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12/05/2021 | FRANCE | N°20-10512

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2021, 20-10512


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 531 F-D

Pourvoi n° Q 20-10.512

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

La société Desim, société par actions simplifiÃ

©e, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-10.512 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 531 F-D

Pourvoi n° Q 20-10.512

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

La société Desim, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-10.512 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [C] [W], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Desim, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 octobre 2019), M. [W], travaillant pour la société Desim en qualité de VRP exclusif, a été licencié pour faute grave par lettre du 22 juin 2012.

2. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que la faute grave est caractérisée en présence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que les faits de violence verbale et a fortiori de violence physique constituent une faute grave privative de toutes indemnités ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que le salarié avait eu un "comportement violent" à l'égard de sa supérieure hiérarchique, notamment au moyen d'une "agression verbale", l'agression physique n'ayant été empêchée que grâce à l'intervention d'un tiers ; qu'en refusant pourtant d'en déduire que ces faits étaient constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que l'attitude agressive et violente de la part d'un salarié à l'égard de sa hiérarchie constitue une faute grave et ne saurait être justifiée par l'état de santé dégradé ou le mal-être du salarié ; qu'en conséquence, en refusant de retenir que le licenciement était justifié par la faute grave du salarié motif pris de ce que le comportement violent de celui-ci résultait de son état pathologique, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige dont il est saisi ; qu'en l'espèce, l'employeur n'a jamais admis que l'attitude violente et agressive du salarié ne résulterait que de son état de santé nécessitant un suivi psychiatrique ; que dès lors, en retenant que "l'attitude de M. P., qui est établie concernant l'agression verbale, découle, ce qui n'est pas contredit, de son état de santé (?)", la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'employeur et a par là-même méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que la cour d'appel a relevé que le salarié produisait 36 attestations indiquant qu'il était "un grand professionnel" "extrêmement courtois et d'humeur égale", "une personne courtoise et avenante" ; que pour écarter le grief fondé sur une tenue vestimentaire négligée, la cour d'appel a relevé que les attestations produites par l'employeur étaient "totalement contredites par les très nombreuses attestations émanant de ses anciens employeurs, de ses partenaires et de très nombreux clients versées par le salarié qui font état d'une personnalité singulière mais très attachante, calme et très professionnelle" ; qu'ainsi, les témoignages versés aux débats par le salarié, uniquement relatifs à sa personnalité, ne contredisaient pas le grief afférent à la tenue vestimentaire négligée et attestée par plusieurs clients de l'agence ; qu'en statuant par des motifs impropres à contredire les attestations produites par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

5°/ que la circonstance selon laquelle le salarié n'aurait jamais fait l'objet d'une sanction en raison de sa tenue vestimentaire négligée était sans emport sur la réalité du grief et sur l'incidence quant à l'image de marque de l'agence ; qu'en retenant dès lors que l'employeur n'avait jamais sanctionné le salarié "sur ce point", la cour d'appel a, en toute hypothèse, derechef statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, la cour d'appel a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le grief tiré d'une tenue vestimentaire négligée n'était pas établi.

5. Ensuite, ayant constaté que l'agression verbale commise par le salarié résultait de son état pathologique, conséquence du harcèlement moral dont il était victime, elle a pu en déduire que ce comportement ne constituait pas une faute grave rendant impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise.

6. Le moyen, qui critique un motif surabondant en sa troisième branche, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Desim aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Desim et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Desim

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit que le licenciement de M. [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la SAS Desim à verser à M. [W] les sommes de 1.551,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire du 30 mai 2012 au 22 juin 2012, 4.432,32 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 443,23 euros brut au titre des congés payés y afférent, 13.789,41 euros à titre d'indemnité de licenciement et celle de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE (Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail) la lettre de licenciement en date du 22 juin 2012 est ainsi motivée:
« Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave, ce dont nous vous avons à fait part lors de notre entretien du 12 juin dernier, entretien auquel vous vous êtes présenté accompagné d'un représentant des salariés.
Comme nous avons pu vous l'indiquer lors de cet entretien, nous avons pu constater que vous adoptiez une attitude peu conforme avec l'image de marque de notre agence.
Ainsi, vos clients se plaignent de votre absence de soin quant à votre tenue vestimentaire, l'un d'entre eux allant jusqu'à vous demander de vous raser et de mettre des vêtements repassés.
Nous vous avions demandé à plusieurs reprises d'être plus attentif à votre style vestimentaire afin de ne pas paraitre négligé ce qui ne correspond pas à l'image de notre société et à notre clientèle.
Vous n'avez jamais daigné prendre en compte nos remarques.
De la même façon, alors que nous vous avons demandé de ne plus adresser directement des correspondances en anglais aux clients de l'agence puisque vous ne possédez pas de notion suffisante dans cette langue, vous vous obstinez à le faire.
Nos clients reçoivent donc des mails totalement incompréhensibles et remplis de fautes d'orthographe.
Là encore, vous portez atteinte à l'image de notre agence dans un contexte extrêmement concurrentiel.
De plus, en dépit de nos multiples rappels à l'ordre et avertissement, vous ne respectez pas nos consignes en vous absentant pour cause de congés (alors même que tous vos congés sont soldés) et alors que nous avions refusé votre demande de congés.
Vous ne respectez donc pas les décisions prises par votre hiérarchie en vous absentant sans aucune autorisation et malgré le refus de votre employeur.
Et les sanctions que nous avons pu prendre à votre égard sont totalement inefficaces.
De plus, vous contestez systématiquement tout changement dans l'organisation de l'agence en n'hésitant pas à hurler dans nos locaux sans vous soucier de la présence de clients.
Vous êtes sans cesse dans l'opposition sans être à même de justifier de manière objective vos prises de position.
Alors que nous vous avons demandé de respecter un minimum de discrétion lorsque nous recevons des clients, vous multipliez systématiquement les aller retours entre votre bureau situé à l'étage et le rez-de-chaussée où nous recevons notre clientèle en choisissant ces moments pour vous préparer un thé, aller aux toilettes, nous demander des fournitures ou documents divers au cours de nos rendez-vous ou en nous interrompant pour nous questionner sur des points qui peuvent, chaque fois, attendre la fin de notre entretien.
Nous vous avons expliqué que cette attitude était très perturbante mais vous n'avez pas tenu compte de nos remarques.
Vous tentez également de démotiver l'ensemble de l'équipe en précisant sans cesse que c'est vous qui faites « marcher l'agence », que vous « avez vendu plus de 600 appartements », que « cela fait 23 ans que vous faites ce métier et que personne ne peut rien vous apprendre ».
Ainsi, vous ne faites que critiquer le travail et les méthodes des autres, au lieu de faire profiter vos collègues de votre expérience en enrichissant leurs connaissances.
A plusieurs reprises, nous vous avons demandé d'utiliser votre portable professionnellement et de ne pas envoyer de MMS et, depuis notre changement d'opérateur, de ne pas envoyer de SMS tant que notre problème n'était pas réglé, vous n'en tenez pas compte.
Lors de vos permanences, vous vous absentez régulièrement pour aller accompagner votre fille, même si vous êtes seul à l'agence.
Enfin, au cours d'une réunion en date du 28 mai dernier, vous avez violemment pris à parti Mme [P] en l'insultant et en tentant de la frapper.
Le stagiaire de l'agence a dû intervenir pour vous calmer face à cette attitude totalement inadmissible et compte tenu de l'ampleur de vos cris, un attroupement s'est formé devant la vitrine de l'agence craignant pour la sécurité des personnes présentes.
Bien évidemment, cet accès de violence n'est pas tolérable.
Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise.
En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible.
Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied à titre conservatoire dont vous faite l'objet depuis le 1er juin 2012 ». ; que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail; qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison notamment de son état de santé ou de son handicap ; que l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ayant eu un comportement violent ne doit pas être accordée lorsque les faits reprochés sont dus à un état pathologique de l'intéressé (Conseil d'Etat 4ème et 5ème sous-section réunis 3 juillet 2013 nº 349496) ; que la SAS Desim reproche à M. [W] sa tenue vestimentaire négligée, le non-respect des consignes (mails en anglais, prise de congés sans accord, absence pendant ses permanences, utilisation du téléphone, l'absence de discrétion pendant les rendez-vous), la démotivation de l'équipe (la critique du travail et des méthodes des autres), le refus de tout changement, un accès de violence lors d'une réunion ; que la SAS Desim produit:
- une facture d'Orange d'octobre 2011 sans indication de l'utilisateur et faisant état de 2,673 euros de MMS et 2,25 euros de SMS
- une facture Bouygues Télécom du 16 juin 2012 avec un dépassement de deux euros de SMS sans indication de l'utilisateur
- un extrait de l'agenda de M. [W] de l'année 2011 qui porte l'indication pour certains jours « [U] école » sans préciser qu'il doit aller chercher sa fille et qui indique de nombreux rendez-vous jusqu'à 20 heures.
- des courriels en anglais et en français avec des fautes d'orthographe de janvier à mai 2012,
- un courriel de Mme [P] à M. [W] en date du 26 avril 2012 qui précise les modalités d'utilisation du téléphone,
- la lettre de l'agence L'Adresse en date du 21 février 2013 qui indique qu'elle retravaille avec la SAS Desim car M. [W] ne fait plus partie du personnel sans autre précision,
- la lettre du 12 juin 2012 de la société Realestate à la SAS Desim qui refuse une collaboration en raison du comportement de M. [W],
- le dépôt de plainte de M. [S] en date du 30 juillet 2012 contre M. [W] pour un problème d'exclusivité,
- le courriel de Mme [G] en date du 27 juin 2012 adressé à Mme [P] suite à leur conversation téléphonique indiquant qu'en raison du caractère très autoritaire de M. [W] elle n'avait pas osé lui faire remarquer « qu'on ne venait pas en claquettes et bermuda chez le notaire »,
- l'attestation de Mme [R] en date du 27 avril 2013 qui indique:
« le vendredi 25 mai j'ai effectivement entendu des cris (avec attroupement) provenant de l'agence First Immobilier situé en face de mon salon de coiffure sans savoir ce qui se passait »
- l'attestation de M. [I] en date du 12 juin 2012 ainsi rédigée:
« le vendredi 25 mai 2012 vers 10 heures du matin j'ai été alerté par des hurlements provenant de l'agence first immobilier et je me suis inquiété car Mme [P] était face à un homme barbu qui avait l'air complètement hystérique !!! »,
- l'attestation de M. [X] en date du 21 juin 2012 ainsi rédigée:
« le vendredi 25 mai 2012, vers 10 heures, me rendant chez mon coiffeur, j'ai été attiré par un vacarme dans l'agence immobilière voisine (porte ouverte), avec un homme d'une cinquantaine d'années, agité, proférant des insultes, menaçant, hurlant vis à vis de la propriétaire de l'agence B? que j'ai revue plus tard et qui m'a demandé de témoigner »,
- l'attestation de M. [V] assistant agent immobilier de la SAS Desim en date du 30 mai 2012 ainsi rédigé :
« Lors d'une réunion le 25 mai 2012 à 9 heures 30 au sein de l'agence, M. [W] s'est violemment emporté à l'égard de Mme [P]. Après avoir soulevé le bureau, M. [W] s'est précipité sur Mme [P] en hurlant et en effectuant de grands gestes, m'obligeant donc à m'interposer et le retenir de commettre l'irréparable »
- 10 attestations de personnes ayant côtoyé M. [W] et indiquant qu'il avait un caractère difficile et désagréable,
- une seconde attestation de M. [V] en date du 6 février 2013 devenu négociateur immobilier qui reprend les termes de la lettre de licenciement sur les interruptions lors des rendez-vous et sur l'altercation du 25 mai 2012 ; que M. [W] produit:
- 36 attestations de clients qui indiquent qu'il était un grand professionnel dont ils étaient très satisfaits notamment pour les seconder devant le notaire, qu'ils ne souhaitaient effectuer leurs achats ou leurs ventes de biens immobiliers qu'avec lui et qu'il était extrêmement courtois et d'humeur égale,
- l'attestation de M. [U] du 19 septembre 2013, directeur d'une agence immobilière, qui indique:
« Je tiens personnellement à saluer le professionnalisme de M. [W] tant sur l'aspect juridique que l'aspect commercial.
Certaines ventes réalisées en co-agences étaient relativement compliquées et M. [W] par son côté naturel et sympathique a réussi à faire aboutir les transactions.
J'ai appris dernièrement l'injustice dont il est victime et je ne peux me résoudre à rester indifférent.
Plus que les paroles, les chiffres sont éloquents: notre agence peut prouver, preuves à l'appui que M. [W] a réalisé avec notre établissement les ventes suivantes entre autres (...)
Je tiens à la disposition de la justice d'autres exemples qui pourront assurer de l'honnêteté et de l'exemplarité de M. [W], homme atypique et attachant qui fait honneur à notre profession »,
- 5 attestations d'agents immobiliers qui indiquent avoir conclu plusieurs transactions avec [C] [W] qui se sont réalisées en confiance, dans un climat de confraternité mutuelle et que M. [W] est connu et reconnu pour être une personne courtoise et avenante, respectant la déontologie de la profession :
- l'attestation de M. [E] en date du 4 décembre 2012, expert technique du bâtiment qui indique que dans le cadre de sa fonction il était en collaboration étroite avec M. [W] depuis des années et que c'est un homme agréable, courtois, honnête et très professionnel
- le compte-rendu de l'entretien préalable rédigé par le conseiller de M. [W] ainsi rédigé dans sa première partie:
Mme [P] : nous avons eu une réunion vendredi et l'attitude de [C] vis à vis de moi était inadmissible, son comportement violent et ses hurlements dans l'agence qui ont ameuté tout le quartier. Et j'ai eu très peur car j'ai cru qu'il allait me frapper et d'ailleurs, il y avait le petit stagiaire qui a attrapé [C] pour l'empêcher de me frapper et j'ai eu très peur.
M. [W] : Si j'ai eu cette attitude, c'est parce que j'ai subi une pression morale et une surcharge de travail (l'ordinateur, le courrier, la vitrine) que je n'avais pas auparavant.
Je suis obligé d'aller voir un spécialiste à cause de la pression morale de mon employeur. Elle me diminue tout le temps et me rabaisse depuis des mois.
Le petit stagiaire, je ne lui ai opposé aucune résistance parce que je n'avais pas l'intention de vous frapper et d'ailleurs je n'ai pas levé la main sur vous j'ai juste crié.
Mme [P] : tout ce que dit [C] n'est pas excusable dans son comportement agressif et il refuse de mettre par écrit la demande de ses congés annuels.
M. [W] : je prends des vacances toutes les 7 semaines depuis 23 ans et jusqu'à présent vous n'avez rien dit. Dans ce métier la pression est très forte et il est nécessaire de se ressourcer pour mieux travailler. Depuis que vous êtes mon employeur, j'ai toujours pris mes congés et vous n'avez jamais rien dit.
Mme [P] : Il m'a agressé verbalement, son comportement est inadmissible vis à vis de son employeur. Il y a eu un attroupement devant l'agence tellement [C] criait fort.
M. [W] : Il n'y a pas eu d'attroupement devant l'agence, c'est complètement faux.
Mme [P] : Sa parole contre la mienne ; (...) » ; que sur les griefs concernant la tenue vestimentaire négligée de M. [W], le non-respect des consignes (mails en anglais, prise de congés sans accord, absence pendant ses permanences, utilisation du téléphone, l'absence de discrétion pendant les rendez-vous), la démotivation de l'équipe (la critique du travail et des méthodes des autres) et le refus de tout changement, il ressort des pièces produites que ces griefs ne sont pas établis ; qu'en effet, si certaines attestations produites par l'employeur critiquent la tenue de M. [W] tant sur le plan vestimentaire que sur le plan du comportement, celles-ci sont totalement contredites par les très nombreuses attestations émanant de ses anciens employeurs, de ses partenaires et de très nombreux clients versées par M. [W] qui font état d'une personnalité singulière mais très attachante, calme et très professionnelle comme l'atteste ses 23 années de VRP dans l'immobilier à [Localité 1] avec un succès professionnel non contesté et sans que l'employeur ne l'ait jamais sanctionné sur ce point ; que sur l'usage de la langue anglaise, M. [W] établit par des attestations qu'il n'en était pas moins apprécié par des clients anglophones qui lui faisaient totalement confiance de même pour son orthographe approximative dans les courriels en français ; qu'enfin aucune pièce n'établit la réalité des autres griefs reprochés pour l'utilisation du téléphone dont les factures ne sont pas nominatives, sur la démotivation et le refus de tout changement, l'employeur ne produisant que l'attestation du stagiaire faite en 2013 alors qu'il avait rédigé une attestation en 2012 et reprenant les termes de la lettre de licenciement ; que sur les faits du 25 mai 2012 datés du 28 mai dans la lettre de licenciement, aucun élément ne permet de savoir quel était l'objet de la réunion ni ce qui a entrainé l'attitude reprochée à M. [W] ; que l'attitude de M. [W], qui est établie concernant l'agression verbale, découle, ce qui n'est pas contredit, de son état de santé qui nécessitait un suivi psychiatrique depuis octobre 2011 ; que cet état de santé est établi par un psychiatre qui a attesté des signes en faveur d'un syndrome post-traumatique avec la présence de stress, de pression morale, de conflits professionnels et de céphalées survenues dans ce contexte et par notamment les attestations de Mme [Q] et de M. [B] qui ont relevé la dégradation de l'état de santé de M. [W] et ressenti son angoisse et son mal-être ; que le comportement violent de M. [W] résulte de son état pathologique qui est la conséquence du harcèlement moral dont il était victime et ne peut donc constituer une faute grave justifiant son licenciement ; qu'il se déduit de ces motifs que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Sur les conséquences du licenciement) il ressort du seul bulletin de salaire de décembre 2012 produit par M. [W] que son salaire de référence est de 2216,16 euros brut ; que le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la SAS Desim sera condamnée à verser à M. [W] la somme de 1551,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire du 30 mai 2012 au 22 juin 2012 ; qu'en application des articles L. 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l'espèce M. [W] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soit 4432,32 euros outre 443,23 euros au titre des congés payés y afférent ; qu'en application de l'article L. 1234-9 du code du travail, salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, M. [W] a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement correspondant à son ancienneté de 22 ans et 8 mois soit la somme de 13789,41 euros ; qu'en raison de l'âge de M. [W] au moment de son licenciement (comme étant né en 1960), de son ancienneté dans l'entreprise (22 ans et 8 mois), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 25.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE la faute grave est caractérisée en présence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que les faits de violence verbale et a fortiori de violence physique constituent une faute grave privative de toutes indemnités ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que M. [W] avait eu un « comportement violent » à l'égard de sa supérieure hiérarchique, notamment au moyen d'une « agression verbale », l'agression physique n'ayant été empêchée que grâce à l'intervention d'un tiers ; qu'en refusant pourtant d'en déduire que ces faits étaient constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'attitude agressive et violente de la part d'un salarié à l'égard de sa hiérarchie constitue une faute grave et ne saurait être justifiée par l'état de santé dégradé ou le mal-être du salarié ; qu'en conséquence, en refusant de retenir que le licenciement était justifié par la faute grave de M. [W] motif pris de ce que le comportement violent de celui-ci résultait de son état pathologique, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaitre les termes du litige dont il est saisi ; qu'en l'espèce, la société Desim n'a jamais admis que l'attitude violente et agressive de M. [W] ne résulterait que de son état de santé nécessitant un suivi psychiatrique ; que dès lors, en retenant que « l'attitude de M. [W], qui est établie concernant l'agression verbale, découle, ce qui n'est pas contredit, de son état de santé (?) », la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Desim et a par là-même méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé que M. [W] produisait 36 attestations indiquant qu'il était « un grand professionnel » « extrêmement courtois et d'humeur égale », « une personne courtoise et avenante » ; que pour écarter le grief fondé sur une tenue vestimentaire négligée, la cour d'appel a relevé que les attestations produites par l'employeur étaient « totalement contredites par les très nombreuses attestations émanant de ses anciens employeurs, de ses partenaires et de très nombreux clients versées par M. [W] qui font état d'une personnalité singulière mais très attachante, calme et très professionnelle » (arrêt p. 12) ; qu'ainsi, les témoignages versés aux débats par M. [W], uniquement relatifs à sa personnalité, ne contredisaient pas le grief afférent à la tenue vestimentaire négligée et attestée par plusieurs clients de l'agence ; qu'en statuant par des motifs impropres à contredire les attestations produites par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

5°) ALORS QUE la circonstance selon laquelle M. [W] n'aurait jamais fait l'objet d'une sanction en raison de sa tenue vestimentaire négligée était sans emport sur la réalité du grief et sur l'incidence quant à l'image de marque de l'agence ; qu'en retenant dès lors que l'employeur n'avait jamais sanctionné M. [W] « sur ce point », la cour d'appel a, en toute hypothèse, derechef statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-10512
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2021, pourvoi n°20-10512


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10512
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