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10/03/2021 | FRANCE | N°18-21321

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 2021, 18-21321


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 333 F-D

Pourvoi n° X 18-21.321

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

M. I... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi

n° X 18-21.321 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1ère chambre civile), dans le litige l'opposant à la so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 333 F-D

Pourvoi n° X 18-21.321

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

M. I... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 18-21.321 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1ère chambre civile), dans le litige l'opposant à la société CLB, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. U..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société CLB, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les productions et l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 16 avril 2018), M. U... a été engagé le 2 mai 2003 par la société CLB suivant contrat d'engagement maritime en qualité de second mécanicien à bord du navire le Bouffi et exerçait en dernier lieu les fonctions de matelot qualifié à bord du navire Hirundo.

2. Le salarié a saisi la direction des affaires maritimes le 27 novembre 2014 aux fins d'organisation de la tentative préalable de conciliation exigée par l'article L. 5542-48 du code du travail. Un procès-verbal de non conciliation valant permis de citer a été établi le 14 avril 2015 par l'administrateur des affaires maritimes.

3. Le 7 juin 2016, le salarié a demandé la convocation devant le tribunal d'instance de Saint Martin de son employeur, la société CLB, pour obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes à titre de rappel de congés payés, de repos compensateur, de dommages-intérêts pour discrimination, de remboursement de formation et d'une indemnité de procédure.

4. Par jugement rendu le 11 août 2017, le tribunal d'instance de Saint Martin a débouté la société CLB des fins de non-recevoir tirées du non-respect de la procédure de conciliation et de l'existence d'une transaction, l'a condamnée au paiement de diverses sommes à titre de rappel de congés payés, de repos compensateur, de dommages-intérêts pour attitude discriminante et de remboursement de formation professionnelle et ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

5. Par arrêt du 16 avril 2018, la cour d'appel de Basse-Terre a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et déclaré d'office le salarié irrecevable en son action.

Sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

8. Pour déclarer d'office le salarié irrecevable en son action, l'arrêt, après avoir relevé que dans le dispositif de ses conclusions, l'employeur n'avait pas repris sa prétention tirée de l'irrecevabilité de l'action faute de tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat, retient que la saisine préalable de l'autorité extra judiciaire avant saisine du juge constituant une fin de non-recevoir d'ordre public devant, en application de l'article 125 du code de procédure civile, être relevée d'office, il convient de la relever, sans qu'il soit nécessaire d'inviter les parties à s'expliquer puisqu'elles s'en sont expliquées dans leurs conclusions.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'inviter les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir qu'elle a relevée d'office, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne la société CLB aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CLB et la condamne à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. U...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir a infirmé la décision querellée, en toutes ses dispositions et déclaré d'office M. I... U... irrecevable en son action.

AUX MOTIFS QUE A l'énoncé de l'article L. 5542-48 du code des transports, tout différend qui peut s'élever à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat.
Il faut relever que dans le dispositif de ses conclusions, l'appelante n'a pas repris sa prétention tirée de l'irrecevabilité de l'action faute de tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat. Cependant, la saisine préalable de l'autorité extra judiciaire avant saisine du juge constituant une fin de non recevoir d'ordre public devant, en application de l'article 125 du code de procédure civile, être relevée d'office, il convient de la relever, sans qu'il soit nécessaire d'inviter les parties à s'expliquer puisqu'elles s'en sont expliquées dans leurs conclusions.
Il n'est pas contesté que M. U... a saisi le 27 novembre 2014 le directeur de la mer de la Guadeloupe d'une demande de conciliation avec la société CLB, son employeur, mais que c'est la société RMP Caraïbes qui a été convoquée, un procès-verbal de non conciliation avec permis de citer ayant été dressé le 14 avril 2015.
Il est certain que la convocation d'une personne autre que l'employeur de M. U..., et contrairement à sa demande, résulte d'une erreur de l'administration mais il n'en demeure pas moins que la tentative préalable de conciliation, préalable à la saisine du juge judiciaire, n'a pas eu lieu.
En conséquence, infirmant la décision, il convient de déclarer M. U... irrecevable en son action.
M. U... qui succombe sera condamné au paiement des entiers dépens d'appel. La société CLB sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

1°) ALORS QUE l'article L 5542-48 du code des transports dispose que « Tout différend qui peut s'élever à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat » ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel, que le marin avait saisi le 27 novembre 2014 le directeur de la mer de la Guadeloupe d'une demande de conciliation avec la société CLB, son employeur et qu'un procès-verbal de non-conciliation et permis de citer a été établi le 14 avril 2015 ; qu'en déclarant dès lors l'action irrecevable, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement, et a violé par fausse application l'article L 5542-48 du code des transports ;

2°) ALORS QU'en application de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, les prétentions des parties formulées dans les conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, l'employeur n'avait pas énoncé au dispositif de ses dernières conclusions une quelconque fin de non-recevoir tirée de l'absence de tentative de conciliation ; qu'en retenant dès lors une fin de non-recevoir qui n'était pas énoncée au dispositif des dernières conclusions de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°) ALORS QUE si la saisine préalable de l'autorité extra judiciaire avant saisine du juge constitue une fin de non recevoir, elle n'est pas d'ordre public ; qu'en matière prud'homale, l'irrégularité de procédure tenant à l'omission du préliminaire obligatoire de conciliation ne peut être soulevée d'office par le juge ; qu'ayant relevé que dans le dispositif de ses conclusions, l'employeur n'a pas repris sa prétention tirée de l'irrecevabilité de l'action faute de tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat, la cour d'appel ne pouvait d'office relever la fin de non recevoir sans violer l'article 125 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le défaut de tentative de conciliation ne constitue nullement une irrégularité de fond, d'ordre public, que le juge serait tenu de relever d'office ; quelle que soit la gravité de l'irrégularité alléguée, seules affectent la validité d'un acte de procédure, indépendamment du grief qu'elles ont pu causer, les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile ; que le défaut de tentative préalable de conciliation ne constituant qu'un vice de forme soumis aux dispositions de l'article 115 du code de procédure civile, qui peut être régularisé dans les conditions prévues par ce texte, la mise en cause des parties devant le bureau de jugement, qui peut concilier les parties, a régularisé la procédure ; que la cour d'appel a violé les articles 115, 117 et 125 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE si l'obligation de tenter une résolution amiable avant de saisir le juge, à peine d'irrecevabilité de la demande en justice, est conforme aux exigences du procès équitable de l'article 6, § 1 de la Convention EDH, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même ; que, dès lors qu'elle avait constaté que le marin avait saisi le 27 novembre 2014 le directeur de la mer de la Guadeloupe d'une demande de conciliation avec la société CLB, son employeur, et que la convocation d'une personne autre que l'employeur, contrairement à la demande du marin, résultait d'une erreur de l'administration qui ne lui était donc nullement imputable, la cour d'appel devait vérifier si, dans les circonstances de l'espèce, la mise en œuvre de la limitation de l'accès au juge n'était pas excessive ; qu'en déclarant l'action irrecevable sans avoir procédé à un contrôle de proportionnalité, la cour d'appel a violé le principe du droit à un recours effectif garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21321
Date de la décision : 10/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 16 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 2021, pourvoi n°18-21321


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.21321
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