LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 novembre 2021
Cassation partielle
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 732 F-D
Pourvoi n° K 19-23.522
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021
1°/ M. [O] [G], domicilié [Adresse 5],
2°/ la société BMC, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° K 19-23.522 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Lyonnaise de banque, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [X] [F], épouse [G],
3°/ à M. [R] [G],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
4°/ à M. [K] [G], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société Lyonnaise de banque a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [O] [G] et de la société BMC, de Me Le Prado, avocat de la société Lyonnaise de banque, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Daubigney, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société BMC et à M. [O] [G] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [F], épouse [G], M. [R] [G] et M. [K] [G].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juillet 2019), en 2005, l'Eurl [G] (l'Eurl) a souscrit auprès de la Société lyonnaise de banque un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie, garanti par le cautionnement solidaire de M. et Mme [G]. L'Eurl, rencontrant des difficultés pour rembourser le prêt, s'est vu proposer un montage financier, par lequel M. et Mme [G] ont vendu le bien constituant leur résidence principale à une société civile immobilière constituée à cet effet, la SCI BMC, au moyen d'un prêt que cette dernière a souscrit, le 8 août 2008, auprès de la société CIC lyonnaise de banque (la banque). Le prix de vente de l'immeuble a permis de rembourser le prêt initial, et le nouveau prêt a été garanti par les cautionnements de M. et Mme [G], et de leurs deux fils, MM. [O] et [K] [G] (les consorts [G]), ainsi que par une hypothèque conventionnelle et un privilège du prêteur de deniers sur l'immeuble.
3. La SCI BMC, débitrice principale, ayant cessé d'honorer les échéances du second prêt, la banque lui a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière, à la suite duquel cette société, ainsi que les consorts [G], ont fait assigner la banque, en invoquant le dol et la responsabilité du créancier pour manquement à son obligation de mise en garde ainsi qu'à son devoir d'information et de conseil à l'égard de l'emprunteur.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, dont le troisième est irrecevable et les premier et quatrième ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur la demande de rectification d'erreur matérielle et le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. La société BMC et M. [O] [G] soutiennent qu'une erreur matérielle a été commise dans la rédaction du dispositif de l'arrêt du 4 juillet 2019 qui, après avoir, dans ses motifs, confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil à l'égard de l'emprunteur, intentée par la société BMC, n'a pas, à l'instar du jugement, repris ce chef de décision dans son dispositif.
Réponse de la Cour
6. Les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision frappée de pourvoi ne pouvant être rectifiées par la Cour de cassation qu'à la condition que cette décision lui soit, sur ce point, déférée, une requête en rectification d'erreur matérielle ne peut être présentée en vue de rendre recevable un moyen de cassation.
7. Le dispositif de l'arrêt ne contenant aucun chef déclarant irrecevable comme étant prescrite l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil de la banque à l'égard de l'emprunteur intentée par la société BMC, le moyen reprochant à la cour d'appel d'avoir ainsi statué n'est pas recevable.
8. Il s'ensuit que la requête en rectification d'erreur matérielle et le moyen ne sont pas recevables.
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme [G] et à M. [K] [G] une indemnité équivalente au montant des sommes dont ils se trouvent redevables à son égard au titre de leur engagement de caution, alors « qu'une faute, à la supposer établie, n'entraîne une sanction que lorsqu‘elle a causé un préjudice né et actuel ; qu'en l'absence de poursuites exercées par une banque aux fins d'exécution de son engagement, une caution ne justifie d'aucun préjudice né et actuel lui permettant d'engager une caution en réparation d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde ; qu'en faisant droit à la demande de dommages-intérêts formée par les cautions non averties pour manquement de la société Lyonnaise de banque à son devoir de mise en garde quand celle-ci n'avait engagé aucune action en paiement à leur égard, de sorte qu'en l'absence de justification d'un préjudice né et actuel subi par les cautions, leur action était prématurée, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
10. Il résulte de ce texte que seul est réparable un préjudice direct, actuel et certain.
11. Après avoir relevé que la banque était tenue de mettre en garde M. et Mme [G] et leur fils [K] sur le risque d'endettement résultant des engagements de caution souscrits à hauteur de 324 240 euros, et qu'elle ne rapportait pas la preuve d'avoir satisfait à cette obligation, l'arrêt condamne la banque à payer à M. et Mme [G] et à M. [K] [G] une indemnité équivalente au montant des sommes dont ils se trouvent redevables à son égard au titre de leur engagement de caution.
12. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'action de la banque en paiement contre les cautions, celles-ci ne justifiaient d'aucun préjudice né et actuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société lyonnaise de banque à payer à M. [R] [G], à Mme [X] [F], épouse [G], et à M. [K] [G] une indemnité équivalente au montant des sommes dont ils se trouvent redevables à son égard au titre de leur engagement de caution, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société BMC, M. [R] [G], Mme [X] [F], épouse [G], M. [O] [G] et M. [K] [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BMC et par M. [O] [G] et les condamne, ainsi que M. [R] [G], Mme [X] [F], épouse [G], et M. [K] [G], à payer à la Société lyonnaise de banque la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [O] [G] et la société BMC.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action en nullité pour dol exercée par la société BMC et les consorts [G] ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à juste titre que le tribunal a considéré que le commandement de saisie immobilière, invoqué par ceux-ci comme point de départ du délai de prescription, était la conséquence, non de l'octroi du prêt, mais du non-respect des échéances, de sorte que la délivrance de ce commandement à l'encontre de la société BMC ne saurait être constitutive de la découverte d'un vice quelconque du consentement, ni les consorts [G], vendeurs, ni la société BMC n'ayant pu ignorer, dès la date de conclusion du prêt, que celui-ci emportait l'obligation de le rembourser ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'action de la société BMC et des consorts [G] contre la société Lyonnaise de banque est fondée sur le dol ; que par application de l'article 1304 du code civil, la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue ; que le contrat de prêt contesté par les demandeurs a été signé devant notaire le 8 août 2008 ; que les demandeurs soutiennent que le dol de la banque serait caractérisé par le fait d'avoir volontairement caché aux emprunteurs « les véritables implications du montage » et d'avoir omis d'expliquer « à qui un tel montage bénéficierait en réalité » ; qu'en l'espèce, le prêt d'un montant de 270 200 euros a été consenti le 8 août 2008 à la société BMC, dont les gérants sont [R] et [X] [G], et les associés [R], [X], [O] et [K] [G], pour l'achat du bien immobilier des époux [R] et [X] [G] au prix de 250 000 euros ; que Mme [X] [G], caution personnelle de l'emprunt souscrit le 15 septembre 2005 par l'EURL [G], et qui ne prétend pas avoir ignoré que le paiement des échéances dudit prêt n'était pas honoré, avait parfaite connaissance, à la date de la vente, des risques d'inscription hypothécaire sur le bien dont elle était alors propriétaire commune en biens avec son époux ; que les demandeurs ne contestent nullement que la majeure partie des fonds versés par la société Lyonnaise de banque au moment de la vente ont été utilisés par les vendeurs pour rembourser l'emprunt professionnel souscrit le 15 septembre 2005 par I'EURL [G], gérée par [O] [G], avec la garantie de la caution personnelle et solidaire de [O] [G] et de sa mère [X] [G] ; qu'en effet, [R] et [X] [G], vendeurs, ne pouvaient ignorer que le prix de vente du bien immobilier leur appartenant précédemment, avait été utilisé à hauteur de 188 000 euros au bénéfice de l'EURL [G], et à hauteur de 44 500 euros au bénéfice de la société Le Bercail, toutes deux gérées par leur fils [O], puisqu'ils ont eux-mêmes disposé de ce prix de vente comme bon leur semblait ; que selon pièces justificatives versées au débat par la société Lyonnaise de banque, ces versements ont été effectués le 13 août 2008 ; que, dès lors, [R], [X] et [O] [G], que ce soit à titre de vendeurs, ou de gérant des sociétés bénéficiaires, ont eu parfaite connaissance, au plus tard le 13 août 2008, de la destination des fonds, et par conséquent de la finalité de l'opération réalisée ; que la société BMC qui a disposé des fonds objets du prêt de la société Lyonnaise de banque pour acquérir un bien immobilier dont elle est effectivement devenue propriétaire, ne précise pas en quoi auraient consisté les manoeuvres dolosives la concernant ; que, de la même manière, [K] [G], associé, qui n'était propriétaire du bien immobilier ni avant la vente, ni après celle-ci, ne caractérise pas l'erreur qu'il aurait commise et qui aurait été provoquée par des manoeuvres dolosives de la banque, et la date à laquelle cette erreur aurait été découverte ; qu'en effet, les demandeurs entendent voir fixer le point de départ de la prescription à la date du commandement aux fins de saisie immobilière alors que celui-ci est la conséquence, non pas de l'octroi du prêt, mais du non-respect des échéances de remboursement, de sorte que la délivrance du commandement à l'encontre de la société BMC ne saurait être constitutive de la découverte d'un quelconque vice du consentement, ni les consorts [G], vendeurs, ni la société BMC n'ayant pu ignorer, dès la date de la conclusion du prêt, que le prêt emportait obligation de rembourser ; qu'en conséquence, à la date du 30 décembre 2014, l'action initiée par les emprunteurs était prescrite ;
ALORS, 1°), QUE la prescription d'une action en nullité pour dol ne court qu'à compter de la découverte de l'erreur induite par les manoeuvres dolosives ou de la date à laquelle elle a été révélée à la victime ; qu'en considérant, pour fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité pour dol au 8 août 2008, date de conclusion du prêt litigieux, qu'à cette date, l'emprunteur et les cautions ne pouvaient ignorer que ce prêt emportait l'obligation de le rembourser, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, par ses manoeuvres, consistant à transférer une dette commerciale sur une SCI familiale, l'établissement de crédit avait induit les intéressés en erreur, non pas sur la nécessité de devoir procéder au remboursement du prêt bancaire, mais sur le risque de voir, en cas de non-remboursement, saisir leur maison d'habitation, ce qu'ils n'ont découvert qu'au jour de la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304, alinéas 1 et 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS, 2°), QUE la prescription d'une action en nullité pour dol ne court qu'à compter de la découverte de l'erreur induite par les manoeuvres dolosives ou de la date à laquelle elle a été révélée à la victime ; qu'en considérant, pour fixer, par motifs adoptés, s'agissant de Mme [X] [G] et MM. [R] et [O] [G], le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité pour dol au plus tard au 13 août 2008, date de versement à l'EURL [G] et à la société Le Bercail des fonds issus du prêt bancaire litigieux, qu'à cette date, ceux-ci avaient connaissance de la destination des fonds et, partant, de la finalité de l'opération réalisée, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, par ses manoeuvres, consistant à transférer une dette commerciale sur une SCI familiale, l'établissement de crédit avait induit les intéressés en erreur, non pas sur la destination des fonds, mais sur le risque de voir, en cas de non-remboursement, saisir leur maison d'habitation, ce qu'ils n'ont découvert qu'au jour de la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304, alinéas 1 et 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil à l'égard de l'emprunteur intentée par la société BMC ;
AUX MOTIFS QUE c'est, en premier lieu, à juste titre, que le tribunal a considéré que le commandement de saisie immobilière, invoqué par ceux-ci comme point de départ du délai de prescription, était la conséquence, non de l'octroi du prêt, mais du non-respect des échéances, de sorte que la délivrance de ce commandement à l'encontre de la société BMC ne saurait être constitutive de la découverte d'un vice quelconque du consentement, ni les consorts [G], vendeurs, ni la société BMC n'ayant pu ignorer, dès la date de conclusion du prêt, que celui-ci emportait l'obligation de le rembourser ; qu'en deuxième lieu, la demande de déchéance du droit du créancier de se prévaloir d'un cautionnement manifestement excessif, dès lors qu'elle est exercée par voie d'action, est soumise aux règles régissant toute action en matière personnelle ou mobilière, à savoir un délai de prescription de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'action résultant de l'article L. 341-4 du code de la consommation devait être exercée dans les cinq ans de leur engagement, soit le 5 août 2008, date à laquelle ils ne pouvaient ignorer la disproportion qu'ils allèguent entre leurs biens et revenus, et l'engagement souscrit ; qu'en dernier lieu, la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'à l'égard de l'emprunteur, le dommage résultant d'un manquement du banquier dispensateur de crédits à son devoir de mise en garde ou à son obligation d'information, qui consiste en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste dès l'octroi des crédits ; que pour les motifs précédemment retenus, la société BMC n'est pas fondée à invoquer la délivrance du commandement de payer ou même la déchéance du prêt comme constituant la date de manifestation du dommage ; qu'en revanche, à l'égard des cautions, le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour défaut d'information exercée par la caution contre le créancier est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal ; que la mise en demeure ayant été délivrée le 23 février 2010 à l'encontre des cautions, il s'ensuit qu'au 30 décembre 2014, date de délivrance de l'assignation, la prescription n'était pas acquise ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a déclaré prescrites les actions en nullité pour dol, en déchéance du droit de se prévaloir des cautionnements souscrits, et en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil à l'égard de l'emprunteur, et infirmé pour le surplus ;
ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en considérant qu'à l'égard de l'emprunteur, le dommage résultant d'un manquement du banquier dispensateur de crédit à son devoir de mise en garde ou à son obligation d'information, qui consiste en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste nécessairement dès l'octroi des crédits, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si Mme [X] [G] et M. [R] [G], gérants de la SCI familiale emprunteuse, avaient pu légitimement ignorer le dommage lors de la souscription du prêt bancaire litigieux, ce d'autant plus qu'elle avait relevé leur caractère profane et émis un doute quant à l'aptitude de M. [R] [G] à comprendre la portée des engagements souscrits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté les demandes des cautions et, en particulier, celle tendant à la déchéance du droit aux intérêts, frais et pénalités ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Lyonnaise de banque justifie de l'envoi à chacune des cautions, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 7 décembre 2009, d'un courrier adressé à la société BMC constatant que diverses échéances (septembre 2009, octobre 2009 et novembre 2009) demeuraient impayées ; qu'il en résulte que la société Lyonnaise de banque a satisfait aux exigences de l'article L. 341-1 du code de la consommation ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Lyonnaise de banque justifie avoir régulièrement délivré aux cautions les informations exigées par la loi, selon lettres recommandées avec accusé de réception du 7 décembre 2009 puis du 24 février 2010 après les premiers incidents de paiement, de sorte que la banque n'est pas déchue de son droit aux intérêts ;
ALORS QUE toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; qu'à défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée ; qu'en jugeant que la banque avait satisfait à son obligation d'information, après avoir pourtant relevé que celle-ci n'avait informé les cautions du premier incident de paiement intervenu en septembre 2009 que par un courrier avec accusé de réception du 7 décembre 2009, soit plus d'un mois après l'exigibilité dudit paiement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. [O] [G], caution avertie, de ses demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE l'établissement bancaire qui consent un crédit garanti par un cautionnement est tenu envers la caution non avertie d'une obligation de mise en garde lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; que M. [O] [G], pour ce qui le concerne, gérant de deux entreprises de boulangerie et ayant au moins déjà souscrit en cette qualité deux emprunts pour lesquels il s'était porté caution, ne peut être considéré comme une caution non avertie ;
ALORS QUE l'établissement de crédit est tenu, à l'égard de la caution non avertie, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; que la qualification de caution avertie ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant d'entreprise ; qu'en qualifiant M. [O] [G] de caution avertie au regard de la seule circonstance qu'il était gérant de deux entreprises de boulangerie et qu'il avait déjà souscrit en cette qualité deux emprunts pour lesquels il s'était porté caution, sans expliquer en quoi il disposait de compétences en matière financière lui permettant de mesurer les enjeux réels et les risques de l'opération projetée, de même que la portée de son engagement de caution, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que la caution était avertie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Lyonnaise de banque.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR condamné la société Lyonnaise de banque à payer à M. [R] [G], à Mme [X] [F], épouse [G] et à M. [K] [G] une indemnité équivalente au montant des sommes dont ils se trouvent redevables à son égard au titre de leur engagement de caution.
AUX MOTIFS QUE « l'établissement bancaire qui consent un crédit garanti par un cautionnement est tenu à l'égard de la caution non avertie d'une obligation de mise en garde lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadéquation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; [?] qu'aucun élément du dossier permet de connaître de connaître l'expérience professionnelle de Mme [X] [F] et celle de son fils [K], le seul fait qu'ils se soient déjà portés caution ne suffisant pas à établir qu'ils avaient la qualité de caution avertie ; que de même l'expérience de M. [G], retraité à la date de souscription de son engagement et son aptitude à comprendre la portée es engagements souscrits sont ignorés de la cour ; qu'en conséquence, Mme [X] [F] ,épouse [G]. M. [K] [G] et M. [R] [G] seront considérés comme cautions non averties ; qu'en ce qui concerne en deuxième lieu, l'existence d'un risque d'endettement né de l'octroi du prêt et l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur, il est constant que la SCI BMC a été créée pour les besoins de l'opération; que son unique actif étant constitué par une maison d'habitation constituant la résidence familiale des époux [G] , aucune ressource financière ne pouvait être attendue de la réalisation de son objet social, de sorte que le remboursement du prêt ne pouvait reposer que sur les contributions de ses associés, les époux [G], dont les revenus ne permettaient pas de couvrir les échéances du prêt, ainsi qu'il est justifié au dossier; qu'ainsi, les époux [G] qui étaient propriétaires de leur résidence principale et ne supportaient aucune charge liées à son financement, se sont, du fait de l'opération mise en place sur les conseils de la Lyonnaise de banque, trouvés dans l'obligation de financer, sans recettes corrélatives, le financement de leur logement , et ce pour une durée de 20 ans ; que l'opération était en conséquence inadaptée aux capacités financières de la SCI emprunteuse et de ses associés ; qu'en ce qui concerne, en dernier lieu les capacités financières des cautions, celles des époux [G] apparaissent notoirement insuffisantes au regard de l'engagement souscrit, ainsi qu'il a été examiné ; qu'il suffit d'ajouter que contrairement à ce que soutient la Lyonnaise de banque, le solde du compte de M. [G] n'était pas créditeur de 307 000 euros au 31 17 décembre 2008, ce montant ne reflétant que le cumul des opérations créditrices pour l'année 2008 parmi lesquelles le versement du prix de la résidence principale cédée à la SCI BMC dont il est constant qu'il a été consacré au remboursement anticipé du crédit en cours de l'EURL [G] et à un apport en compte courant au profit de la SARL Le Bercail ; qu'en ce qui concerne M. [K] [G], il n'était pas imposable en 2008 et ne l'était pas davantage au cours des années suivantes ; que ses revenus annuels s'établissaient en moyenne à 15 000 euros par an soit 1250 euros par mois; que ses avis d'impositions ne portent mention d'aucun revenu foncier ou de capitaux mobiliers, qui révèlerait l'existence d'un patrimoine productif de revenus ; qu'au vu de ce qui précède, il convient de dire que la Lyonnaise de banque, si elle n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de M. [O] [G], caution avertie, était en revanche tenue de mettre en garde les époux [G] et leur fils [K] sur le risque d'endettement résultant des engagements de caution souscrits à hauteur de 340 000 euros ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait à cette obligation et a, dès lors, engagé sa responsabilité à leur égard ; qu'il sera fait droit à leur demande, et la Lyonnaise de banque condamnée à leur verser à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente à celle dont ils pourront se trouver débiteurs envers elle ».
ALORS, D'UNE PART, QU'une faute, à la supposer établie, n'entraîne une sanction que lorsqu‘elle a causé un préjudice né et actuel ; qu'en l'absence de poursuites exercées par une banque aux fins d'exécution de son engagement, une caution ne justifie d'aucun préjudice né et actuel lui permettant d'engager une caution en réparation d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde ; qu'en faisant droit à la demande de dommages-intérêts formée par les cautions non averties pour manquement de la société Lyonnaise de Banque à son devoir de mise en garde quand celle-ci n'avait engagé aucune action en paiement à leur égard, de sorte qu'en l'absence de justification d'un préjudice né et actuel subi par les cautions, leur action était prématurée, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le préjudice né du manquement par une banque à son obligation de mise en garde à l'égard d'une caution s'analyse en une perte de chance de ne pas s'engager, laquelle doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'imputant à la société Lyonnaise de Banque un manquement à son devoir de mise en garde, la cour d'appel ne pouvait condamner celle-ci à verser aux cautions une indemnité équivalente au montant des sommes dont ils se trouvent redevables à son égard au titre de leur engagement de caution ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.