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10/11/2021 | FRANCE | N°20-10963

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 novembre 2021, 20-10963


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1260 F-D

Pourvoi n° E 20-10.963

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société MSE Patrimoine, s

ociété à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 20-10.963 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1260 F-D

Pourvoi n° E 20-10.963

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société MSE Patrimoine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 20-10.963 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [L], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Mme [L] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société MSE Patrimoine, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 17 octobre 2019), Mme [L] a été engagée, le 1er février 1994, par la société scierie Eymard. Son contrat de travail a été transféré, le 1er janvier 2008, à la société MSE Patrimoine (la société).

2. Elle a exercé un mandat de conseiller prud'homme.

3. Par requête du 29 novembre 2013, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

4. Elle a été licenciée pour faute grave, par lettre du 27 juin 2014, après une décision d'autorisation de l'inspecteur du travail du 23 juin 2014, confirmée par décision du ministre du travail du 8 janvier 2015.

5. Par décision du 16 décembre 2016, confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision d'autorisation de licenciement de la salariée ainsi que la décision de rejet du recours hiérarchique.

6. Le recours formé devant le Conseil d'État contre l'arrêt de la cour administrative d'appel a fait l'objet d'une décision de non-admission en date du 21 juin 2019.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de la société, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen du pourvoi incident de la salariée

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 34 048,76 euros le montant de l'indemnité correspondant au préjudice matériel et moral subi du fait de l'annulation de l'autorisation de licenciement, alors « que lorsque l'annulation de l'autorisation est devenue définitive, le salarié a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration ou un délai de trente mois s'il ne la demande pas ; qu'en refusant d'indemniser la perte de la mutuelle, qui est un avantage en nature, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit dans la mesure où la salariée se prévaudrait, à hauteur de cassation, pour la première fois, de la règle selon laquelle une mutuelle, pour autant que celle-ci constitue un avantage en nature, entre dans le champ de l'indemnisation prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail.

10. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la salariée sollicitait le paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice matériel et moral subi au cours de la période écoulée entre le 27 juin 2014 et le 16 février 2017, comprenant la rémunération et les différentes primes, indemnités et avantages liés à son emploi qu'elle aurait perçus si elle n'avait pas été licenciée, dont ses salaires et la mutuelle dont elle a été privée.

11. Le moyen est donc recevable.

Bien- fondé du moyen

Vu les articles L. 2411-1, L. 2411-22 et L. 2422-4 du code du travail :

12. En application de ces textes, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un mandat de conseiller prud'homme a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

13. Pour limiter à une certaine somme le montant de l'indemnité correspondant au préjudice matériel et moral subi du fait de l'annulation de l'autorisation de licenciement, l'arrêt retient que, pour la détermination de ce montant, il n'y a pas lieu de tenir compte de la perte de la mutuelle, celle-ci ne correspondant pas à un salaire.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société prenait en charge des frais de mutuelle de la salariée et si cette prise en charge constituait un avantage en nature dont la salariée avait été privée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation partielle ne s'étend pas aux condamnations de l'employeur à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des entiers dépens, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 34 048,76 euros le montant de l'indemnité correspondant au préjudice matériel et moral subi du fait de l'annulation de l'autorisation de licenciement, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société MSE Patrimoine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MSE Patrimoine et la condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société MSE Patrimoine (demanderesse au pourvoi principal)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement prononcé le 27 juin 2014 par la société MSE patrimoine était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société MSE patrimoine à payer à Mme [L] les sommes de 19 486,36 € d'indemnité de licenciement, 10 693,74 € bruts d'indemnité de préavis, 1 069,37 € de congés payés afférents et 70 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

aux motifs qu'« il convient de rappeler que l'autorisation de licencier qui avait été donnée à la société MSE patrimoine par l'inspection du travail et confirmée par le Ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social a été annulée par un arrêt désormais définitif rendu par la Cour d' Appel Administrative de Lyon le 8 octobre 2018, le pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'Etat par la société MSE patrimoine n'ayant pas été admis selon décision rendue le 21 juin 2019. Dans son arrêt, la Cour Administrative d'Appel de Lyon rappelle les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail qui dispose dans sa version applicable au litige, que : "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Elle rappelle que : - ce délai ne court qu'à compter du jour où l'employeur a eu pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié et qu'il résulte des pièces du dossier qu'en application des stipulations d'un contrat conclu entre la société Eymard et la société Dallmayr, exploitant de distributeur de boissons, dont l'exécution a débuté en février 201,2 et s'est achevé fin janvier 2014, Mme [L] a perçu pour son compte une commission d'un montant de 5 centimes d'euros sur la vente de chaque boisson chaude aux salariés de la société Eymard, - si la société Eymard affirme ne pas avoir eu connaissance de cette pratique avant mars 2014, il convient de relever que cette convention ne comporte que six pages toutes clairement numérotées et que la clause prévoyait clairement la perception de la commission litigieuse située sur la page comportant la signature des parties, ce qui ne permet pas d'établir que le dirigeant n'aurait pas été informé de la rétrocession litigieuse avant mars 2014, ce d'autant plus que la mère de M. Eymard mentionne que cette pratique était déjà en place et connue de la direction lorsqu'elle travaillait dans la société. En conséquence, elle retient que les faits retenus pour fonder l'autorisation, qui ont cessé dès fin janvier 2014, étaient prescrits et que la société MSE patrimoine n'est pas fondée en son recours. Il convient d'une part de relever que la société MSE patrimoine n'a engagé aucune poursuite pénale à l'encontre de Mme [L], et que d'autre part la Cour Administrative d 'Appel de Lyon retient que les faits reprochés à la salariée sont prescrits. Dans la mesure où la Cour Administrative d'Appel de Lyon constate la prescription des faits fautifs après examen attentif de ceux-ci, il ne peut être considéré que l'examen des faits fautifs relève de la légalité externe contrairement aux affirmations de l'employeur. La décision d'annulation n'étant motivée que par la prescription de la faute invoquée pour justifier le licenciement, la cour est liée par cette décision au regard du principe de la séparation des pouvoirs. II en résulte que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que Mme [L] est fondée en ses demandes relatives au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et également de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

alors 1°/ que l'arrêt attaqué a constaté que le juge administratif a annulé l'autorisation de licenciement parce que les faits étaient prescrits ; qu'il en résultait que le juge administratif ne s'était pas prononcé sur la réalité et la gravité des faits, de sorte qu'il appartenait au juge prud'homal de rechercher si le licenciement avait une cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant la contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs ;

alors 2°/ qu'en retenant que l'annulation de l'autorisation de licenciement ne relevait pas d'une illégalité externe, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'inspecteur du travail n'avait pas omis de vérifier si les faits n'étaient pas prescrits, auquel cas l'annulation de l'autorisation de licenciement parce que les faits étaient prescrits sanctionnait une illégalité externe laissant au juge prud'homal le soin de rechercher si le licenciement avait une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et du principe de la séparation des pouvoirs. Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme [L] (demanderesse au pourvoi incident)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 34 048,76 € le montant de l'indemnité correspondant au préjudice matériel et moral subi du fait de l'annulation de l'autorisation de licenciement, quand Mme [L] demandait à ce titre la somme de 36 448,76 € ;

AUX MOTIFS QU'il sera alloué à la salariée au titre de ses revenus de remplacement une somme de 78 420 € au titre de la perte de salaire sur 22 mois, dont il convient de déduire la somme de 44 372 € qu'elle a perçue au titre des allocations Pôle emploi, soit une somme totale de 34 048 € dans la mesure où il n'y a pas lieu de tenir compte de la perte de la mutuelle, celle-ci ne correspondant pas à un salaire ;

ALORS QUE lorsque l'annulation de l'autorisation est devenue définitive, le salarié a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration ou un délai de trente mois s'il ne la demande pas ; qu'en refusant d'indemniser la perte de la mutuelle, qui est un avantage en nature, la cour d'appel a violé l'article L 2422-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-10963
Date de la décision : 10/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 17 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 nov. 2021, pourvoi n°20-10963


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10963
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