que le conseil de l'intimé ne reconnaît nullement l'engagement à titre personnel de M. R... et conteste la position de la SA BPALC dans sa lettre de mise en demeure en faisant valoir que le billet à ordre a été signé par son client ès qualités de PDG ; que la banque ne démontre donc pas comme elle le prétend, que M. R... a reconnu par ce courrier s'être engagé personnellement ; que si M. R... a signé l'aval en portant la mention « bon pour aval le PDG », l'ajout de sa qualité de PDG signifiait clairement qu'il n'entendait pas signer cet engagement à titre personnel mais bien en qualité de PDG et pour le compte d'une société qu'il n'appartient pas à la cour de déterminer ; que dès lors le fait de savoir si l'engagement a été signé le samedi 1er juin 2013 ou à une date antérieure est sans incidence ; que la SA BPALC ne produisant aucun autre élément de nature à établir que l'aval a été consenti par M. R... à titre personnel et la seule attestation de M. P... étant insuffisante, il convient de confirmer le jugement ayant retenu que l'intimé ne s'était pas engagé à titre personnel et débouté la banque de sa demande en paiement » ;
et aux motifs adoptés que « c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation d'en démontrer l'existence ; qu'en l'espèce, il appartient à la Banque Populaire Lorraine Champagne de démontrer l'existence de l'engagement personnel de Q... R... dont elle sollicite l'exécution ; que le billet à ordre litigieux porte la mention manuscrite « bon pour aval PDG » avec la signature de Q... R... ; que la Banque Populaire Lorraine Champagne ne rapporte pas la preuve que Q... R... s'est engagé personnellement ; que rien ne permet d'exclure que Q... R... se soit engagé, comme il le soutient, en qualité de mandataire de la société ADF dont il était le PDG, celle-ci pouvant avoir intérêt à garantir le billet à ordre comme possédant 70 % des parts sociales de la société Groupe Arcan ; qu'il convient d'admettre avec Q... R... que si celui-ci avait entendu s'engager personnellement, il n'aurait pas mentionné expressément ses fonctions de PDG sur le billet à ordre, comme il l'a fait ; qu'une même personne, en la même qualité, ne pouvant être à la fois souscripteur et donneur d'aval, la référence, dans le billet à ordre, aux fonctions de PDG ne pouvait pas viser la société Groupe Arcan ; que la preuve de la volonté de Q... R... de s'engager personnellement ne peut être rapportée par l'attestation de G... P... versée au débat par la Banque Populaire Lorraine Champagne ; que cette attestation ne présente pas les garanties nécessaires de neutralité et d'indépendance à l'égard de la Banque Populaire Lorraine Champagne dans la mesure où son rédacteur, G... P..., appartient à l'encadrement de la banque ; que la Banque Populaire Lorraine Champagne sera en conséquence déboutée de sa demande comme insuffisamment justifiée » ;
alors que l'engagement d'avaliste résulte de la seule signature du donneur d'aval ; qu'il en résulte qu'à moins que l'avaliste ait expressément indiqué s'engager non pas à titre personnel mais en qualité de représentant d'une personne précisément identifiée, la seule signature du donneur d'aval l'engage personnellement à honorer le billet à ordre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu' « il est constant que M. R... a signé l'aval en portant la mention « bon pour aval le PDG » » (arrêt, p. 4, antépénultième alinéa) ; qu'il en résultait que M. R... n'avait aucunement indiqué s'engager « en qualité de », « en tant que » ou au nom et pour le compte d'une société identifiée ; que son engagement personnel d'avaliste résultait donc de sa seule signature ; qu'en retenant pourtant que « si M. R... a signé l'aval en portant la mention « bon pour aval le PDG », l'ajout de sa qualité de PDG signifiait clairement qu'il n'entendait pas signer cet engagement à titre personnel mais bien en qualité de PDG et pour le compte d'une société qu'il n'appartient pas à la cour de déterminer » (arrêt, p. 5, alinéa 2), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 511-21 et L. 512-4 du code de commerce.