LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juin 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 484 F-D
Pourvoi n° S 20-14.677
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021
La société Mal invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-14.677 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige l'opposant à la société Le Château [Établissement 1], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Mal invest, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Le Château [Établissement 1], après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence 16 janvier 2020), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 25 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.384), la société Mal invest a donné à bail commercial à la société Le Château [Établissement 1] des locaux à usage d'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes.
2. Le 11 mars 2013, la société Mal invest a délivré à la société Le Château [Établissement 1] un commandement de justifier que les lieux étaient assurés, visant la clause résolutoire prévue dans le bail, puis l'a assignée en référé en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
3. L'arrêt constatant l'acquisition de la clause résolutoire a été annulé par la Cour de cassation (3e Civ., 2 mars 2017, pourvoi n° 15-29.022).
4. Le 18 novembre 2015, la société Le Château [Établissement 1] a assigné au fond la société Mal invest en annulation du commandement et a sollicité l'octroi rétroactif de délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Mal Invest fait grief à l'arrêt de dire que la demande de délais de paiement n'est pas prescrite, alors « que la demande de délai par le preneur à bail commercial, pour exécuter son obligation contractuelle d'assurance et faire suspendre la clause résolutoire, est une action exercée sur le fondement de l'article L. 145-41 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 septembre 2000, relatif au statut des baux commerciaux ; qu'à ce titre, cette action est soumise à la prescription biennale, peu important que ce texte renvoie aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 145-41 et L. 145-60 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Ayant retenu, à bon droit, que le locataire d'un bail commercial peut demander, sur le fondement de l'article L. 145-41 du code de commerce, des délais de grâce et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande d'octroi rétroactif de délais, afin de justifier de l'exécution de son obligation d'assurance des lieux loués, et de suspension des effets de la clause résolutoire formée par la société Le Château [Établissement 1] n'était pas prescrite.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mal Invest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Mal Invest et la condamne à payer à la société Le Château [Établissement 1] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Mal invest.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la demande de délais n'était pas prescrite, d'avoir accordé rétroactivement à la société Le Château [Établissement 1] un délai supplémentaire d'un mois pour justifier de son assurance, d'avoir suspendu rétroactivement les effets de la clause résolutoire, d'avoir constaté que le locataire avait justifié avoir assuré les locaux loués dans les délais accordés, d'avoir dit que la clause résolutoire était réputée n'avoir pas joué et d'avoir débouté la société Mal Invest de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le locataire peut demander des délais pour exécuter son obligation et la suspension de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision ayant autorité de la chose jugée ou tant que la décision ordonnant l'expulsion n'est pas définitive, que la société Le Château [Établissement 1] sollicite de tels délais ; que la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce s'applique aux seules actions exercées sur le fondement du statut des baux commerciaux, que tel n'est pas le cas de la demande de délais prévue aux articles 1244-1 et 1244-3 du code civil ; qu'une telle demande peut être formulée quel que soit le motif invoqué comme manquement du preneur à ses obligations ; attendu qu'il convient de constater que le locataire a satisfait à la demande formulée dans le commandement du 11 mars 2013 dès le 19 avril 2013, qu'eu égard au retard succinct dans la production de l'attestation et le fait que la locataire, nonobstant son retard dans la production de l'attestation, rapporte la preuve a posteriori que les locaux étaient valablement couverts par une assurance conforme aux exigences du bail dès le 8 février 2013, prouvant qu'elle exécutait de bonne foi ses obligations contractuelles, il y a lieu de lui accorder rétroactivement des délais d'un mois supplémentaire pour justifier de son assurance et corrélativement suspendre les effets de la clause résolutoire, qu'il convient de constater qu'elle a justifié dans les délais ainsi accordés de son obligation et de dire que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir jouée ;
1°) ALORS QUE la demande de délai par le preneur à bail commercial, pour exécuter son obligation contractuelle d'assurance et faire suspendre la clause résolutoire, est une action exercée sur le fondement de l'article L. 145-41 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, relatif au statut des baux commerciaux ; qu'à ce titre, cette action est soumise à la prescription biennale, peu important que ce texte renvoie aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 145-41 et L. 145-60 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, la position du preneur à bail commercial et la situation économique doivent l'avoir empêché de se libérer dans le délai imparti par le commandement pour qu'il puisse bénéficier de délais judiciaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a octroyé des délais rétroactifs à la société Le Château [Établissement 1] pour lui permettre d'exécuter son obligation d'assurance et a suspendu la clause résolutoire du bail commercial ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la position du locataire et la situation économique l'avaient empêché de se libérer dans le délai du commandement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, et des articles 1244-1 et 1244-3 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.