LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 février 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 176 F-D
Pourvoi n° P 19-23.985
Aide juridictionnelle de droit en défense
au profit de M. [W].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
auprès de la Cour de cassation
en date du 14 octobre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022
M. [I] [O], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° P 19-23.985 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [W], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [X] [P], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [M] [G], domicilié [Adresse 1],
4°/ à M. [H] [Y], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [O], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2019), le 18 août 2015, M. [P] a vendu un véhicule d'occasion, mis en circulation en 2005, à M. [O].
2. Le 9 septembre 2016, à la suite d'un contrôle technique du véhicule ayant révélé une modification du compteur kilométrique, M. [O] a assigné M. [P] en résolution de la vente et en indemnisation de ses préjudices, sur le fondement de la garantie des vices cachés. M. [P] a appelé en garantie M. [W], qui lui avait vendu le véhicule et qui a lui-même appelé en garantie les précédents vendeurs du véhicule, MM. [G] et [Y].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « que le vendeur est tenu des vices cachés de la chose vendue quand bien même il ne les aurait pas connus ; qu'il importait donc peu que le vendeur intermédiaire n'ait pas été un vendeur professionnel et qu'il soit établi ou non qu'il était le propriétaire du véhicule vendu au moment où le vice caché était apparu ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1643, 1644 et 1645 du code civil :
4. Selon les deux premiers de ces textes, même s'il n'en avait pas connaissance, le vendeur est tenu des vices cachés, en l'absence de stipulation qu'il ne serait obligé à aucune garantie à ce titre, et l'acheteur a alors le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
5. Selon le troisième, s'il avait connaissance du vice de la chose, le vendeur est tenu, en outre, au paiement de dommages-intérêts.
6. Pour rejeter les demandes formées par M. [O] à l'égard de M. [P], l'arrêt retient que le véhicule a eu plusieurs propriétaires successifs, que M. [P] l'a conservé seulement cinq semaines et a satisfait aux obligations d'un vendeur non-professionnel en produisant un contrôle technique et que rien ne permet d'établir qui était le propriétaire du véhicule au moment de la modification du compteur kilométrique et serait l'auteur de la fraude.
7. En statuant ainsi, par des motifs ne permettant pas d'exclure la garantie de M. [P] à l'égard de M. [O], la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, la cour d'appel, entre les parties, par la cour d'appel d' Aix-en-Provence;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne MM. [W], [P], [G] et [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [O]
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué
D'AVOIR débouté Monsieur [O] de toutes ses demandes
AUX MOTIFS QUE selon la théorie des vices cachés, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à son usage, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; que s'il est établi que le vendeur est un professionnel, tel un garagiste, il est réputé connaître les vices affectant le bien vendu ; qu'il en va tout autrement quand il s'agit, comme en l'espèce, d'un vendeur non professionnel, profane en matière de vente de véhicule ; que c'est à l'acquéreur de démontrer l'existence du vice caché préexistant au jour de la vente ; que Monsieur [P] a acquis le véhicule de Monsieur [W] ; qu'il l'a revendu cinq semaines plus tard à Monsieur [O] ; qu'il a satisfait à toutes les obligations d'un vendeur non professionnel d'un véhicule d'occasion ; qu'on ignore le prix exact payé par l'acheteur, le prix ayant été payé en liquide ; que par ailleurs, si Monsieur [O] a présenté son véhicule dans une concession Volkswagen, quelques semaines après son achat, le garage l'a informé du fait que son véhicule avait été trafiqué au niveau du kilométrage ; que rien ne permet, au regard des pièces présentées à la Cour d'appel, d'affirmer que Monsieur [P] serait l'auteur de cette fraude, le véhicule ayant eu plusieurs propriétaires successifs ; que l'expert protection juridique de Monsieur [O] a déposé un rapport non contradictoire, affirmant qu'il existait une incohérence sur le kilométrage du véhicule et indiquait que la responsabilité de Monsieur [P] en était responsable, sans rechercher si ce dernier était propriétaire du véhicule au moment où l'incohérence est intervenue ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE le vendeur est tenu des vices cachés de la chose vendue « quand bien même il ne les aurait pas connus » ; qu'il importait donc peu que Monsieur [P] n'ait pas été un vendeur professionnel et qu'il soit établi ou non qu'il était le propriétaire du véhicule vendu au moment où le vice caché était apparu ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil.
Le greffier de chambre