LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 novembre 2021
Rejet
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 818 F-D
Pourvoi n° K 20-15.039
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 NOVEMBRE 2021
M. [D] [J], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 20-15.039 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Banque de La Réunion, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Caisse d'épargne Cepac, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Banque de La Réunion,
3°/ à la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan d'apurement de M. [J],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [J], de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Caisse d'épargne Cepac, venant aux droits de la société Banque de La Réunion, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 7 novembre 2018, pourvoi n° 15-24.762), M. [J], gérant de la société Air Evasan, s'est, dans une certaine limite de montant, rendu caution solidaire des engagements souscrits par cette dernière envers la société Slibail Réunion, devenue la société Oceor Lease Réunion, au titre d'un contrat de crédit-bail du 7 avril 2003 portant sur la mise à disposition d'un aéronef.
2. Le contrat de crédit-bail ayant été résilié et la société Air Evasan mise en liquidation judiciaire, la société Banque de la Réunion subrogée dans les droits de la société Oceor Lease Réunion, a assigné M. [J] en paiement.
3. Soutenant que le crédit-bailleur avait commis une faute en vendant l'aéronef à un vil prix, M. [J] et la société Ekip', mandataire judiciaire dans la procédure de redressement judiciaire de M. [J], ont demandé la condamnation de la société Banque de La Réunion, aux droits de laquelle est venue la société Caisse d'épargne Cepac, à lui payer des dommages-intérêts.
Enoncé du moyen
4. M. [J] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Banque de La Réunion à payer à la société Ekip', ès qualités, la somme de 195 000 euros en réparation des préjudices subis et de le débouter, ainsi que la société Ekip', de leurs demandes contraires ou plus amples, alors « qu'il n'était pas soutenu par l'une ou l'autre des parties que le préjudice allégué par M. [J] aurait consisté en une simple perte de chance ; que la cour d'appel qui a relevé d'office ce moyen tiré de l'existence d'un tel préjudice, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer, a méconnu l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Procédant souverainement, au vu des éléments de fait qui étaient dans les débats, à l'évaluation du préjudice de M. [J] résultant, selon lui, de l'attitude attentiste du crédit-bailleur dans la mise en vente de l'aéronef à un prix nettement inférieur à ceux proposés par des acquéreurs potentiels, quatre ans après la transmission par la caution au crédit-bailleur de propositions d'achat, la cour d'appel a retenu, sans méconnaître le principe de la contradiction, que ce préjudice, résultant de la perte de chance pour M. [J] de ne pas être appelé en garantie ou pour un montant moindre, devait être évalué à la moitié de l'engagement qui lui est réclamé, soit la somme de 195 000 euros.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à la société Caisse d'épargne Cepac, venant aux droits de la société Banque de La Réunion, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. [J].
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de n'avoir condamné la société Cepac, venant aux droits de la Banque de la Réunion, à payer à la société Ekip en sa qualité de mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur [D] [J] que la somme de 195 000 euros en réparation des préjudices subis et d'avoir débouté Monsieur [D] [J] et la SELARL Ekip de leurs demandes contraires ou plus amples ;
Aux motifs que Monsieur [J] prétend que la société Slibail devenue Oceor Lease a commis une faute qui engage sa responsabilité en procédant à la vente de l'avion Beechraft 200 pour un prix de 30 000 € HT et que le premier juge a commis une erreur en considérant qu'il avait été négligent en ne répondant pas aux sollicitations de la société de crédit pour trouver un éventuel acquéreur ; qu'il lui reproche de ne pas avoir récupéré l'avion dans les locaux de la société Chalair Aviation à [Localité 4] où il avait été convoyé précédemment pour entretien et d'avoir tardé à le revendre ; qu'il produit la lettre du mandataire judiciaire, Maître [K] adressée le 22 juillet 2005 à la société Slibail dans laquelle il informe le créancier que Monsieur [J] a fait connaître en son étude qu'il avait deux clients potentiels à 1 million d'euros et l'invite , compte tenu du projet de revendre l'avion à 300 000 € à Chalair pour un prix inférieur de 700 000 € à celui évoqué par ce dernier « à préserver les droits des créanciers et des cautions en lui donnant un délai raisonnable, compte tenu de la nature de l'actif en cause, pour présenter un acquéreur pour la valeur de l'avion » ; qu'il rappelle également que, dans son courrier, Aero Capital évoque une valeur de 677 754 € hors taxes ; que, par la suite le crédit bailleur a reçu pas moins de deux mises en demeure de la société Chalair de prendre une décision concernant le sort de l'avion et n'a pris aucune mesure conservatoire pour éviter le dépérissement de l'appareil, qu'il a tardé à mettre en vente et a réalisé pour un prix manifestement inférieur à sa valeur et à son potentiel alors qu'il s'agissait du principal actif de la société Air Evasan ; qu'il en résulte que la société Slibail qui avait été clairement informée dès le mois de juillet 2005 de la nécessité de procéder à bref délai, a attendu le mois de juin 2009 pour réaliser la vente à un prix qui s'avère dérisoire même si l'on tient compte du fait que l'avion était entreposé dans un hangar et démonté depuis juin 2004, dans l'attente de travaux de remise en état pour obtenir le renouvellement du certificat de navigabilité et que la société Chalair Aviation en charge des travaux disposait d'une créance qu'elle a acceptée d'abandonner à hauteur de 102 173,65 € ; qu'en tout état de cause rien ne vient étayer les affirmations de la banque selon lesquelles l'avion aurait été invendable, ce qui est contredit par l'attestation circonstanciée fournie par le directeur commercial de la société Air Evasan, Monsieur [R], qui atteste que compte tenu de l'historique de l'exploitation commerciale, du nombre d'heures de vol, de son état d'entretien et de sa valeur intrinsèque sur le marché du transport aérien, il aurait pu être négocié à un prix qu'il évalue à environ 700 000 € fin 2004 ; qu'il est également fourni une proposition pour un prix de 677 000 € puis de 270 000 € ainsi que la cotation de l'avion pour une valeur bien supérieure ; qu'en n'agissant pas en temps utile pour recouvrer sa créance, la société crédit bailleresse a commis une faute qui ouvre droit à réparation, son attitude attentiste ne pouvant être excusée par le fait que Monsieur [J] n'aurait pas répondu à ses sollicitations alors qu'il a au contraire, cherché un repreneur dès le début de la procédure ; qu'en tout état de cause il appartenait au crédit-bailleur, en sa qualité de propriétaire de l'appareil, de tout faire pour préserver le gage des créanciers ; qu'il y a lieu d'évaluer le préjudice subi par Monsieur [J] qui a ainsi perdu une chance manifeste de ne pas être appelé en garantie ou pour un montant moindre, à la moitié de l'engagement qui lui est réclamé soit la somme de 195 000 € ;
Alors qu'il n'était pas soutenu par l'une ou l'autre des parties que le préjudice allégué par Monsieur [J] aurait consisté en une simple perte de chance ; que la cour d'appel qui a relevé d'office ce moyen tiré de l'existence d'un tel préjudice, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer, a méconnu l'article 16 du code de procédure civile ;