LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 février 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 195 F-D
Pourvoi n° K 20-15.085
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022
La société Eco Châteauroux, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 20-15.085 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2020 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [P] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Eco Châteauroux, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 24 janvier 2020), M.[B] a, à compter du 6 décembre 2006, été engagé en qualité d'employé polyvalent de nuit par la société Eco Châteauroux qui exploite un hôtel. Par avenant du 15 mars 2013, le salarié a été promu aux fonctions d'adjoint de direction.
2. Le 12 octobre 2015, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
3. Le 3 février 2016, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que les périodes qu'il a qualifiées d'astreintes constituent des périodes de travail effectif, et de le condamner en conséquence à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, alors « que la caractérisation de l'astreinte dépend principalement du degré de sujétion auquel le salarié est soumis durant ses permanences, en dehors des interventions ponctuelles qu'il est conduit à accomplir ; qu'en jugeant que la présence du salarié sur son lieu de travail devait s'analyser comme du travail effectif au motif que cette présence était requise pour lui permettre d'assurer les interventions qui seraient rendues nécessaires par les exigences de sécurité et la présence de public dans l'enceinte de l'hôtel, -ce qui répond à la définition même de l'astreinte-, sans constater précisément qu'il était soumis, durant ces périodes, à des sujétions d'un niveau tel qu'elles lui interdisaient de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause et de l'article L. 3121-1 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail, ce dernier, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.
6. Pour dire que les périodes qualifiées d'astreintes par l'employeur constituaient du temps de travail effectif et le condamner au paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt relève que le salarié effectuait les astreintes dans une chambre d'hôtel ponctuellement mise à sa disposition et que sa présence dans l'établissement était requise pour « répondre aux exigences de sécurité et assurer les interventions rendues nécessaires par la présence de public dans l'enceinte de l'hôtel ». Il retient que ce degré de sujétion excluait pour le salarié de pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles en restant à son domicile ou à proximité et que sa présence, dans ces circonstances, sur son lieu de travail, devait s'analyser comme du travail effectif.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs tirés des conditions d'occupation de la chambre d'hôtel où s'exerçaient les astreintes et de l'obligation d'intervention telle que définie au contrat de travail au titre des astreintes, impropres à caractériser l'impossibilité, pour le salarié, de vaquer librement à des occupations personnelles pendant les périodes litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs avec les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires outre les congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué sur le fondement des critiques développées par le premier moyen, en ce qu'il a requalifié les astreintes en un temps de travail effectif et retenu que le contrat de travail du salarié avait été modifié par l'employeur, emportera sa censure en ce qu'il a retenu que la démission du salarié valait licenciement sans cause réelle et sérieuse et prononcé les condamnations pécuniaires qui s'en suivaient, au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
9. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif prononçant la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant ce dernier au paiement de certaines sommes à ce titre, à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Eco Châteauroux à verser à M. [B] la somme de 570,81 euros à titre de rappel de majorations pour heures supplémentaires outre 57,08 euros de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 24 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Eco Châteauroux
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les périodes qualifiées par la SNC ECO Châteauroux d'astreintes, constituaient des périodes de travail effectif, et de l'AVOIR condamnée en conséquence à verser à Monsieur [B] les sommes de 24.035, 03 € brut à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et 2.403, 51 € brut au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE « Sur les astreintes : (?) ; qu'en l'espèce, il ressort des débats et il n'est pas contesté que M. [B] a effectué des astreintes sans que le formalisme précité ait été respecté ; que cette sujétion résulte du seul contrat de travail et se trouve donc inopposable au salarié pour la période du 15 mars au mois de mai 2013 ; qu'en outre, à compter de cette date, M. [B] s'est vu retirer la contrepartie consistant en un logement de fonction et mettre à disposition ponctuellement une chambre d'hôtel ; que l'employeur soutient que le salarié a pu continuer à vaquer librement à ses occupations pendant ses astreintes et que le changement de logement ou chambre de fonction est indifférent, ce que conteste M. [B] ; qu'il est constant que le domicile de M. [B] se situait à 10 kilomètres de son lieu de travail et que sa présence dans l'établissement était requise pour "répondre aux exigences de sécurité et assurer les interventions rendues nécessaires par la présence de public dans l'enceinte de l'hôtel" ; que ce degré de sujétion exclut pour le salarié de pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles en restant à son domicile ou à proximité, comme le rappelle à juste titre la note interne du groupe le 30 juillet 2015 ; que dès lors, la présence de M. [B], dans ces circonstances, sur son lieu de travail, doit s'analyser comme du travail effectif ; qu'en outre, il sera observé que M. [B] a été remplacé à son poste d'employé polyvalent de nuit, et qu'au vu du descriptif de la fonction et du registre des astreintes, celles-ci visaient à assurer un roulement sur ce poste, peu importe comme l'atteste le personnel, la fréquence des sollicitations ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné la SNC Eco Châteauroux à payer à M. [B] la somme de 24.035,03 euros brut à titre de rappel de salaires pour travail effectif pendant les périodes considérées outre 2.403,51 euros brut au titre des congés payés afférents, sur la base du décompte fourni par le salarié, correspondant au volume porté sur le registre des astreintes, que l'employeur n'a pas discuté ; Sur l'inégalité de traitement : qu'il résulte du principe "à travail égal, salaire égal", un concept jurisprudentiel plus large d'égalité de traitement qui englobe l'ensemble des droits individuels et collectifs des salariés qu'il s'agisse des conditions de rémunération mais aussi d'emploi, de travail, de formation et de garanties sociales ; qu'en l'espèce, M. [B] soutient que son logement de fonction lui a été retiré au profit d'un autre salarié sans juste motif ; que l'employeur explique que, de concert avec l'intéressé, qui avait acheté un logement à proximité de l'établissement, il a mis à sa disposition permanente, en remplacement du logement de fonction prévu au contrat de travail, une chambre de fonction, et ce d'autant que M. [B] s'était vu privé de son permis de conduire et connaissait des problèmes d'ébriété ; qu'il ajoute avoir retiré cet avantage en nature des bulletins de paie du salarié à la demande de ce dernier, pour raisons fiscales, à compter du mois d'avril 2014 ; qu'il résulte des débats et qu'il n'est pas contesté qu'à compter du mois de mai 2013,M. [B], adjoint de direction, n'a plus disposé d'un logement de fonction, contractuellement prévu par son contrat de travail en contrepartie des astreintes auxquelles il était assujetti et qu'il a été attribué à M. [V] [U], employé polyvalent ; qu'il est également avéré qu'à compter du mois d'avril 2014, cet avantage n'a plus figuré sur les bulletins de paie de M. [B] pour réapparaître sur le dernier bulletin émis à titre de régularisation d'avril à décembre 2014 et pour l'année 2015 ; qu'il sera utilement précisé que la société ne dispose que d'un seul logement de fonction ; qu'aucune des assertions de l'employeur n'est toutefois vérifiée, à l'exception de l'inconduite de M. [B], qui ressort des attestations de ses collègues mais qui n'a pas donné lieu à sanction de la part de l'employeur et est en tout cas, sans lien avec la question du retrait du logement de fonction ; qu'en outre, dans son courrier du 18 novembre 2015, en réponse à la prise d'acte de M. [B], la société Eco Châteauroux avance un nouveau moyen, à savoir un accord entre M. [B] et M. [U] pour laisser à ce dernier le bénéfice du logement de fonction, ce qui ne transparaît pas du témoignage accablant de ce dernier ; qu'il y a donc eu modification substantielle du contrat de travail de M. [B] sans l'accord de ce dernier ; que ce manquement de l'employeur à ses obligations ne pourra cependant pas être considéré comme une rupture du principe d'égalité de traitement entre les salariés, M. [B] et M. [U] ne se trouvant pas dans une situation comparable » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « (?) ; qu'aucune preuve de repos compensateur n'est proposé à Monsieur [B] [P] ; qu'aucun document ou preuve d'information auprès de l'inspection du travail ne justifie la mise en place d'un accord, ni même d'une acceptation quelconque de Monsieur [B] [P] ; que Monsieur [B] [P] au moment de la signature de son avenant contractuel en mars 2013 était domicilié [Adresse 2], soit à l'adresse de l'hôtel exploité par la SNC ECO Châteauroux, on considère cette adresse comme adresse légale ;que cela n'était plus le cas par la suite, puisqu'à compter de mai 2013, le logement de fonction était attribué à Monsieur [V] :[U], autre salarié de l'entreprise ; que la SNC ECO Châteauroux ne conteste pas ce fait ; que Monsieur [B] [P] s'est retrouvé par la suite avec une simple chambre d'hôtel pour réaliser ses astreintes; que suite à un courrier, la SNC ECO Châteauroux prétend "c'est Monsieur [B] [P] qui aurait "choisi de laisser le logement de fonction" préférant une simple chambre d'hôtel; que ce courrier n'est pas produit lors des débats; que l'attestation de Monsieur [O] [F] est rejetée des débats, n'étant pas conforme aux dispositions de l'Article 202 du Code de procédure Civile ; qu'en outre, la Cour de Cassation a jugé que «ne peuvent pas être qualifiées de périodes d'astreintes les périodes pendant lesquelles le salarié remplit les mêmes fonctions qu'un autre salarié spécialement employé pour accomplir les mêmes fonctions à d'autres périodes » (Cass. Soc. 9 novembre 2010 n° 08-40535); que contrairement à ce que dit la SNC ECO Châteauroux, le débat ne porte pas sur la durée précise du temps d'intervention de Monsieur [B] [P], mais sur la qualification même des astreintes ; que la direction régionale a adressé à l'ensemble des managers des établissements hôteliers un mail du 30 juillet 2015 rappelant la réglementation en matière d'astreinte : - « il ne peut y avoir d'astreinte dès lors qu'un salarié n'est pas logé; c'est du temps de travail effectif ! » - « de même, il ne suffit pas d'octroyer au salarié, de façon ponctuelle un logement dans le but de lui faire réaliser des astreintes. » - « Risque de requalification en temps effectif plus sanction pénale liée au travail dissimulé... » ; Que la SNC ECO Châteauroux était donc parfaitement au courant de la situation et des risques encourus ; que la SNC ECO Châteauroux sera condamnée à verser à Monsieur [B] [P] la somme de 24 035,03 € brut à titre de rappels de salaires, outre la somme de 2 403,51 au titre des congés payés y afférents » ;
1. ALORS QUE la caractérisation de l'astreinte dépend principalement du degré de sujétion auquel le salarié est soumis durant ses permanences, en dehors des interventions ponctuelles qu'il est conduit à accomplir ; qu'en jugeant que la présence de Monsieur [B] sur son lieu de travail devait s'analyser comme du travail effectif au motif que cette présence était requise pour lui permettre d'assurer les interventions qui seraient rendues nécessaires par les exigences de sécurité et la présence de public dans l'enceinte de l'hôtel, -ce qui répond à la définition même de l'astreinte-, sans constater précisément que le salarié était soumis, durant ces périodes, à des sujétions d'un niveau tel qu'elles lui interdisaient de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause et de l'article L. 3121-1 du même code ;
2. ALORS, AU SURPLUS, QU' en jugeant que la présence de Monsieur [B] sur son lieu de travail devait s'analyser comme un temps de travail effectif au motif qu'il avait été remplacé à son poste d'employé polyvalent de nuit, et qu'au vu du descriptif de la fonction et du registre des astreintes, celles-ci visaient à assurer un roulement sur ce poste, tout en considérant que la fréquence des sollicitations importait peu, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, ne permettant pas de justifier légalement la requalification des périodes d'astreinte en temps de travail effectif, en violation de l'article L. 3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;
3. ALORS QUE si la mise à disposition d'un logement de fonction était prévue durant les périodes d'astreintes tant par le contrat de travail de Monsieur [B] que par une note de la direction générale, l'arrêt attaqué n'explique pas en quoi la mise à disposition d'une chambre d'hôtel comportant tous les éléments d'équipements nécessaires pour permettre au salarié de vaquer à des occupations personnelles ne permettrait pas de tenir que cette condition était remplie en l'espèce ; qu'en statuant ainsi par une affirmation qui n'était pas de nature à établir l'impossibilité pour le salarié de vaquer à des occupations personnelles et sans rechercher si le local mis à sa disposition pendant les permanences de nuit constituait un logement de fonction dans lequel il pouvait précisément vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;
4. ALORS, PAR AILLEURS, QUE la cour d'appel ne pouvait juger que le changement de mode d'hébergement du salarié constituait une modification de son contrat de travail, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de l'appelante, si un mode précis d'hébergement était indiqué au contrat et si le changement opéré n'était pas inhérent au changement de fonctions accepté par le salarié et à la nomination d'un autre salarié affecté à ses anciennes fonctions auxquelles l'ancien logement était attaché, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.1221-1 du code du travail et de l'article 1103 du code civil ;
5. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' à supposer même que le changement de mode d'hébergement ait constitué une faute contractuelle de la part de l'employeur, celle-ci était sans incidence sur la qualification de la période d'astreinte qui suppose que, durant cette période, le salarié ait pu vaquer librement à des occupations personnelles, tout en étant en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise dans les conditions prévues à son contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif inopérant que le contrat de travail de M. [B] a été modifié en raison de la modification de son mode d'hébergement, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné la société ECO Châteauroux à verser à Monsieur [B] les sommes de 24.035,03 € brut à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et 2.403, 51 € brut au titre des congés payés y afférents, 4.060,52 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 406,05 € brut au titre des congés payés y afférents, 3.586,80 € à titre d'indemnité légale de licenciement, 20.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, et 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte des débats et qu'il n'est pas contesté qu'à compter du mois de mai 2013, M. [B], adjoint de direction, n'a plus disposé d'un logement de fonction, contractuellement prévu par son contrat de travail en contrepartie des astreintes auxquelles il était assujetti et qu'il a été attribué à M. [V] [U], employé polyvalent ; qu'il est également avéré qu'à compter du mois d'avril 2014, cet avantage n'a plus figuré sur les bulletins de paie de M. [B] pour réapparaître sur le dernier bulletin émis à titre de régularisation d'avril à décembre 2014 et pour l'année 2015 ; qu'il sera utilement précisé que la société ne dispose que d'un seul logement de fonction ; qu'aucune des assertions de l'employeur n'est toutefois vérifiée, à l'exception de l'inconduite de M. [B], qui ressort des attestations de ses collègues mais qui n'a pas donné lieu à sanction de la part de l'employeur et est en tout cas, sans lien avec la question du retrait du logement de fonction ; qu'en outre, dans son courrier du 18 novembre 2015, en réponse à la prise d'acte de M. [B], la société Eco Châteauroux avance un nouveau moyen, à savoir un accord entre M. [B] et M. [U] pour laisser à ce dernier le bénéfice du logement de fonction, ce qui ne transparaît pas du témoignage accablant de ce dernier ; qu'il y a donc eu modification substantielle du contrat de travail de M. [B] sans l'accord de ce dernier ; que ce manquement de l'employeur à ses obligations ne pourra cependant pas être considéré comme une rupture du principe d'égalité de traitement entre les salariés, M. [B] et M. [U] ne se trouvant pas dans une situation comparable ; Sur la prise d'acte : qu'aux termes des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative du salarié ; qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, celle-ci produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits reprochés à l'employeur sont suffisamment graves et empêchent la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ; qu'en l'espèce, les développements précédents ont permis d'établir que la SNC Eco Châteauroux s'est rendue coupable de plusieurs manquements au préjudice de M. [B], à savoir l'absence de paiement des heures supplémentaires au taux majoré, la qualification indue des permanences de nuit en astreinte et le défaut de paiement du travail effectif ainsi accompli, outre la modification unilatérale du contrat de travail du salarié en lui ôtant la contrepartie de ses astreintes ; que M. [B] a fait part à sa hiérarchie des difficultés liées à son contrat de travail ; dès le 3 mars 2014 puis a écrit à son employeur le 5 octobre 2015 préalablement à sa prise d'acte le 12 octobre suivant ; qu'il convient donc de considérer que ces manquements de la SNC Eco Châteauroux, suffisamment graves, empêchent la poursuite du contrat de travail de M. [B] et donnent à la prise d'acte du salarié les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme l'a justement apprécié le Conseil de prud'hommes de Châteauroux ; que s'agissant de l'indemnisation du salarié, la décision prononcée en première instance apparaît tout à fait pertinente compte tenu des dispositions légales et conventionnelles ainsi que de la situation de M. [B], qui a connu une période d'inactivité jusqu'au 4 septembre 2017 puis de nouveau à compter du 30 septembre 2018 avant de retrouver un emploi le 1er avril 2019, ne bénéficiant en juin 2016 que des minima sociaux ; que la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la SNC Eco Châteauroux à payer à M. [B] les sommes suivantes : 4.060,52 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 406,05 euros brut au titre des congés payés afférents,3.586,80 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - Sur la remise tardive des documents sociaux : qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, l'employeur doit délivrer au salarié un solde de tout compte, un certificat de travail, un dernier bulletin de salaire, l'attestation Pôle emploi et un écrit relatif à la portabilité des garanties de santé et de prévoyance ; qu'en l'espèce, M. [B] reproche à son employeur d'avoir établi le certificat de travail le 15 décembre 2015 et l'attestation Pôle emploi le 24 décembre 2015, ce qui ne lui a pas permis de justifier de sa situation et de ses droits rapidement ; que l'employeur ne fait valoir aucune observation sur ce point et la décision entreprise sera donc confirmée pour avoir accordé 2.000 euros à titre de dommages et intérêts à M. [B] en réparation de son préjudice ; qu'il sera également confirmé d'ordonner à la SNC Eco Châteauroux de délivrer à M. [B] des documents sociaux conformes sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte ; - Sur les autres demandes : que, partie succombante, la SNC Eco Châteauroux sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1.500 euros M. [P] [B] en application de l'article 700 du code de procédure civile » ;
1. ALORS QU' en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué sur le fondement des critiques développées par le premier moyen, en ce qu'il a requalifié les astreintes en un temps de travail effectif et retenu que le contrat de travail de Monsieur [B] avait été modifié par l'employeur, emportera sa censure en ce qu'il a retenu que la démission de Monsieur [B] valait licenciement sans cause réelle et sérieuse et prononcé les condamnations pécuniaires qui s'en suivaient, au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige ;
2. ALORS QUE l'absence de paiement des heures supplémentaires au taux majoré ne pouvait constituer une faute d'une gravité telle qu'elle rendait impossible la poursuite du contrat de travail de M. [B], dès lors que celle-ci n'était pas délibérée et procédait d'une erreur d'interprétation d'une réforme législative complexe, dont les enjeux financiers ne portaient que sur une somme de 570€ pour une période comprise entre mars 2013 et octobre 2015, et n'avait donné lieu à aucune réclamation du salarié, sauf au travers d'une lettre datée du 5 octobre à la suite de laquelle il avait immédiatement pris acte de la rupture de son contrat de travail, sans laisser à la société ECO Châteauroux le temps de procéder aux vérifications nécessaires, de telle sorte qu'en invoquant ce fait pour justifier sa décision de retenir que la rupture du contrat de travail de Monsieur [B] s'analysait en un licenciement sans cause réel et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions des article L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail.