LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 20-82.300 F-B
N° 01386
SM12
17 NOVEMBRE 2021
REJET
DECHEANCE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 NOVEMBRE 2021
M. [H] [V], la société [1] et l'administration des douanes et des droits indirects ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, en date du 19 février 2020, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, a condamné les deux premiers à des amendes et pénalité fiscales et a ordonné une mesure de confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun à M. [V] et la société [1], et un mémoire en défense ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [H] [V], et la société [1], et les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'administration des douanes et droits indirects, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [H] [V] est l'unique associé et gérant de la société [1], ayant une activité de production d'alcools et bénéficiant du statut d'entrepositaire agréé.
3. Les 15 et 23 avril 2015, puis le 8 juin 2015, l'administration des douanes a réalisé des contrôles concernant la comptabilité matière, le stock physique de boissons et le respect des obligations déclaratives et de recensement des produits soumis à accise.
4. Ces opérations de contrôle ont fait l'objet de procès-verbaux d'intervention en date des 20 et 27 avril 2015 et 15 juin 2015.
5. Le 17 août 2015, l'administration des douanes a adressé par lettre recommandée avec avis de réception, à la société [1], un avis préalable de taxation, pour un montant total de 33 904 euros.
6. Par ce courrier, qui détaillait les manquants constatés, l'administration a invité le dépositaire agréé à présenter ses observations et produire tout justificatif sous un délai de 30 jours.
7. Par courrier du 16 septembre 2015, M. [V] a présenté à l'administration des douanes des observations sur l'avis préalable de taxation, auxquelles il a été répondu par courrier du 5 octobre 2015.
8. Le 3 novembre 2015, l'administration des douanes a notifié à M. [V], ès qualités de gérant de la société [1] un procès-verbal de notification portant sur les infractions de manquants anormaux de whisky, de pastis et d'alcool surfin, défaut de tenue de registres de fabrication, de manipulation et de mise en bouteilles, fausses déclarations récapitulatives mensuelles et fausse déclaration annuelle d'inventaire.
9. La proposition de transaction présentée par l'administration des douanes et droits indirects n'ayant pas été suivie d'effet, l'administration a fait citer M. [V] et la société [1] devant le tribunal correctionnel.
10. Par jugement en date du 24 octobre 2017, le tribunal correctionnel a annulé les procès-verbaux rédigés à la suite des contrôles, ainsi que la procédure douanière subséquente et la citation.
11. L'administration des douanes a formé appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par l'administration des douanes et des droits indirects
12. L'administration des douanes et des droits indirects n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
13. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris et a rejeté les exceptions de nullité et de prescription élevées par la société [1], alors « qu'en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration ; qu'il s'évince d'une telle exigence que les enquêteurs ne peuvent établir un procès-verbal de recensement, qui constitue le support de l'accusation, sans inviter la personne poursuivie à prendre connaissance des informations qui s'y trouvent et à signer le procès-verbal ; qu'en énonçant qu'aucun texte normatif n'imposait une telle exigence, lorsque celle-ci s'évinçait du respect du contradictoire et des droits de la défense, la cour d'appel a violé l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
15. Pour infirmer le jugement et écarter le moyen de nullité, selon lequel l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales imposant que toute constatation susceptible de conduire à une taxation en matière de contributions indirectes donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration, les procès-verbaux relatant les opérations de contrôle qui se sont déroulées dans les locaux de la société [1], qui n'ont pas été signés par un représentant de cette dernière sont irréguliers, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'aucun texte normatif n'impose ce formalisme.
16. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
17. En effet, d'une part, l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, qui au contraire réglemente l'hypothèse de son absence, n'exige pas la présence du représentant légal de l'entrepositaire agréé dans les locaux duquel est effectué un contrôle au titre des contributions indirectes.
18. D'autre part, si ce texte commande que la copie du procès-verbal établi lors des opérations soit transmis à l'occupant des locaux contrôlés, ni lui, ni aucun autre texte n'impose que ce procès-verbal soit signé par l'entrepositaire agréé.
19. Enfin, l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales, qui impose un échange contradictoire entre l'administration et le contribuable au cours de la procédure aboutissant à l'établissement d'un procès-verbal de notification d'infraction à la législation sur les contributions indirectes, n'implique pas que chacune des opérations effectuées par les agents des douanes en application des prérogatives qui leur sont reconnues par la loi soit réalisée en présence de la personne contrôlée.
20. Ainsi, le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par l'administration des douanes et des droits indirects :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur les pourvois formés par M. [H] [V] et la société [1] :
LES REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept novembre deux mille vingt et un.