LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 décembre 2021
Cassation sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1185 F-D
Pourvoi n° H 20-20.349
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2021
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-20.349 contre le jugement rendu le 5 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Chambéry (pôle social), dans le litige l'opposant à la société Matériel médical de la Source, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, de Me Soltner, avocat de la société Matériel médical de la Source, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Chambéry , 5 mai 2020), rendu en dernier ressort et les productions, une demande d'entente préalable a été adressée le 23 juillet 2018 à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (la caisse), qui l'a reçue le 1er août 2018, pour la fourniture à M. [K] (l'assuré), né en 1964, d'un siège coquille par la société Matériel médical de la Source (la société).
2. La caisse en ayant refusé la prise en charge le 17 août 2018 , la société qui a délivré l'appareillage à l'assuré, en le faisant bénéficier de la dispense d'avance des frais, a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief au jugement de la condamner à rembourser à la société le montant de l'appareillage litigieux, alors :
« 1°/ que la prise en charge des produits de santé autres que les médicaments visés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est subordonnée à leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables et au respect des conditions que ladite liste pose ; qu'en ordonnant la prise en charge du siège coquille délivré à l'assuré, sans rechercher si celui-ci avait, comme l'exige la liste, 60 ans ou plus, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le titre 1, chapitre 2, section 2, sous-section 7, paragraphe 1.2 de la liste des produits et prestations remboursables, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;
2°/ que le silence gardé par la caisse face à une demande d'entente préalable ne peut justifier de la prise en charge d'un produit de santé délivré en dehors des conditions posées par la liste des produits et prestations remboursables ; qu'en ordonnant la prise en charge du siège coquille, au motif inopérant que la caisse n'avait pas répondu, dans le délai de quinze jours, à la demande d'entente préalable adressée par l'assuré, les juges du fond ont violé les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble la liste des produits et prestations remboursables ;
4°/ que la prise en charge des produits de santé autres que les médicaments visés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est subordonnée à leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables et au respect des conditions que ladite liste pose ; qu'en ordonnant la prise en charge, au motif inopérant que la société ne pouvait se prononcer sur le caractère remboursable du produit et ne saurait dès lors être sanctionné pour l'avoir délivré, les juges du fond ont violé les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 165-1, R. 165-1 du code de la sécurité sociale et le titre 1er, chapitre 2, section 2, sous-section 7, paragraphe 1er, de la liste des produits et prestations remboursables, dans leur rédaction applicable au litige :
4. Il résulte des deux premiers de ces textes que le remboursement par l'assurance maladie des produits de santé autres que les médicaments visés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est subordonné à leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables qui précise notamment les indications prises en charge.
5. Selon le dernier, la prise en charge par l'assurance maladie du siège coquille de série est accordée pour un adulte de plus de 60 ans ayant une impossibilité de se maintenir en position assise sans un système de soutien, évalué dans les groupes iso-ressources (GIR) 1-2 selon la grille AGGIR et est subordonnée, en application de l'article R. 165-23 du code de la sécurité sociale, à une demande d'accord préalable remplie par le médecin prescripteur lors de la première prescription et à chaque renouvellement.
6. Pour accueillir le recours de la société et condamner la caisse à lui rembourser le montant de l'appareillage litigieux, le jugement énonce qu'en l'absence de réponse de la caisse dans le délai de quinze jours rappelé dans la notice d'information jointe à l'imprimé de demande d'accord préalable, c'est à bon droit que la société a délivré à l'assuré l'appareillage litigieux en étant convaincue de sa prise en charge, la caisse ne pouvant contredire les informations qu'elle diffuse elle-même aux assurés. Il ajoute que la société n'étant pas le prescripteur et ne disposant pas des compétences pour apprécier la prescription et notamment l'absence de mention relative au remboursement, elle ne peut être sanctionnée par une privation du remboursement pour avoir délivré cet appareillage.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il n'était pas contesté que l'assuré étant né en août 1964, ne remplissait pas la condition d'âge exigée à la date de la demande, ce dont il résultait que la délivrance à l'assuré d'un siège coquille de série ne pouvait donner lieu à prise en charge, peu important la demande d'accord préalable, le tribunal a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 , du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 7 qu'il y a lieu de débouter la société de sa demande de prise en charge du siège coquille de série délivré à l'assuré.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 mai 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Chambéry ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute la société Matériel médical de la Source de sa demande de prise en charge du siège coquille de série délivré à M. [K] le 16 août 2018 ;
Condamne la société Matériel médical de la Source aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le tribunal judiciaire de Chambéry ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Matériel médical de la Source et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie
Le jugement attaqué par la Caisse encourt la censure ;
EN CE QU' il a infirmé la décision de la commission de recours amiable du 10 janvier 2019 refusant la prise en charge de l'appareillage délivré à M. [K], ordonné le remboursement de l'appareillage d'un montant de 797,05 euros et condamné la Caisse à payer cette somme à la société MATERIEL MEDICAL DE LA SOURCE ;
ALORS QUE, premièrement, la prise en charge des produits de santé autres que les médicaments visés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est subordonnée à leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables et au respect des conditions que ladite liste pose ; qu'en ordonnant la prise en charge du siège coquille délivré à M. [K], sans rechercher si celui-ci avait, comme l'exige la liste, 60 ans ou plus, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le titre 1, chapitre 2, section 2, sous-section 7, paragraphe 1.2 de la liste des produits et prestations remboursables, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;
ALORS QUE, deuxièmement, le silence gardé par la Caisse face à une demande d'entente préalable ne peut justifier de la prise en charge d'un produit de santé délivré en dehors des conditions posées par la liste des produits et prestations remboursables ; qu'en ordonnant la prise en charge du siège coquille, au motif inopérant que la Caisse n'avait pas répondu, dans le délai de 15 jours, à la demande d'entente préalable adressée par l'assuré, les juges du fond ont violé les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble la liste des produits et prestations remboursables ;
ALORS QUE, troisièmement, il appartient aux prestataires d'appareillages médicaux qui sollicitent la prise en charge des produits qu'ils fournissent par l'assurance maladie, de connaître les conditions réglementaires auxquelles est subordonnée ladite prise en charge et de vérifier que ces conditions sont réunies au cas par cas ; qu'en ordonnant la prise en charge du siège coquille, au motif erroné que la société MATERIAL MEDICAL DE LA SOURCE ne pouvait se prononcer sur le caractère remboursable du produit, les juges du fond ont violé les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble la liste des produits et prestations remboursables ;
ALORS QUE, quatrièmement, et en tout état, la prise en charge des produits de santé autres que les médicaments visés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est subordonnée à leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables et au respect des conditions que ladite liste pose ; qu'en ordonnant la prise en charge, au motif inopérant que la société MATERIEL MEDICAL DE LA SOURCE ne pouvait se prononcer sur le caractère remboursable du produit et ne saurait dès lors être sanctionné pour l'avoir délivré, les juges du fond ont violé les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble la liste des produits et prestations remboursables.