LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 20-85.819 F-D
N° 01508
MAS2
8 DÉCEMBRE 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 DÉCEMBRE 2021
M. [N] [H] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises du Vaucluse, en date du 1er octobre 2020, qui, pour viols aggravés, l'a condamné à treize ans de réclusion criminelle, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N] [H], les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [O] [L], les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [V] [S] prise en qualité d'administrateur ad'hoc de [B] [E], les observations du cabinet Rousseau et Tapie, avocat de [D] [K], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [N] [H] a été renvoyé devant la cour d'assises du Gard, par arrêt de la chambre de l'instruction du 26 juin 2018, sous l'accusation de viols et d'agressions sexuelles sur la personne de quatre victimes.
3. Par arrêt du 16 octobre 2019, M. [H] a été déclaré coupable et condamné à quinze ans de réclusion criminelle. Par arrêt du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.
4. L'accusé, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [H] par l'intermédiaire d'un avocat
5. M. [H], ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 5 octobre 2020, le droit de se pourvoir contre les arrêts pénal et civil attaqués, était irrecevable à se pourvoir à nouveau le même jour contre les mêmes décisions par l'intermédiaire de son avocat. Seul est recevable le pourvoi formé le 5 octobre 2020 par déclaration au greffe de l'établissement pénitentiaire.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable
de viol sur la personne de Mme [O] [L], alors :
« 1°/ que la cour d'assises a retenu les témoignages établissant que l'accusé avait embrassé la partie civile, que les adolescents avaient la possibilité de consommer de l'alcool, que la partie civile rappelait à l'accusé un amour de jeunesse et qu'elle était restée dormir à son domicile, ensemble d'éléments n'établissant pas des éléments à charge d'actes de pénétrations sexuelles subis par la partie civile ; que la cour d'assises a ainsi méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-23 du code pénal, 365-1 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en retenant la contrainte tout en énonçant que celle-ci résulterait des « libertés qu'il [l'accusé] lui accordait », la cour d'assises s'est prononcée par des motifs contradictoires, n'a pas justifié sa décision et a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer M. [H] coupable de viol sur la personne de Mme [L], la cour d'assises énonce que cette victime a été contrainte par l'accusé de procéder sur lui à des fellations. La feuille de motivation souligne que la preuve des faits provient des déclarations précises, circonstanciées et réitérées de la victime, présentée comme crédible par l'expertise psychologique, laquelle ne relève aucun signe d'affabulation, mais fait état de la précision et de la cohérence de ses propos. La cour d'assises ajoute que la contrainte est établie par : l'argent remis par l'accusé à la victime, l'emprise qu'il exerçait sur elle, compte tenu des libertés qu'il lui accordait quand elle était à son domicile, et la circonstance qu'il s'était fait le confident de cette plaignante, fille d'amis très proches.
9. En l'état de ces motifs, et dès lors que les fellations caractérisées par l'arrêt constituent des actes de pénétration sexuelle entrant dans les prévisions de l'article 222-23 du code pénal, la cour d'assises, qui a exposé les principaux éléments à charge l'ayant convaincue de la culpabilité de l'accusé du crime de viol commis sur Mme [L], a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués.
10. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable
de viol sur la personne d'[D] [K], alors :
« 1°/ qu'il appartient à la cour d'assises d'énoncer les principaux éléments à charge qui l'ont convaincu de la culpabilité de l'accusé ; qu'en retenant la contrainte qui aurait été exercée par l'accusé sur la partie civile tout en relevant que ce dernier lui « accordait, chez lui, une liberté totale »,
la cour d'assises s'est contredite, n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-23 du code pénal, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la motivation doit porter sur chacune des infractions pour lesquelles l'accusé a été déclaré coupable ; qu'en énonçant pour le crime de viol commis sur la personne d'[D] [K], en avril 1994, date à laquelle elle avait 13 ans, et pour le crime de viol commis en août 1997 à août 1998, date à laquelle elle avait 16/17 ans, que l'accusé avait exercé « une contrainte sur une jeune fille de 13/14 ans », la cour d'assises n'a pas motivé la contrainte qui aurait été commise par l'accusé pour le crime de viol commis en août 1997 à août 1998 ; que dès lors la cour d'assises a méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 365-1 du code de procédure pénale :
12. Il résulte de ce texte qu'en cas de condamnation, la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge, exposés au cours des délibérations, qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises.
13. Si l'arrêt déclare coupable le demandeur d'avoir commis le crime de viol sur la personne d'[D] [K], d'une part, en avril 1994, avec ces circonstances que la victime était âgée de moins de 15 ans, comme née en 1981, et qu'il avait autorité sur elle, d'autre part, entre août 1997 et août 1998, avec cette circonstance qu'il avait autorité sur elle, la feuille de motivation relève l'existence de pénétrations sexuelles, sans discerner les années au cours desquelles elles ont été commises, et indique que la contrainte était caractérisée par l'emprise exercée sur une jeune fille de 13 ou 14 ans qui demeurait chez lui.
14. Si cette motivation caractérise en tous ses éléments le crime précité dont l'accusé a été reconnu coupable au titre de l'année 1994, l'emprise exercée sur une adolescente n'étant pas exclusive de la liberté de ses mouvements dont elle pouvait bénéficier chez l'accusé, la cour d'assises n'a pas exposé les principales raisons qui l'ont conduite à considérer que les faits commis sur la même victime en 1997 et 1998, l'avaient été avec violence, contrainte, menace ou surprise.
15. La cassation est, dès lors, encourue. Elle sera limitée aux dispositions de l'arrêt concernant la déclaration de culpabilité de l'accusé pour les faits de viols commis sur [D] [K] en 1997 et en 1998 et la peine,
ainsi qu'aux dispositions de l'arrêt civil relatives aux indemnités allouées à [D] [K].
Examen des demandes fondées sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
16. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [H] des crimes commis au préjudice de Mme [L] et de [B] [E] étant devenue définitive par suite de la non-admission des premier et deuxième moyens, et du rejet du quatrième moyen, il y a lieu de faire droit à la seule demande de Madame [V] [S], ès qualités.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [H] par l'intermédiaire d'un avocat :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé par M. [H] par déclaration au greffe de l'établissement pénitentiaire :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises du Vaucluse, en date du 1er octobre 2020, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du crime de viols sur la personne d'[D] [K], au titre des années 1997 et 1998, et à la peine, ainsi que les dispositions de l'arrêt civil relatives à cette partie civile, toutes autres dispositions de l'arrêt pénal et de l'arrêt civil demeurant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Ardèche, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [H] devra payer à la SCP Buk Lament - Robillot en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée au profit du cabinet Rousseau et Tapie ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Vaucluse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit décembre deux mille vingt et un.