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19/01/2022 | FRANCE | N°19-25888

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 janvier 2022, 19-25888


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 42 F-D

Pourvoi n° H 19-25.888

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022>
M. [L] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 19-25.888 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 42 F-D

Pourvoi n° H 19-25.888

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022

M. [L] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 19-25.888 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la [Localité 3] et du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [H], de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la [Localité 3] et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 septembre 2019), la société [H] [L], dont M. [H] était le gérant, a été mise en redressement judiciaire le 3 mars 2015 puis en liquidation judiciaire le 2 février 2016. Le 20 décembre 2016, la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actif a été prononcée.

2. Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3] (le comptable public) a assigné M. [H], sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin qu'il soit déclaré solidairement responsable, avec la société, de la dette fiscale de cette dernière, concernant la TVA due au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [H] fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable, avec la société [H] [L], du paiement de la somme de 353 805 euros et de le condamner à payer cette somme au comptable public, alors « que, pour déclarer un dirigeant solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société, le juge doit caractériser de manière concrète les circonstances, autres que le défaut de déclaration et de paiement, en raison desquelles l'inobservation des obligations fiscales en a rendu impossible le recouvrement ; que le caractère excessif de la dette fiscale ne justifie pas en lui-même la condamnation du dirigeant à paiement ; que pour déclarer M. [H] responsable avec la société [H] [L] du paiement de la somme de 353 805 euros, la cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs adoptés, que : "M. [H] est responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société qu'il dirigeait puisque sa dette fiscale s'élève à la somme de 353 805 euros", et par motifs propres "qu'Il est nécessairement responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la personne morale qu'il dirigeait compte tenu de ce que la dette fiscale de la société a pu atteindre la somme de 353 805 euros" ; qu'en se fondant dès lors sur le seul montant de la dette de la société pour déclarer son gérant solidairement responsable de son paiement, la cour d'appel a violé l'article L. 267 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 267 du livre des procédures fiscales :

5. Selon ce texte, le dirigeant d'une société qui est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales ayant rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités.

6. Pour faire droit à la demande du comptable public, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'est pas contesté que M. [H], en qualité de gérant de la société, en assurait la direction effective, retient, par motifs propres et adoptés, qu'il est nécessairement responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la personne morale qu'il dirigeait, compte tenu de ce que la dette fiscale a pu atteindre la somme de 353 805 euros. L'arrêt retient ensuite que ces inobservations ont rendu impossible le recouvrement de sa dette par l'administration fiscale puisque la société a été mise en liquidation judiciaire, procédure clôturée pour insuffisance d'actif.

7. En se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser d'une manière concrète la responsabilité personnelle de M. [H], pendant l'exercice effectif de son mandat social, dans l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales incombant à la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'irrecevabilité de l'action soulevée par M. [H], l'arrêt rendu le 3 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la [Localité 3] et du directeur général des finances publiques, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la [Localité 3] et du directeur général des finances publiques, et le condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. [H].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'action soulevée par M. [H] et dit recevable l'action engagée à son encontre par le comptable public compétent;

AUX MOTIFS PROPRES QUE: « (?) L'article L 267 du livre des procédures fiscales dispose que lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance. 1) Sur la recevabilité de l'action : L'instruction n 12C-20-88 du 6 septembre 1988 de la direction générale des impôts, qui s'impose à l'administration fiscale, recommande aux comptables publics d'engager l'action prévue à l'article L 267 du livre des procédures fiscales dans un « délai satisfaisant ». M. [H] soulève l'irrecevabilité de l'action engagée contre lui au regard du délai excessif entre la date du jugement de liquidation judiciaire et la date de l'assignation devant le président du tribunal de grande instance, ou entre la date du jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif et la date de l'assignation devant le président du tribunal de grande instance. Le comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3], estime que le point de départ du délai qu'il convient de prendre en compte est la date du jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif et que le délai écoulé entre cette date et celle de l'assignation devant le président du tribunal de grande instance correspond à l'exigence de « délai satisfaisant ». a) Sur le point de départ du délai : Le point de départ de l'action prévue à l'article L 267 (du) livre des procédures fiscales est nécessairement la date à laquelle l'administration fiscale a eu la certitude absolue qu'elle ne pourrait pas récupérer sa créance. Certes, un jugement de liquidation judiciaire de la Sarl [H] [L] a été rendu le 2 février 2016, décision laissant légitimement craindre des difficultés de recouvrement. Pour autant, l'intimé verse en pièce n° 13 un courrier en date du 16 août 2016 par lequel le mandataire à la liquidation judiciaire, Maître [S], a écrit à l'administration fiscale que ses créances « seront réglées selon les fonds disponibles si ces dernières viennent en rang utile ». L'administration fiscale n'a donc pu avoir la certitude absolue de l'impossibilité de recouvrer sa créance qu'à la date du jugement de clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl [H] [L], jugement intervenu le 20 décembre 2016 et publié au BODACC le 30 décembre 2016. Cette date est donc le point de départ du « délai satisfaisant » pour l'engagement de l'action, par l'assignation du 28 août 2018 devant le président du tribunal de grande instance. b) Sur la durée du délai : Il s'est écoulé un délai de : -1 an, 8 mois et 8 jours entre le jugement de clôture pour insuffisance d'actif et l'assignation, -1 an, 7 mois et 29 jours entre la publication au BODACC du jugement de clôture pour insuffisance d'actif et l'assignation. Le « délai satisfaisant » au sens de l'instruction n 12C-20-88 du 6 septembre 1988 de la direction générale des impôts appelle les deux observations suivantes. D'une part, l'adjectif « satisfaisant » renvoie d'avantage à la notion de délai raisonnable qu'à celle de brièveté. D'autre part, ces délais doivent s'apprécier à l'aune du délai de prescription quadriennale applicable. Ces considérations permettent de considérer que les deux délais susvisés, que l'on prenne en compte la date du jugement de clôture pour insuffisance d'actif ou, à fortiori, celle de sa publication au BODACC, répondent au critère de « délai satisfaisant » au sens de l'instruction n° 12C-20-88 du 6 septembre 1988. L'action sera déclarée recevable.»

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE : L'instruction n°12C-20-88 du 6 septembre 1988 de la direction générale des impôts, qui s'impose à l'administration fiscale, recommande aux comptables publics d'engager l'action prévue à l'article L 267 du livre des procédures fiscales dans des délais satisfaisants. Le point de départ de ce délai est nécessairement la date à laquelle l'administration fiscale a eu la certitude qu'elle ne pourrait pas récupérer sa créance. En l'espèce, au vu des pièces versées, cette date ne correspond pas à celle du jugement de liquidation judiciaire de la Sarl [H] [L], le 2 février 2016, puisque, le 16 août 2016, le mandataire à la liquidation judiciaire, Maître [S], écrivait à l'administration fiscale que ses créances « seront réglées selon les fonds disponibles si ces dernières viennent en rang utile » (pièce n°13 du demandeur). L'administration fiscale n'a donc pu avoir la certitude de l'impossibilité de recouvrer sa créance qu'à la date du jugement de clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl [H] [L], le 20 décembre 2016, publié au BODACC dix jours plus tard. Cette date est donc le point de départ du délai suffisant à apprécier pour l'engagement de l'action, par l'assignation du 28 août 2018 devant le président du tribunal de grande instance. Ce délai de 20 mois entre ces deux dates répond à l'exigence de « délai suffisant » résultant de l'instruction n°12C-20-88 du 6 septembre 1988 de la direction générale des impôts. En conséquence l'exception d'irrecevabilité de l'action soulevée par Monsieur [H] est rejetée.» ;

ALORS D'UNE PART QUE, l'action en responsabilité solidaire du dirigeant doit être engagée par le comptable public compétent dans un délai satisfaisant à compter de la date à laquelle il est apparu que la créance fiscale ne pourrait être recouvrée à l'encontre de la personne morale, peu important que la procédure collective n'ait pas été clôturée ou qu'aucun certificat d'irrécouvrabilité n'ait été délivré ; qu'en l'espèce il est constant que la valeur de réalisation des actifs était estimée dès le 20 mars 2015 à 8.540 €, ainsi qu'il ressortait du rapport de poursuite d'activité du 20 janvier 2016 du mandataire judiciaire, et découlait déjà de la liquidation judiciaire prononcée le 2 février 2016 ; qu'il s'en évinçait l'irrécouvrabilité de la créance de l'administration de 353.805 € à tout le moins dès le prononcé de la liquidation judiciaire du 2 février 2016 ; que l'action du comptable public, engagée seulement le 28 août 2018, soit plus de trente mois après le prononcé de la liquidation, était donc irrecevable ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que l'action en responsabilité solidaire avait été mise en oeuvre par l'administration fiscale à l'encontre de l'exposant dans un délai satisfaisant, que ce délai devait s'apprécier non par rapport au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la personne morale, mais à partir de la clôture des opérations pour insuffisance d'actif, au motif que l'administration fiscale n'aurait pu avoir la « certitude absolue » de l'impossibilité de recouvrer sa créance, la Cour d'appel a violé les termes de l'instruction n° 12 C-20-88 du 6 septembre 1988 et l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'action en responsabilité solidaire du dirigeant doit être engagée par le comptable public compétent dans un délai satisfaisant à compter de la date à laquelle il est apparu que la créance fiscale ne pourrait être recouvrée à l'encontre de la personne morale, peu important que la procédure collective n'ait pas été clôturée ou qu'aucun certificat d'irrécouvrabilité n'ait été délivré ; que ce « délai satisfaisant » court à compter de la date à laquelle la créance fiscale est devenue irrécouvrable, soit à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire faisant état d'un passif largement supérieur à l'actif réalisable, et non de la clôture de la liquidation judiciaire ; qu'en considérant que le délai d'action ne courait qu'à la date du jugement de clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société, prononcé le 20 décembre 2016 et publié au BODACC le 30 décembre 2016, au motif que par courrier du 16 août 2016, le liquidateur judiciaire avait indiqué à l'administration fiscale que ses créances seraient « réglées selon les fonds disponibles si ces dernières venaient en rang utile » (arrêt attaqué p. 3, § antépénultième et ordonnance confirmé p. 3, § 2) ; qu'en statuant ainsi quand ce courrier portait sur une créance de 32.718 € au titre de la TVA de novembre 2015 mise en recouvrement le 29 janvier 2016, soit sur une créance postérieure pour laquelle, ainsi que l'avait lui-même reconnu le comptable, public, il « dispos(ait) de son droit de poursuite individuelle» (ses conclusions p. 2, 5 derniers §), de sorte que ce courrier ne pouvait permettre à l'administration fiscale de préjuger du caractère recouvrable de ses créances soumises à l'arrêt des poursuites individuelles du fait de l'ouverture de la procédure collective de la société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'instruction n° 12 C-20-88 du 6 septembre 1988 et de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. [H] responsable avec la société [H] [L] du paiement de la somme de 353.805 € et d'AVOIR condamné M. [H] à payer cette somme au comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3];

AUX MOTIFS PROPRES QUE: « (?) Il n'est pas contesté que M. [H], en qualité de gérant de la Sarl [H] [L], assurait la direction effective de cette société. Il est nécessairement responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la personne morale qu'il dirigeait compte tenu de ce que la dette fiscale de la société a pu atteindre la somme de 353.805 €. Ces inobservations ont rendu impossible le recouvrement de sa dette par l'administration fiscale puisque la société a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Poitiers le 2 février 2016, clôturée par un jugement pour insuffisance d'actif du 20 décembre 2016. Les conditions fixées par l'article L 267 du livre des procédures fiscales sont remplies. L'ordonnance déférée ne pourra qu'être approuvée en ce qu'elle a fait droit à la demande du comptable responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3].» ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE: « L'article L 267 du livre des procédures fiscales dispose que lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance. En l'espèce, le comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3], produit des pièces qui démontrent que Monsieur [H], qui était le gérant de la Sarl [H] [L], assurait la direction effective de cette société et est donc personnellement responsable de ses agissements. Monsieur [H] est responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société qu'il dirigeait puisque sa dette fiscale s'élève à la somme de 353.805 euros. Ces inobservations ont rendu impossible le recouvrement de sa dette par l'administration fiscale puisque la société a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Poitiers le 2 février 2016, clôturée par un jugement pour insuffisance d'actif du 20 décembre 2016. Les conditions fixées par l'article L267 du livre des procédures fiscales sont remplies. Il est donc fait droit à la demande en ce sens du comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la [Localité 3]» ;

ALORS D'UNE PART QUE, pour déclarer un dirigeant solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société, le juge doit caractériser de manière concrète les circonstances, autres que le défaut de déclaration et de paiement, en raison desquelles l'inobservation des obligations fiscales en a rendu impossible le recouvrement ; que le caractère excessif de la dette fiscale ne justifie pas en lui-même la condamnation du dirigeant à paiement ; que pour déclarer M. [H] responsable avec la société [H] [L] du paiement de la somme de 353.805 €, la Cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs adoptés, que : « M. [H] est responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société qu'il dirigeait puisque sa dette fiscale s'élève à la somme de 353.805 € » (ordonnance confirmée p. 3, § pénultième), et par motifs propres qu' «Il est nécessairement responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la personne morale qu'il dirigeait compte tenu de ce que la dette fiscale de la société a pu atteindre la somme de 353.805 € » (arrêt attaqué p. 4, § 4) ; qu'en se fondant dès lors sur le seul montant de la dette de la société pour déclarer son gérant solidairement responsable de son paiement, la Cour d'appel a violé l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

ALORS D'AUTRE PART QUE, pour déclarer un dirigeant solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société, le juge doit rechercher si le comptable poursuivant a utilisé en vain tous les actes de poursuites à sa disposition pour obtenir en temps utile paiement des impositions par la société ; que pour déclarer M. [H] responsable avec la société [H] [L] du paiement de la somme de 353.805 €, la Cour d'appel a considéré qu'il était « responsable d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société qu'il dirigeait » (ordonnance confirmée p. 3, § pénultième et arrêt attaqué p. 4, § 4); qu'en statuant ainsi sans avoir aucunement fait ressortir la nature et les dates des tentatives de mise en recouvrement de l'impôt qui se seraient révélées vaines, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-25888
Date de la décision : 19/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 03 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jan. 2022, pourvoi n°19-25888


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.25888
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