LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 février 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 202 F-B
Pourvoi n° B 20-19.493
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022
La société [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-19.493 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2020 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bretagne, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bretagne, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 juin 2020), à la suite d'un contrôle en vue de la recherche des infractions de travail dissimulé, l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF) a notifié à la société « [2] » (la société) une lettre d'observations du 14 février 2013, suivie d'une mise en demeure de payer du 5 juin 2013.
2. Contestant le bien-fondé de ce redressement, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions l'exécution du travail ; qu'en jugeant que M. [V], inscrit au registre des agents commerciaux, était lié à la société par un contrat de travail salarié aux motifs que le contrat de prestations de services conclu entre eux ne correspondait pas aux fonctions d'un agent commercial, que M. [V] était dans une dépendance économique à l'égard de la société qui lui versait une rémunération forfaitaire, qu'il participait aux réunions de la société sur sa stratégie commerciale et les points d'activité et qu'enfin ses missions avaient été ultérieurement confiées à un salarié de l'entreprise embauché à cet effet, sans qu'aucune de ces constatations ne permette de révéler l'exercice par la société d'un pouvoir de direction de contrôle ou de sanction à son endroit, la cour d'appel qui n'a pas même relevé l'intégration de l'activité dans un service organisé, a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre les contractants et a violé les articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1 et L. 311-11, alinéa 1, du code de la sécurité sociale et L. 8221-6, I, du code du travail, le premier et le troisième dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations et contributions litigieuses :
4. Selon le dernier de ces textes, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.
5. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.
6. Pour valider le redressement, l'arrêt retient qu'il existe un faisceau d'indices démontrant le lien de subordination existant entre M. [V] et la société, par le fait que la mission confiée au premier (suivi commercial de clients existants démarchés antérieurement) n'entrait pas dans la définition de l'agent commercial, lequel n'était chargé d'aucune mission de négociation et/ou de conclusion de contrats pour le compte de la société, qu'il travaillait exclusivement pour le compte de la société et était placé dans une situation de dépendance économique à son égard, sans supporter aucun risque économique en ce qu'il percevait une rémunération forfaitaire mensuelle de 2 000 euros HT sans lien avec le chiffre d'affaires réalisé auprès des clients de son portefeuille, qu'il participait aux réunions de la société, notamment celles sur la stratégie commerciale et les points d'activité et qu'à la fin de sa mission, ses fonctions ont été intégralement confiées à un salarié recruté en contrat à durée indéterminée, l'intitulé de son poste étant celui de « chef de secteur ».
7. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique permanente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.
Condamne l'URSSAF de Bretagne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Bretagne et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société [2]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société [2] fait grief à l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Rennes du 30 juin 2019 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait jugé que le contrat de prestations de services de M. [V] devait être qualifié de contrat de travail salarié, confirmé la décision de la commission de recours amiable du 12 décembre 2013 sur le rejet du recours de la société concernant le redressement de l'Urssaf opéré en considération d'un délit de travail dissimulé et condamné la société à verser à l'Urssaf de Bretagne la somme de 211 189 euros sans préjudice des majorations de retard complémentaire et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles
ALORS QUE pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d' un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions l'exécution du travail qu'en jugeant que M. [V], inscrit au registre des agents commerciaux, était lié à la société [2] par un contrat de travail salarié aux motifs que le contrat de prestations de services conclu entre eux ne correspondait pas aux fonctions d'un agent commercial, que M. [V] était dans une dépendance économique à l'égard de la société qui lui versait une rémunération forfaitaire, qu'il participait aux réunions de la société sur sa stratégie commerciale et les points d'activité et qu'enfin ses missions avaient été ultérieurement confiées à un salarié de l'entreprise embauché à cet effet, sans qu'aucune de ces constatations ne permette de révéler l'exercice par la société [2] d'un pouvoir de direction de contrôle ou de sanction à son endroit, la Cour d'appel qui n'a pas même relevé l'intégration de l'activité dans un service organisé, a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre les contractants et a violé les articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société [2] fait grief à l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Rennes du 30 juin 2019 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait jugé que le contrat de prestations de services de M. [V] devait être qualifié de contrat de travail salarié, confirmé la décision de la commission de recours amiable du 12 décembre 2013 sur le rejet du recours de la société concernant le redressement de l'Urssaf opéré en considération d'un délit de travail dissimulé et condamné la société à verser à l'Urssaf de Bretagne la somme de 211 189 euros sans préjudice des majorations de retard complémentaire et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles
ALORS QUE le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié ; qu'en jugeant que « la matérialité du délit de travail dissimulé (?) caractérise l'élément intentionnel requis » pour la reconnaissance d'un délit de travail dissimulé, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-6 du code du travail, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale.