LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 novembre 2021
Rejet
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 761 F-D
Pourvoi n° T 19-22.379
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 NOVEMBRE 2021
La société Orapi hygiène, ayant pour nom commercial Argos - Orapi hygiène, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-22.379 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige l'opposant à la société Chemische Fabrik [V] et Co GmbH, dont le siège est [Adresse 4]), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Orapi hygiène, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Chemische Fabrik [V] et Co GmbH, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 28 mai 2019), le 15 septembre 2010, la société Chemische Fabrik [V] et Co (la société [V]) a conclu avec la société VSF participations, contrôlée par la société Argos hygiène (la société Argos), et déclarant agir au nom et pour le compte de cette dernière et de ses filiales, un contrat de référencement relatif à la distribution des produits lessiviels liquides. Le contrat comportait une obligation imposée au référenceur de « ne pas acheter et commercialiser des produits lessiviels nouveaux similaires, le point de référence étant le catalogue en cours ».
2. Le 16 mai 2012, la société Argos est devenue la société Orapi hygiène (la société Orapi).
3. Le 30 janvier 2013, la société VSF participation a été radiée du registre du commerce et des sociétés après sa fusion absorption par la société Groupe Brachet, société mère de la société Argos.
4. Reprochant à la société Argos le défaut d'exécution du contrat, la société [V] l'a assignée devant le tribunal de commerce d'Angers, à titre principal, pour engager sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil et, à titre subsidiaire, pour faire constater la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les deux sociétés, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
5. La société Argos ayant soulevé l'irrecevabilité des demandes en raison du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal saisi pour statuer sur l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, la société [V], modifiant sa demande, a écarté, devant cette juridiction, toute référence à cet article.
6. Par un jugement du 16 mai 2016, le tribunal a dit les demandes de la société [V] recevables et, par un jugement du 26 avril 2017, a notamment condamné la société Argos au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de marge pour la période du 1er janvier 2013 au 12 novembre 2014 sur certains produits.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
8. La société Orapi fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 16 mai 2016 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de pouvoir juridictionnel soulevée par elle, alors :
« 2°/ que la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie d'une demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce est d'ordre public et en conséquence insusceptible de régularisation ; que le fait de renoncer à fonder ses demandes sur l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, afin d'échapper à la fin de non-recevoir découlant de la saisine d'un tribunal de commerce incompétent pour connaître de l'application de ce texte, constitue en réalité une tentative illicite de régularisation de ladite fin de non-recevoir ; qu'en décidant cependant, en l'espèce, que la société [V] était par ailleurs en droit de renoncer à ces demandes et moyens fondés sur le texte en cause, ce qui équivalait pourtant à une régularisation illicite de la fin de non-recevoir invoquée par la société Orapi, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6, I, 5°, et D. 442-3 du code de commerce, ensemble les articles 125 et 126 du code de procédure civile.
4°/ que la spécialisation du contentieux de l'article L. 442-6 du code de commerce ne peut être subordonnée à l'examen du bien-fondé des demandes ; que la société Orapi faisaient valoir, dans ses conclusions d'appel, que, dans son assignation du 12 février 2015, la société [V] tendait à engager la responsabilité de la société Orapi du fait du déréférencement de ses produits, en invoquant, à titre principal, une violation par sa cocontractante de ses engagements contractuels et, à titre subsidiaire, pour les mêmes raisons une rupture brutale de leurs relations commerciales établies, pour solliciter, en tout état de cause, une seule et même condamnation de la société Orapi à lui payer diverses sommes en réparation du préjudice subi pour perte de marge du 1er janvier 2013 au 23 mars 2015 et que même si la société [V] n'invoquait plus à l'appui de ses demandes l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, celles-ci n'en continuaient pas moins de relever de ce texte, demandant en conséquence à la cour d'appel de "dire et juger en tout état de cause que la demande indemnitaire restante relève en réalité des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce" ; qu'elle saisissait ainsi expressément la cour d'appel de prétentions fondées sur ce texte ; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie, que les demandes indemnitaires de la société [V] ne relevaient pas de l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la cour d'appel qui a ainsi tranché elle-même le litige, cependant qu'elle n'en avait pas le pouvoir, a violé les articles L. 442-6, I, 5°, et D. 442-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
9. D'une part, l'arrêt relève que la procédure devant la juridiction commerciale étant orale, cette dernière n'a été saisie que des seules demandes réitérées oralement devant elle lors de l'audience, quels qu'aient été les demandes et moyens formulés dans l'assignation, auxquels la société [V] était en droit de renoncer. Il en déduit que les premiers juges n'ont pas été saisis d'une demande fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce. En cet état, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la fin de non-recevoir soulevée par la société Argos devant les premiers juges, tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce, n'avait pas d'objet et que la question de la régularisation de cette fin de non-recevoir ne se posait pas.
10. D'autre part, c'est sans méconnaître l'étendue de son pouvoir juridictionnel que la cour d'appel s'est bornée à statuer sur la demande de la société [V] fondée sur la seule violation, par la société Argos , au regard de l'article 1147 du code civil, de son obligation contractuelle d'approvisionnement exclusif auprès d'elle.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Exposé du moyen
12. La société Orapi fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ses dispositions constatant la validité du contrat de référencement du 15 septembre 2010 et le non-respect des termes de ce contrat par la société Orapi, alors :
« 1°/ que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en énonçant en l'espèce, pour retenir que le contrat de référencement du 15 septembre 2010 avait été conclu par la société VSF Participations au nom et pour le compte de la société Argos, que les parties avaient désigné à de nombreuses reprises dans ce contrat la société Argos comme étant la mandante de la société VSF Participations, celle-ci n'étant pas qualifiée de courtier, cependant qu'il lui appartenait de ne pas s'en tenir aux dénominations proposées par les parties et de restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification au-delà des termes contractuels employés, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ que la mission donnée par un groupe de distributeurs à un référenceur en vue de négocier les conditions d'un référencement auprès d'un fournisseur, fût-elle qualifiée de mandat de négocier, ne peut, en tout état de cause, impliquer en elle-même mandat de conclure le contrat de référencement en leur nom et pour leur compte ; que le référenceur n'en demeure pas moins dans une telle hypothèse un courtier qui a pour rôle de rapprocher le fournisseur référencé des distributeurs qui lui ont demandé de négocier en leur nom et pour leur compte des conditions d'achat favorables, et de conclure à cette fin, en son propre nom mais pour le compte de ces derniers, le contrat de référencement, lequel a vocation à organiser les relations tripartites entre l'ensemble des acteurs de l'opération, soit les distributeurs, le référenceur et le fournisseur référencé ; qu'en l'espèce, le fait que les distributeurs concernés par le contrat de référencement, soit la société Argos , ses filiales et agences, aient donné mandat à la société VSF Participations de développer une activité de référencement de manière à se rapprocher du "fournisseur référencé afin de sélectionner les produits et/ou matériels adaptés aux besoins de son mandat et d'en négocier l'ensemble des conditions d'achat" n'impliquait nullement mandat donné à la société VSF Participations de conclure le contrat de référencement en leur nom et pour leur compte, l'opération de référencement relevant du régime du courtage ; que la cour d'appel a elle-même constaté à cet égard que la société VSF Participations était la seule signataire de la convention, sans qu'il ait été à aucun moment indiqué qu'elle l'eut conclue au nom et pour le compte des distributeurs en faveur desquels elle développait l'activité de référencement litigieuse ; qu'en retenant cependant que "la société [V] rapporte la preuve suffisante que la société VSF Participations a conclu le contrat de référencement, en exécution du mandat spécial que lui avait donné la société Argos pour assurer en son nom l'activité de référencement du groupe et donc pour négocier en son nom les conditions de vente et de référencement des produits fournis par la société [V]", la cour d'appel a méconnu la nature des relations des parties et violé, par fausse application, les articles 1984, 1988 et 1989 du code civil ;
3°/ que le contrat de référencement, conclu entre un référenceur et un fournisseur référencé peut constituer le contrat-cadre dans lequel s'inscriront les contrats de vente qui seront directement conclus entre les distributeurs et le fournisseur référencé sans que cela induise pour autant que le référenceur ait conclu le contrat de référencement au nom et pour le compte des distributeurs lui ayant donné pour mission de négocier des conditions d'achat favorables en leur nom et pour leur compte ; qu'en retenant cependant, pour décider que la société VSF Participations avait conclu le contrat de référencement du 15 septembre 2010 en qualité de mandataire de la société Argos, qu' "en son article 7, le contrat stipule qu'il est considéré comme "un contrat cadre à l'intérieur duquel viendront s'insérer des contrats d'application sous la forme de simples bons de commandes définissant les références, les quantités et les tarifs des produits et/ou matériels référencés désignés en annexe 2, "l'article 13 précisant que les factures seront payées par la société mère du référenceur, soit la société Argos" et qu' "il se déduit de cette dernière clause que le contrat de référencement définit le contour des obligations contractuelles de la société Argos et de ses filiales à l'égard de la société [V], les contrats successifs d'achatvente en précisant uniquement les modalités d'exécution", la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a derechef violé les articles 1984, 1988 et 1989 du code civil ;
4°/ que le contrat de référencement du 15 septembre 2010 distinguait très clairement les obligations de la société VSF Participations, le référenceur, de celles de la société Argos, de ses filiales et de ses agences, les distributeurs ; que le contrat ne prévoyait ainsi à la charge de ces dernières aucune obligation d'approvisionnement exclusif (articles 1 §1 et 11.2 § 1), tandis qu'il stipulait que le référenceur était quant à lui tenu de ne pas acheter et commercialiser de produits lessiviels liquides nouveaux par rapport à ceux du catalogue ayant servi de base au référencement (article 1 § 6) ; que cette distinction, mise en exergue par la société Orapi dans ses conclusions d'appel démontrait que la société VSF Participations ne pouvait avoir conclu le contrat de référencement en qualité de mandataire de la société Argos, celle-ci ne pouvant être tenue de deux obligations contractuelles antagonistes s'agissant de l'approvisionnement auprès de la société [V] ; qu'en décidant du contraire, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société Orapi, la cour d'appel a violé l'article 455, du code de procédure civile.
5°/ que par courrier du 28 juin 2012, la société Argos a informé la société [V], d'une part, de son rachat par le groupe Orapi et de la dissolution sans liquidation de la société VSF Participations décidée à cette occasion par les cédants, et d'autre part, de sa volonté de ne plus être liée à elle, en tant que distributeur, au titre du contrat de référencement conclu par la société VSF Participations ; que c'est dans ce contexte et au regard des relations contractuelles d'achat/vente mises en place avec la société [V] en exécution du contrat de référencement que la société Argos a dénoncé ses engagements au titre de ce dernier, sans que cela implique pour autant qu'elle ait reconnu l'avoir elle-même conclu ; qu'en retenant, pour décider que la société VSF Participations avait conclu le contrat de référencement du 15 septembre 2010 en qualité de mandataire de la société Argos , que "la lettre de résiliation du contrat de référencement (?) a été envoyée par la SAS Argos et non par la société VSF Participations, alors qu'à l'époque, celle-ci n'avait toujours pas été dissoute" et que "pour agir ainsi, la SAS Argos s'est à l'évidence considérée comme partie au contrat de référencement, faisant alors abstraction du fait qu'il avait été pourtant signé par la société VSF Participations", la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a derechef violé les articles 1984, 1988 et 1989 du code civil. »
Réponse de la Cour
13. Après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 1984 du code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom et relevé, d'un côté, que la société Orapi ne produisait pas le contrat qui la liait à la société VSF participations pour en vérifier la nature et l'objet et, de l'autre, qu'elle n'avait pas personnellement signé le contrat de référencement, l'arrêt retient qu'il résulte des termes de ce contrat que la société VSF participation y déclare développer une activité de référencement au nom et pour le compte de la société Argos et que ses clauses font référence à plusieurs reprises à la qualité de mandante de cette dernière. Il retient encore que la lettre de résiliation de ce contrat a été envoyée par la société Argos, et non par la société VSF participations, qui existait toujours à cette époque. Il ajoute que la société Orapi ne rapporte pas la preuve de ce que le contrat pourrait, comme elle le prétend, être qualifié de contrat de courtage. L'arrêt en déduit que, par son comportement, la société Orapi a montré qu'elle s'est considérée comme partie au contrat, fût-il signé par la seule société VSF participations.
14. De ces énonciations, constatations et appréciations, abstraction faite du motif surabondant visé par la troisième branche, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur les seuls termes du contrat et qui a répondu, en l'écartant, au moyen prétendument délaissé, visé par la quatrième branche, a pu déduire que la société VSF participations avait conclu le contrat de référencement du 15 septembre 2010 en qualité de mandataire, au nom et pour le compte de la société Orapi et de ses filiales.
15. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le troisième moyen
Exposé du moyen
16. La société Orapi fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'une des branches du deuxième moyen de cassation en ce que l'arrêt a retenu à tort que la société VSF Participations avait conclu le contrat de référencement du 15 septembre 2010 en qualité de mandataire de la société Argos entrainera par voie de conséquence celle de l'arrêt en ce qu'il a écarté la caducité de ce contrat pour dissolution sans liquidation de la société VSF Participations compte tenu de la qualité de mandante de cette dernière de la société Argos. »
Réponse de la Cour
17. Le rejet du deuxième moyen rend le troisième moyen sans portée.
Et sur le quatrième moyen
18. La société Orapi fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ses dispositions constatant la validité du contrat de référencement du 15 septembre 2010 et le non-respect des termes de ce contrat par la société Orapi et d'ordonner une expertise en donnant, notamment, mission à l'expert judiciaire d'évaluer le chiffre d'affaires dont a été privée la société [V] en tenant compte du volume d'achat par la société Orapi et ses filiales auprès d'autres fournisseurs, alors « que si le contrat de référencement imposait au référenceur de "ne pas acheter et commercialiser des produits lessiviels liquides nouveaux. Le point de référence est le catalogue actuel", il stipulait également que le fournisseur ne pouvait prétendre à l'égard des distributeurs "à une quelconque exclusivité pour la fourniture des produits et/ou matériels" désignés par le contrat ; que si la cour d'appel a jugé – de façon contestable – que la société Argos était tenue, en raison de la prétendue conclusion en son nom et pour son compte du contrat de référencement par la société VSF Participations, par l'obligation posée à l'article 1 § 6, il n'a pu en être de même à l'égard de ses filiales, qui n'ont pas été attraites en la cause et dont il n'a pas été retenu que la société Orapi aurait été le mandataire ou pourrait voir sa responsabilité engagée par les agissements ; qu'en énonçant cependant en l'espèce que "si la SAS Argos avait respecté l'interdiction d'acheter et de commercialiser des produits similaires à ceux de la société [V], ses filiales et elle n'auraient pas eu d'autres choix que de continuer à acheter les produits de la société [V] et de les proposer à leurs propres clients", cependant que la société Orapi ne pouvait être tenue pour responsable du préjudice pouvant résulter pour la société [V] du fait des volumes d'achat effectués auprès d'autres fournisseurs par ses filiales, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Sur la recevabilité du moyen contestée par la défense
19. Le moyen, qui n'est dirigé que contre la partie du dispositif de l'arrêt qui détermine l'étendue de la mission de l'expert désigné avant dire droit, est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Orapi hygiène aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Orapi hygiène et la condamne à payer à la société Chemische Fabrik [V] et Co la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Orapi hygiène.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement avant dire droit du tribunal de commerce d'Angers du 16 mars 2016 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de pouvoir juridictionnel soulevée par la société Orapi Hygiène ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce. Rappelant que le tribunal de commerce d'Angers n'avait aucun pouvoir juridictionnel pour connaître de la demande fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce formulée à titre subsidiaire par la société [V] dans son acte d'assignation, motif pris qu'une telle demande relève des juridictions commerciales spécialisées désignées à l'article D 442-3 du même code, la SAS Argos Hygiène soulève l'irrecevabilité de l'ensemble des prétentions de la partie adverse compte tenu de leur lien de connexité. Elle fait ainsi grief au jugement d'avoir écarté cette fin de non recevoir après avoir retenu que la société [V] avait renoncé à sa demande dans ses dernières écritures de première instance ainsi qu'à l'audience pour n'agir que sur le fondement de l'ancien article 1147 du code civil. La SAS Argos Hygiène estime que ce changement de fondement juridique est inopérant, arguant du fait que cette fin de non recevoir d'ordre public est selon elle insusceptible de régularisation et que le demandeur ne peut y renoncer. L'appelante fait également valoir qu'en tout état de cause, les demandes de la société [V] ne relèvent pas du pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce dans la mesure où elles seraient intrinsèquement fondées sur le caractère brutal du déréférencement des produits et se rattacheraient donc nécessairement à l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce. La fin de non recevoir ainsi soulevée ne pourra cependant qu'être écartée. En effet, comme l'ont rappelé les premiers juges, la procédure devant la juridiction commerciale est orale. Il en résulte que la juridiction n'a été saisie que des seules demandes réitérées oralement devant elle lors de l'audience, et ce quels qu'aient été les demandes et moyens formulés dans l'assignation, auxquels la société [V] était par ailleurs en droit de renoncer, cette dernière soutenant à raison qu'elle était en droit de développer des moyens de droit nouveaux, au soutien de ses demandes indemnitaires sur le fondement des dispositions du code civil relatives au droit commun des contrats. Il sera également relevé que la cour n'a pas non plus été saisie par l'intimée de prétentions fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce aux termes de ses dernières écritures qui visent expressément dans leur dispositif les articles 1134 et suivants, 1147 et suivants et article 1184 du Code civil. Dès lors, la question relative à la régularisation de la fin de non recevoir d'ordre public tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce ne se pose pas, ni les premiers juges, ni la cour n'ayant été saisis d'une demande fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce. Enfin, la SAS Argos Hygiène ne peut soutenir que les principales demandes indemnitaires de la société [V] visant à l'indemnisation de sa perte de marge brute se rattachaient nécessairement à la disposition susvisée en ce qu'elles seraient intrinsèquement fondées sur le caractère brutal du déréférencement de produits. En effet, il résulte des dernières écritures de la société [V] qui seules saisissent la cour des prétentions sur lesquelles elle doit statuer que l'intimée demande réparation des préjudices résultant de la violation par la SAS Argos Hygiène de son obligation contractuelle d'approvisionnement exclusif de produits lessiviels liquides auprès d'elle. Sans préjuger du bienfondé de ces demandes indemnitaires, il s'en déduit que l'intimée n'invoque pas le caractère brutal de la rupture contractuelle mais l'inexécution par l'appelante au cours du contrat d'une de ses obligations contractuelles, prétention qui relève du droit commun de la responsabilité contractuelle. Par ailleurs, à supposer que la société [V] sollicite à travers ses demandes indemnitaires réparation du préjudice qui résulterait pour elle de la rupture du contrat de référencement, le droit commun de la rupture contractuelle, fondé sur les anciens articles 1134 et 1186 du code civil permet de réparer le caractère brutal d'une telle rupture sans qu'il y ait nécessairement lieu de faire application de l'article L 442-6 du code de commerce dont l'application n'est pas invoquée par l'intimée au soutien de ses demandes. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement du 16 mars 2016 en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir pour défaut de pouvoir juridictionnel soulevée par la SAS Argos Hygiène » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la recevabilité de l'action menée par la société [V] Gmbh. La société [V], de droit allemand, et la société VSF Participations, au nom et pour le compte de la société Argos, ont signé un contrat d'approvisionnement exclusif, en date du 15 septembre 2010 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010 (article 3 du contrat). Suite au rachat de la société Argos par le groupe Orapi en date du 16 mai 2012, et à la fin de la vie de la société VSF Participations, la société Argos a adressé une lettre de résiliation du contrat à la société [V], datée du 28 juin 2012, mais postée le 4 juillet 2012. Le contrat prévoyait un préavis de 6 mois en son article 3. Dès la fin de l'année 2012, la société Argos a cessé de commander auprès de la société [V] certains produits lessiviels, objet du contrat. Après plusieurs courriers de réclamation et de mise en demeure de ne plus diffuser les produits concurrents, ce que la société Argos a refusé par courrier du 1er juillet 2014, la société [V] a entamé des procédures de défense de ses intérêts, pour en arriver à l'assignation du 12 février 2015, objet du présent jugement. L'assignation était ainsi rédigée : « Constater, à titre principal, la violation par la société Argos Hygiène du contrat de référencement du 15 septembre 2010 et sa responsabilité sur le fondement des articles 1147 et suivants du Code civil ; Constater, à titre subsidiaire, la rupture brutale par la société Argos Hygiène d'une partie de ses relations commerciales établies avec la société Chemische Fabrik [V] et Co, Gmbh et sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce? ». C'est sur cette base et plus particulièrement sur l'article D 442-3 du Code de commerce, qui réserve ces litiges à certains tribunaux spécialisés, que la société Argos a soulevé une fin de non recevoir de cette action. Ces tribunaux spécialisés font l'objet d'une liste annexée à cet article et le tribunal de commerce d'Angers n'en fait pas partie. Suite à cet incident (exception) d'irrecevabilité, la société [V] a modifié ses moyens, mais pas ses prétentions, en supprimant toute référence à l'article L. 442-6 du Code de commerce et en les concentrant sur les articles 1147 et suivants du Code civil, comme on peut s'en apercevoir à l'exposé des prétentions et moyens des parties ci-dessus. La société Argos a néanmoins maintenu sa demande d'irrecevabilité, au motif que les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce sont d'ordre public et qu'en application de l'article 126 du CPC (texte énoncé ci-dessus), cette régularisation n'était pas possible. En première analyse, le tribunal constate que la société [V] avait présenté son assignation avec deux étages, le premier à titre principal était fondé sur les obligations contractuelles de la société Argos, le deuxième à titre subsidiaire sur l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Si les choses étaient restées en l'état, le tribunal aurait quand même pu trancher ce litige, en restant sur le domaine contractuel. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans son arrêt du 7 octobre 2014 fourni par la société [V] qui contrairement à ce que plaide la société Argos, a clairement exposé que cette Cour d'appel non spécialisée avait tout à fait la possibilité de statuer sur l'application de l'article 1134 du Code civil alors qu'elle a déclaré irrecevables les demandes relevant de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Situation très comparable au cas d'espèce ! Mais la société [V] a choisi une autre voie en n'invoquant que les articles du Code civil sur les obligations contractuelles, ce que lui conteste la défenderesse. En seconde analyse, la société Argos lui conteste le droit de modifier ses moyens, alors que ceci est parfaitement conforme aux textes législatifs. L'article 4 du CPC (énoncé ci-dessus) le permet, à condition que les demandes incidentes se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui est le cas en l'espèce, puisque la société [V] ne modifie même pas ses prétentions, mais ses moyens soulevés à titre subsidiaire. L'article 126 du CPC prévoit que la fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Or, la régularisation a été faite par [V] contradictoirement avant même l'audience, la condition est donc bien remplie. En outre, le texte ne fait nullement référence à l'ordre public soulevé par la défenderesse et les arrêts de Cour d'appel fournis aux débats ne correspondent pas au cas présent. L'arrêt de la Cour de cassation du 13/07/2005 va exactement dans ce sens, puisqu'en vertu de l'article 126 du CPC, elle reconnait la régularisation de la procédure. C'est à tort que la société [V] soutient que l'article 753 du CPC l'autorise à modifier ses moyens, car cet article concerne la procédure devant le tribunal de grande instance. Mais un tel article devant notre juridiction serait superfétatoire, puisque la procédure est orale et, à condition de respecter le principe du contradictoire, une telle modification est permise. Enfin, la société Argos a raison de souligner que l'article 75 du CPC n'a pas lieu de s'appliquer, puisqu'elle soulève une fin de non-recevoir et non une incompétence de notre tribunal. Mais cette erreur n'a aucune incidence sur la solution du différend. Sur l'origine et la nature exacte de la procédure au fond. La société Argos cite l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 10/06/2014 qui a attiré l'attention du tribunal et qui mérite une ultime analyse. Dans cette décision, la Cour a relevé, que les véritables motifs invoqués par le demandeur s'apparentaient directement à des problèmes de respect de la concurrence, plutôt qu'à des manquements aux obligations contractuelles, ce qui a conduit la Cour d'appel à déclarer la demande irrecevable. Dans le litige des sociétés [V] et Argos, et sans aborder le fond, le tribunal constate que les reproches qui sont adressés à Argos concernent l'approvisionnement de ses produits et le non respect de l'exclusivité, ce qui est purement contractuel. Par ailleurs, les indemnités qui sont réclamées sont la conséquence logique des manquements contractuels. La jurisprudence citée n'a donc pas un lien suffisant pour être retenue. Aucun des moyens de la société Argos ne permet de déclarer les demandes de la société [V] irrecevables. En conséquence, le tribunal déboute la société Argos de cette demande de fin de non recevoir et se déclare compétent pour la suite de la procédure » ;
1°/ ALORS QU'il résultait, tant des conclusions d'appel de la société [V], qui faisaient valoir que celle-ci pouvait valablement renoncer devant la juridiction commerciale au moyen présenté à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, que du jugement du tribunal de commerce du 16 mars 2016, ayant décidé que la société [V] pouvait modifier les moyens présentés devant lui, qu'il était acquis au débat que le juge consulaire de première instance avait bien été saisi du moyen fondé sur ledit texte, nonobstant le caractère oral de la procédure ; qu'en relevant d'office que compte tenu du caractère oral de la procédure devant la juridiction commerciale, celle-ci n'avait été saisie que des demandes réitérées oralement devant elle lors de l'audience, à l'exclusion de celle, subsidiaire, fondée sur l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, et ce quels qu'aient été les demandes et moyens formulés initialement dans l'assignation, la Cour d'appel, qui n'a pas provoqué les observations préalables des parties sur ce point, a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie d'une demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce est d'ordre public et en conséquence insusceptible de régularisation ; que le fait de renoncer à fonder ses demandes sur l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, afin d'échapper à la fin de non-recevoir découlant de la saisine d'un tribunal de commerce incompétent pour connaitre de l'application de ce texte, constitue en réalité une tentative illicite de régularisation de ladite fin de non-recevoir ; qu'en décidant cependant en l'espèce que la société [V] était par ailleurs en droit de renoncer à ces demandes et moyens fondés sur le texte en cause, ce qui équivalait pourtant à une régularisation illicite de la fin de non-recevoir invoquée par la société Orapi Hygiène, la Cour d'appel a violé les articles L. 442-6, I, 5°, et D. 442-3 du Code de commerce, ensemble les articles 125 et 126 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE, en tout état de cause, la société Orapi Hygiène avait saisi le tribunal de commerce de prétentions fondées sur l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, puisqu'elle soutenait que les véritables motifs invoqués par la société [V] relevaient de l'application de ce texte ; que les conclusions d'appel de la société Orapi Hygiène saisissaient également la Cour d'appel des mêmes prétentions puisqu'elles lui demandaient de « dire et juger en tout état de cause que la demande indemnitaire restante relève en réalité des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce » (conclusions, p. 44, dernier §) ; qu'en retenant cependant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel soulevée par la société exposante, que ni les premiers juges, ni la Cour n'avaient été saisis d'une demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, la spécialisation du contentieux de l'article L. 442-6 du Code de commerce ne peut être subordonnée à l'examen du bien-fondé des demandes ; que la société Orapi Hygiène faisaient valoir dans ses conclusions d'appel que, dans son assignation du 12 février 2015, la société [V] tendait à engager la responsabilité de la société exposante du fait du déréférencement de ses produits, en invoquant à titre principal une violation par sa cocontractante de ses engagements contractuels et à titre subsidiaire pour les mêmes raisons une rupture brutale de leurs relations commerciales établies, pour solliciter en tout état de cause une seule et même condamnation de la société Argos Hygiène à lui payer diverses sommes en réparation du préjudice subi pour perte de marge du 1er janvier 2013 au 23 mars 2015 et que même si la société [V] n'invoquait plus à l'appui de ses demandes l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, celles-ci n'en continuaient pas moins de relever de ce texte, demandant en conséquence à la cour d'appel de « dire et juger en tout état de cause que la demande indemnitaire restante relève en réalité des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce » (conclusions, p. 44, dernier §) ; qu'elle saisissait ainsi expressément la cour d'appel de prétentions fondées sur ce texte ; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie, que les demandes indemnitaires de la société [V] ne relevaient pas de l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la cour d'appel qui a ainsi tranché elle-même le litige, cependant qu'elle n'en avait pas le pouvoir, a violé les articles L. 442-6, I, 5°, et D. 442-3 du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 26 avril 2017 en ses dispositions constatant la validité du contrat de référencement du 15 septembre 2010 et le non-respect des termes de ce contrat par la société Orapi Hygiène ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société [V] à l'égard de la SAS Argos Hygiène : La SAS Argos Hygiène prétend que l'action de la société [V] à son encontre est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir dans la mesure où le contrat de référencement dont l'intimée se prévaut ne lui serait pas opposable aux motifs que : - la SAS Argos Hygiène n'est pas la signataire du contrat qu'elle qualifie d'ailleurs de contrat de courtage, - ledit contrat est devenu caduc, - il a été régulièrement dénoncé de sorte qu'il n'a pas pu se reconduire. L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai prefix, la chose jugée. L'article 32 du même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action, l'existence du droit invoqué par le demandeur, en l'espèce la société [V], n'étant pas une condition de recevabilité de son action. Il est acquis aux débats que le contrat litigieux, intitulé « contrat de référencement », a été signé le 15 septembre 2010 par la société [V], en qualité de « fournisseur référencé » et la société VSF Participations en qualité de « référenceur ». Il est donc exact que la SAS Argos Hygiène n'en est pas la signataire. Pour justifier toutefois de son intérêt à rechercher la responsabilité contractuelle de la SAS Argos Hygiène, la société [V] soutient que l'appelante était engagée par le contrat de référencement en sa qualité de mandant de la société VSF Participations, mandat dont l'appelante conteste l'existence, faisant pour sa part valoir que le contrat litigieux s'apparentait à un contrat de courtage conclu en son nom propre par la société VSF Participations en tant que référenceur pour favoriser le rapprochement entre le fournisseur et les distributeurs appartenant au groupe Argos. L'article 1984 du code civil dispose que le mandat ou la procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant en son nom. L'article 1987 du même code précise qu'il est ou spécial pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général pour toutes les affaires du mandant. L'article 1998 dudit code dispose que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il résulte des termes du contrat que la société VSF Participations y déclare en liminaire qu'elle développe une activité de référencement au nom et pour le compte de la société Argos Hygiène ainsi que pour les filiales et/ou établissements secondaires (agences) de cette dernière et toute autre filiale ou établissements secondaires susceptibles d'être créés, ci-après listées (cf annexe 1), dans le cadre d'un mandat exprès à cet effet établi. Dans ce cadre, la société VSF Participations : le référenceur s'est rapproché du « fournisseur référencé » afin de sélectionner les produits et/ou matériels adaptés aux besoins de son mandat et d'en négocier l'ensemble des conditions d'achat. Le fournisseur référencé bénéficie ainsi d'un important potentiel de marché représenté par les clients de la société Argos Hygiène (son mandant). Le présent contrat de référencement a donc pour but de déterminer l'ensemble des relations de partenariat entre le fournisseur référencé et la VSF Participations : le référenceur. Il sera en outre observé qu'il est fait référence à de nombreuses reprises dans les clauses du contrat à la qualité de mandant de la société Argos Hygiène vis-à-vis de la société VSF Participations qui n'est en revanche nulle part qualifiée de courtier : - article 4 relatif aux engagements du référenceur, notamment celle de fournir à la société [V] la liste des filiales et établissements de son mandant, et d'informer ces dernières de l'identité et coordonnées de la société [V] ainsi que de l'intégralité des offres référencées et conditions commerciales négociées, - article 5 sur les engagements du fournisseur de respecter avec les filiales du mandant, les conditions négociées avec la société VSF Participations, - article 7 sur les modalités de formation des contrats de commande, notamment l'engagement de la société [V] de confirmer aux filiales du mandant l'ensemble des modalités de chacune des commandes reçues, - article 8 sur la livraison et notamment l'engagement de la société [V] de livrer les produits aux filiales du mandant du référenceur, - article 18 sur le règlement des différends aux termes duquel il est prévu de soumettre les litiges à la compétence exclusive du tribunal de commerce d'Angers dans le ressort duquel est situé le siège de la société mère du mandant du référenceur : la société Argos. En outre, en son article 7, le contrat stipule qu'il est considéré comme « un contrat cadre à l'intérieur duquel viendront s'insérer des contrats d'application sous la forme de simples bons de commandes définissant les références, les quantités et les tarifs des produits et/ou matériels référencés désignés en annexe 2 », l'article 13 précisant que les factures seront payées par la société mère du référenceur, soit la société Argos Hygiène. Il se déduite de cette dernière clause que le contrat de référencement définit le contour des obligations contractuelles de la société Argos et de ses filiales à l'égard de la société [V], les contrats successifs d'achat-vente en précisant uniquement les modalités d'exécution. Par ces différents éléments, la société [V] rapporte la preuve suffisante que la société VSF Participations a conclu le contrat de référencement, en exécution du mandat spécial que lui avait donné la société Argos Hygiène pour assurer en son nom l'activité de référencement du groupe et donc pour négocier en son nom les conditions de vente et de référencement des produits fournis par la société [V]. Celle-ci fait en outre à juste titre observer que la lettre de résiliation du contrat de référencement lui a été envoyée par la SAS Argos Hygiène et non par la société VSF Participations, alors qu'à l'époque, celle-ci n'avait toujours pas été dissoute. Pour agir ainsi, la SAS Argos Hygiène s'est à l'évidence considérée comme partie au contrat de référencement, faisant alors abstraction du fait qu'il avait été pourtant signé par la société VSF Participations. L'appelante échoue pour sa part à rapporter la preuve qui tendrait au contraire à démontrer qu'il ne s'agissait que d'un contrat de courtage destiné simplement à rapprocher le fournisseur des distributeurs, étant observé que la SAS Argos Hygiène ne verse pas aux débats le contrat qui la liait à la société VSF Participations pour en vérifier la nature et l'objet. Du fait de l'existence suffisamment établie du mandat entre la SAS Argos Hygiène et la société VSF Participations, et même si l'appelante n'a pas personnellement signé le contrat litigieux, la société [V] justifie donc bien d'un intérêt à agir à son encontre, sachant par ailleurs que les éventuelles caducité ou résiliation du contrat litigieux ne peuvent constituer des moyens tendant à l'irrecevabilité de l'action de la société [V] pour défaut d'intérêt à agir » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la SAS VSF Participations a signé avec la société Chemische Fabrik [V] et CO Gmbh, le 15 septembre 2010, un contrat de référencement ; le contrat précise : « la société VSF Participations développe une activité de référencement au nom et pour le compte de la société Argos Hygiène ainsi que pour les filiales et/ou établissements secondaires susceptibles d'être créés? Dans ce cadre, la société VSF Participations s'est rapprochée de [V] afin de sélectionner les produits adaptés aux besoins de son mandant et d'en négocier l'ensemble des conditions d'achat » ; la société Argos, en vertu de l'article 1984 du code civil, est donc entièrement tenue par les obligations mises à la charge du référenceur sur le contrat ; l'article 2 du contrat : « désignation des produits et/ou matériels référencés », précise très clairement les responsabilités de la société Argos : « la société Argos offre et vend les produits cités exclusivement à ses clients finaux. Une revente à d'autres distributeurs est exclue. La vente des produits aux distributeurs [V] déjà existants dans le réseau de distribution est explicitement interdite. Argos achètera les produits à son propre compte en tant que commerçant en nom propre et les vendra sous sa propre responsabilité à ses clients? » ; le courrier de résiliation daté du 28 juin 2012, envoyé par Argos Hygiène le 4 juillet 2012, rappelle d'ailleurs ce lien entre les deux parties : « nous résilions donc par la présente le contrat de référencement signé le 15 septembre 2010 nous liant pour la gamme de produits lessiviels ». En conséquence, le tribunal considère que la société Argos Hygiène est partie engagée au contrat dans le cadre d'un mandat » ;
1°/ ALORS QUE le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en énonçant en l'espèce, pour retenir que le contrat de référencement du 15 septembre 2010 avait été conclu par la société VSF Participations au nom et pour le compte de la société Argos Hygiène, que les parties avaient désigné à de nombreuses reprises dans ce contrat la société Argos Hygiène comme étant la mandante de la société VSF Participations, celle-ci n'étant pas qualifiée de courtier, cependant qu'il lui appartenait de ne pas s'en tenir aux dénominations proposées par les parties et de restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification au-delà des termes contractuels employés, la Cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la mission donnée par un groupe de distributeurs à un référenceur en vue de négocier les conditions d'un référencement auprès d'un fournisseur, fût-elle qualifiée de mandat de négocier, ne peut en tout état de cause impliquer en elle-même mandat de conclure le contrat de référencement en leur nom et pour leur compte ; que le référenceur n'en demeure pas moins dans une telle hypothèse un courtier qui a pour rôle de rapprocher le fournisseur référencé des distributeurs qui lui ont demandé de négocier en leur nom et pour leur compte des conditions d'achat favorables, et de conclure à cette fin, en son propre nom mais pour le compte de ces derniers, le contrat de référencement, lequel a vocation à organiser les relations tripartites entre l'ensemble des acteurs de l'opération, soit les distributeurs, le référenceur et le fournisseur référencé ; qu'en l'espèce, le fait que les distributeurs concernés par le contrat de référencement, soit la société Argos Hygiène, ses filiales et agences, aient donné mandat à la société VSF Participations de développer une activité de référencement de manière à se rapprocher du « fournisseur référencé afin de sélectionner les produits et/ou matériels adaptés aux besoins de son mandat et d'en négocier l'ensemble des conditions d'achat » n'impliquait nullement mandat donné à la société VSF Participations de conclure le contrat de référencement en leur nom et pour leur compte, l'opération de référencement relevant du régime du courtage ; que la Cour d'appel a elle-même constaté à cet égard que la société VSF Participations était la seule signataire de la convention, sans qu'il ait été à aucun moment indiqué qu'elle l'eut conclue au nom et pour le compte des distributeurs en faveur desquels elle développait l'activité de référencement litigieuse ; qu'en retenant cependant que « la société [V] rapporte la preuve suffisante que la société VSF Participations a conclu le contrat de référencement, en exécution du mandat spécial que lui avait donné la société Argos Hygiène pour assurer en son nom l'activité de référencement du groupe et donc pour négocier en son nom les conditions de vente et de référencement des produits fournis par la société [V] », la Cour d'appel a méconnu la nature des relations des parties et violé, par fausse application, les articles 1984, 1988 et 1989 du Code civil ;
3°/ ALORS QUE le contrat de référencement, conclu entre un référenceur et un fournisseur référencé peut constituer le contrat-cadre dans lequel s'inscriront les contrats de vente qui seront directement conclus entre les distributeurs et le fournisseur référencé sans que cela induise pour autant que le référenceur ait conclu le contrat de référencement au nom et pour le compte des distributeurs lui ayant donné pour mission de négocier des conditions d'achat favorables en leur nom et pour leur compte ; qu'en retenant cependant, pour décider que la société VSF Participations avait conclu le contrat de référencement du 15 septembre 2010 en qualité de mandataire de la société Argos Hygiène, qu'« en son article 7, le contrat stipule qu'il est considéré comme « un contrat cadre à l'intérieur duquel viendront s'insérer des contrats d'application sous la forme de simples bons de commandes définissant les références, les quantités et les tarifs des produits et/ou matériels référencés désignés en annexe 2 », l'article 13 précisant que les factures seront payées par la société mère du référenceur, soit la société Argos Hygiène » et qu'« il se déduit de cette dernière clause que le contrat de référencement définit le contour des obligations contractuelles de la société Argos et de ses filiales à l'égard de la société [V], les contrats successifs d'achat-vente en précisant uniquement les modalités d'exécution », la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a derechef violé les articles 1984, 1988 et 1989 du Code civil ;
4°/ ALORS QUE le contrat de référencement du 15 septembre 2010 distinguait très clairement les obligations de la société VSF Participations, le référenceur, de celles de la société Argos Hygiène, de ses filiales et de ses agences, les distributeurs ; que le contrat ne prévoyait ainsi à la charge de ces dernières aucune obligation d'approvisionnement exclusif (articles 1 §1 et 11.2 § 1), tandis qu'il stipulait que le référenceur était quant à lui tenu de ne pas acheter et commercialiser de produits lessiviels liquides nouveaux par rapport à ceux du catalogue ayant servi de base au référencement (article 1 § 6) ; que cette distinction, mise en exergue par la société Orapi Hygiène dans ses conclusions d'appel (p. 20) démontrait que la société VSF Participations ne pouvait avoir conclu le contrat de référencement en qualité de mandataire de la société Arhos Hygiène, celle-ci ne pouvant être tenue de deux obligations contractuelles antagonistes s'agissant de l'approvisionnement auprès de la société [V] ; qu'en décidant du contraire, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455, du Code de procédure civile.
5°/ ALORS QUE par courrier du 28 juin 2012, la société Argos Hygiène a informé la société [V], d'une part, de son rachat par le groupe Orapi et de la dissolution sans liquidation de la société VSF Participations décidée à cette occasion par les cédants, et d'autre part, de sa volonté de ne plus être liée à elle, en tant que distributeur, au titre du contrat de référencement conclu par la société VSF Participations ; que c'est dans ce contexte et au regard des relations contractuelles d'achat/vente mises en place avec la société [V] en exécution du contrat de référencement que la société Argos Hygiène a dénoncé ses engagements au titre de ce dernier, sans que cela implique pour autant qu'elle ait reconnu l'avoir elle-même conclu ; qu'en retenant, pour décider que la société VSF Participations avait conclu le contrat de référencement du 15 septembre 2010 en qualité de mandataire de la société Argos Hygiène, que « la lettre de résiliation du contrat de référencement (?) a été envoyée par la SAS Argos Hygiène et non par la société VSF Participations, alors qu'à l'époque, celle-ci n'avait toujours pas été dissoute » et que « pour agir ainsi, la SAS Argos Hygiène s'est à l'évidence considérée comme partie au contrat de référencement, faisant alors abstraction du fait qu'il avait été pourtant signé par la société VSF Participations », la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a derechef violé les articles 1984, 1988 et 1989 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 26 avril 2017 en ses dispositions constatant la validité du contrat de référencement du 15 septembre 2010 et le non-respect des termes de ce contrat par la société Orapi Hygiène ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la SAS Argos Hygiène prétend également que le contrat est devenu caduc à la suite de la disparition de la société VSF Participations qui a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation après le rachat par la société Orapi de la société Argos Hygiène, rappelant que la dissolution d'une société a pour effet de lui faire perdre sa personnalité morale et d'entrainer la caducité des contrats auxquels elle est partie. Ce moyen ne pourra toutefois prospérer dans la mesure où il a été retenu aux termes des précédents développements que la société VSF Participations a conclu le contrat litigieux en qualité de mandataire de la SAS Argos Hygiène qui est donc tenue en application de l'article 1998 du Code civil d'exécuter les engagements contractés en son nom. La SAS Argos Hygiène, en sa qualité de mandant, demeurant le contractant de la société [V], c'est à raison que l'intimée soutient que la dissolution de la société VSF Participations est sans incidence sur l'exécution du contrat et n'en a pas entrainé la caducité » ;
ALORS QUE, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'une des branches du deuxième moyen de cassation en ce que l'arrêt a retenu à tort que la société VSF Participations avait conclu le contrat de référencement du 15 septembre 2010 en qualité de mandataire de la société Argos Hygiène entrainera par voie de conséquence celle de l'arrêt en ce qu'il a écarté la caducité de ce contrat pour dissolution sans liquidation de la société VSF Participations compte tenu de la qualité de mandante de cette dernière de la société Argos Hygiène.
QUATRIEME ET
DERNIER MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 26 avril 2017 en ses dispositions constatant la validité du contrat de référencement du 15 septembre 2010 et le non-respect des termes de ce contrat par la société Orapi Hygiène et d'avoir en conséquence ordonné une expertise en donnant notamment mission à l'expert judiciaire d'évaluer le chiffre d'affaires dont a été privée la société [V] en tenant compte du volume d'achat par la société Orapi Hygiène et ses filiales auprès d'autres fournisseurs ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la perte de marge brute. Dans son subsidiaire, la SAS Argos Hygiène conteste le principe et le montant des indemnités allouées à la société [V] au titre du préjudice résultant de la perte de marge brute, arguant du fait que l'intimée échoue à rapporter la preuve de son caractère certain et de son lien de causalité avec les manquements retenus. Elle soutient que seul le préjudice résultant de la perte de chance pouvait être réparé dans la mesure où la société [V] n'avait pas l'assurance qu'elle aurait vendu ses produits dans les mêmes proportions que la nouvelle gamme puisqu'ils ne répondaient pas selon elle aux mêmes besoins de la clientèle et que le contrat de référencement ne prévoyait aucun volume minimum d'achat. Ces moyens ne pourront prospérer. En effet, il est certain que si la SAS Argos Hygiène avait respecté l'interdiction d'acheter et de commercialiser des produits similaires à ceux de la société [V], ses filiales et elle n'auraient pas eu d'autres choix que de continuer à acheter les produits de la société [V] et de les proposer à leurs propres clients, étant rappelé qu'ils ont tous été retenus comme répondant aux mêmes besoins, à l'exception de la réf 2156. Le préjudice résultant de la perte de marge brute que la société [V] aurait réalisé sur le chiffre d'affaires qui serait résulté de la vente de ses produits à la SAS Argos Hygiène et à ses filiales est donc certain en son principe entre le 1er janvier 2013 et le terme du contrat fixé au 23 mars 2015. La société [V] soutient que son préjudice personnel correspond à la perte de marge brute et demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué 388.507,87 euros pour la période du 1er janvier 2013 au 12 novembre 2014 et 88.915,75 euros pour la période du 13 novembre 2014 au 23 mars 2015. Elle produit pour justifier de son préjudice l'attestation traduite en français de son expert-comptable établie le 22 janvier 2015. Ce dernier a entrepris d'évaluer, à partir des éléments obtenus par les huissiers de justice lors des procès-verbaux de constat établis le 12 novembre 2014 et des pièces remises par la société [V], le préjudice résultant du défaut de commande des 10 références de la société [V] pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 23 mars 2015, son chiffrage consistant en une estimation pour la période allant du 13 novembre 2014 au 23 mars 2015. L'appelante prétend que c'est la perte de marge nette qui doit être indemnisée. Elle critique également le fait que l'expert-comptable n'a précisé aucun des chiffres lui ayant servi de base de calcul, ni même la méthode de calcul utilisée, rendant ainsi impossible la contradiction, sachant par ailleurs qu'aucun document comptable n'est produit aux débats par la société [V]. La perte de marge qui doit en l'espèce être indemnisée est la perte de marge sur coûts variables, soit le chiffre d'affaires dont la société [V] a été privée en raison du défaut de commandes, déduction faite des charges qu'elle n'a pas eu à supporter pour fabriquer les produits et les vendre à la SAS Argos Hygiène. Il n'y a en revanche pas lieu de déduire les charges fixes dans la mesure où celles-ci ont continué à exister malgré le défaut de commandes de la SAS Argos Hygiène, la société [V] fournissant également d'autres distributeurs. S'il apparaît envisageable de déterminer le chiffre d'affaires dont l'intimée a été privée entre le 1er janvier 2013 et le 12 novembre 2014, au vu du volume d'achat des produits litigieux achetés par la SAS Argos Hygiène à d'autres fournisseurs et du prix de vente proposé par la société [V] pour chacun des produits équivalents qui n'ont plus été commandés de ce fait, ces données résultant du procès-verbal de constat d'huissier et des conditions tarifaires convenues entre les parties dans le cadre du contrat de référencement, l'évaluation des coûts variables oblige à une analyse concrète du processus de production et de commercialisation des produits non commandés. L'expert-comptable de la société [V] apparait les avoir déduits dans ses opérations d'audit dont il détaille les étapes, mais son document ne peut constituer une pièce probante en l'absence de données chiffrés et de précision sur la méthode de calcul appliquée. En outre, il procède par estimation pour la période comprise entre le 12 novembre 2014 et le 23 mars 2015 alors que le chiffre d'affaires peut être précisément déterminé par l'analyse des volumes d'achat des produits litigieux sur ladite période que la SAS Argos Hygiène a nécessairement en sa possession. Il convient en conséquence d'ordonner une expertise judiciaire afin de recueillir les éléments d'analyse permettant de déterminer la perte de marge sur coûts variables de la société [V] sur la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 23 mars 2015 pour fixer le montant de son indemnisation. Il sera dès à présent précisé que : - le chiffre d'affaires perdu par la société [V] sera déterminé en tenant compte pour toute la période du volume d'achat par la SAS Argos Hygiène et ses filiales auprès de leurs fournisseurs, des produits commercialisés sous les références 97260, 97212, 2166, 2117-1, 2735, 2178-1, 2179, 2176 et 2177-1 dans le catalogue 2014 ainsi que du prix de vente fixé au contrat de référencement et son annexe 2 de chacun des produits équivalents de la société [V] cités dans les précédents développements, - il n'y a pas à déduire les charges fixes exposées par la société [V] au cours de la période litigieuse » ;
ALORS QUE si le contrat de référencement imposait au référenceur de « ne pas acheter et commercialiser des produits lessiviels liquides nouveaux. Le point de référence est le catalogue actuel », il stipulait également que le fournisseur ne pouvait prétendre à l'égard des distributeurs « à une quelconque exclusivité pour la fourniture des produits et/ou matériels » désignés par le contrat ; que si la Cour d'appel a jugé – de façon contestable – que la société Argos Hygiène était tenue, en raison de la prétendue conclusion en son nom et pour son compte du contrat de référencement par la société VSF Participations, par l'obligation posée à l'article 1 § 6, il n'a pu en être de même à l'égard de ses filiales, qui n'ont pas été attraites en la cause et dont il n'a pas été retenu que la société Orapi Hygiène aurait été le mandataire ou pourrait voir sa responsabilité engagée par les agissements ; qu'en énonçant cependant en l'espèce que « si la SAS Argos Hygiène avait respecté l'interdiction d'acheter et de commercialiser des produits similaires à ceux de la société [V], ses filiales et elle n'auraient pas eu d'autres choix que de continuer à acheter les produits de la société [V] et de les proposer à leurs propres clients », cependant que la société Orapi ne pouvait être tenue pour responsable du préjudice pouvant résulter pour la société [V] du fait des volumes d'achat effectués auprès d'autres fournisseurs par ses filiales, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.