LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 mars 2021
Cassation partielle
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 263 F-D
Pourvoi n° H 19-23.542
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme V....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 septembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021
Mme N... V..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-23.542 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2018 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Freecadre immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à Mme O... H..., dite C..., exerçant sous l'enseigne Cap Zéphyr, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme V..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme O... H..., dite C..., de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Freecadre immobilier, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 juillet 2018), Mme V..., qui avait été en relations contractuelles avec Mme C... et avec la société Freecadre immobilier, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées contre ces deux parties, demandes déclarées irrecevables par jugement du 15 septembre 2011.
2. Sur appel de cette décision par la salariée, ce recours a lui-même été déclaré irrecevable par arrêt du 12 septembre 2012.
3. La salariée a ensuite saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre Mme C... et la société Freecadre immobilier. Celle-ci, par jugement du 24 avril 2014, a fait droit à certaines de ses demandes. Sur appel formé contre cette décision, la cour d'appel a, par l'arrêt attaqué, dit les demandes irrecevables sur le fondement des dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en toutes ses demandes et de dire qu'elle devra restituer à la société Freecadre immobilier les sommes perçues en exécution du jugement, soit 16 163,84 euros, alors :
« 1°/ que si, aux termes de l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule et même instance, cette règle n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'en opposant aux demandes de la salariée le principe de l'unicité de l'instance quand celles-ci ayant été déclarées irrecevables lors de la première procédure n'avaient jamais fait l'objet d'une décision sur le fond, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°/ que, dans le cadre de l'instance initiale, le jugement du conseil de prud'hommes de Béziers du 15 septembre 2011 avait déclaré irrecevables les demandes en paiement de commissions de Mme V... dirigées à l'encontre de Mme C... et de la société Freecadre ; que par arrêt du 12 septembre 2012 la cour de Montpellier avait également jugé irrecevable l'appel de Mme V... ; que pour déclarer, en l'espèce, Mme V... irrecevable en toutes ses demandes, en application du principe de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a jugé qu'il serait ressorti des deux décisions précitées que l'instance initiale ''concernait bien les mêmes parties, Mme V..., Mme C... et la société Freecadre immobilier (
)'' ; que cependant l'instance ayant donné lieu au jugement du conseil de prud'hommes de Béziers du 24 avril 2014 puis en appel à l'arrêt attaqué du 4 juillet 2018 opposait Mme V... à la société Freecadre immobilier et non pas à la société Freecadre ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a dénaturé tant le jugement du 15 septembre 2011 que l'arrêt du 12 septembre 2012 en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
5. Selon ce texte, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cependant, cette règle n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond.
6. Pour dire la salariée irrecevable en ses demandes, l'arrêt retient que celle-ci avait précédemment saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre les mêmes parties, relativement aux mêmes contrats, et que ces demandes ont été déclarées irrecevables, l'appel formé contre la décision ayant lui-même été déclaré irrecevable.
7. En statuant ainsi, alors qu'aucune décision n'avait été rendue sur le fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences
8. La cassation de l'arrêt en ce qu'il déclare la salariée irrecevable en toutes ses demandes et en ce qu'il dit qu'elle devra restituer à la société Freecadre immobilier les sommes perçues en exécution du jugement, soit 16 163,84 euros, entraîne, par voie de conséquence, sa cassation en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme V... irrecevable en toutes ses demandes, dit qu'elle devra restituer à la société Freecadre immobilier les sommes perçues en exécution du jugement, soit 16 163,84 euros et la condamne à payer 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 4 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Freecadre immobilier et Mme H..., dite C..., exerçant sous l'enseigne Cap Zéphyr, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Freecadre immobilier et Mme H..., dite C..., exerçant sous l'enseigne Cap Zéphyr, à payer, chacune, la somme de 1 500 euros à la SCP Bénabent ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme V...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré Mme V... irrecevable en toutes ses demandes et d'avoir dit qu'elle devra restituer à la société Freecadre Immobilier les sommes perçues en exécution du jugement, soit 16 163,84 euros ;
AUX MOTIFS QUE « (
) Sur la recevabilité des demandes de Mme V... Qu'il résulte de l'article R. 1452-6 du Code du travail que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance ; que cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ;
Qu'en l'espèce, Mme C... produit aux débats l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 12 septembre 2012, entre Mme V... appelante et Mme C... et la société Free Cadre Immobilier, intimées, statuant sur appel du jugement rendu le 15 septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de Béziers ;
Qu'il ressort de cette décision que le 2 janvier 2009 Mme V... avait saisi le Conseil de prud'hommes de Béziers d'une demande en paiement de commissions dirigées à l'encontre de Mme C... et de la société Free Cadre Immobilier, le Conseil de prud'hommes dans sa décision du 15 septembre 2011 ayant déclaré les demandes de Mme V... irrecevables ;
Que Mme V... qui avait interjeté appel de ce jugement le 10 octobre 2011, a vu son appel déclaré irrecevable par décision de la cour d'appel du 12 septembre 2012 ;
Qu'il en résulte que l'instance initiale, dans laquelle avait été formulée une demande de paiement de commissions, et qui s'est achevée par l'arrêt du 12 septembre 2012, concernait bien les mêmes parties, Mme V... Mme C... et la société Free Cadre Immobilier, et les mêmes contrats (contrats des 5 janvier 2006 et 26 et 27 avril 2007) ;
Que les nouvelles prétentions émises dans le cadre de l'instance introduite le 25 octobre 2011, savoir le versement d'une indemnité de requalification, le versement de salaires et des indemnités de licenciement, trouvent leur fondement dans les contrats signés le 5 janvier 2006, et les 26 et 27 avril 2007 et dans le courrier de démission du 4 janvier 2008, fondements qui ne sont pas nés ou révélés postérieurement au 2 janvier 2009 ;
Qu'il en résulte que Mme V... était irrecevable le 25 octobre 2011, en vertu du principe de l'unicité de l'instance, à introduire une nouvelle instance à l'encontre de la société Free Cadre Immobilier et de Mme C..., instance fondée sur la même relation contractuelle que celle objet de l'instance initiale qui a pris fin par l'arrêt du 12 septembre 2012 ;
Qu'il convient donc de réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Béziers en date du 24 avril 2014 et de déclarer Mme V... irrecevable en toutes ses demandes (
) » ;
1°ALORS QUE si, aux termes de l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule et même instance, cette règle n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'en opposant aux demandes de la salariée le principe de l'unicité de l'instance quand celles-ci ayant été déclarées irrecevables lors de la première procédure n'avaient jamais fait l'objet d'une décision sur le fond, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°ALORS QUE dans le cadre de l'instance initiale , le jugement du Conseil de prud'hommes de Béziers du 15 septembre 2011 avait déclaré irrecevables les demandes en paiement de commissions de Mme V... dirigées à l'encontre de Mme C... et de la société Free Cadre ; que par arrêt du 12 septembre 2012 la cour de Montpellier avait également jugé irrecevable l'appel de Mme V... ; que pour déclarer, en l'espèce, Mme V... irrecevable en toutes ses demandes, en application du principe de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a jugé qu'il serait ressorti des deux décisions précitées que l'instance initiale « concernait bien les mêmes parties, Mme V..., Mme C... et la société Free Cadre Immobilier (
) »
(cf. arrêt, p. 6, 1er §) ; que cependant l'instance ayant donné lieu au jugement du Conseil de prud'hommes de Béziers du 24 avril 2014 puis en appel à l'arrêt attaqué du 4 juillet 2018 opposait Mme V... à la société Free Cadre Immobilier et non pas à la société Free Cadre ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a dénaturé tant le jugement du 15 septembre 2011 que l'arrêt du 12 septembre 2012 en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.