LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mars 2022
Cassation sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 242 F-D
Pourvoi n° G 20-19.430
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
M. [V] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-19.430 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société GJP Groupe Jacques Piron, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Metin Est automobiles, défenderesse à la cassation.
La société GJP groupe Jacques Piron a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [E], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GJP Groupe Jacques Piron, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2019), le 12 avril 2016, M. [E] (l'acquéreur), exerçant l'activité de taxi, a acquis de la société Metin Est automobiles, aux droits de laquelle se trouve désormais la société GJP Groupe Jacques Piron (le vendeur), un véhicule automobile financé par un prêt professionnel.
2. Le 15 novembre 2016, après avoir constaté que le véhicule livré ne pouvait pas être homologué en tant que taxi parisien, l'acquéreur a assigné le vendeur en résiliation du contrat de vente et paiement de dommages-intérêts, en invoquant un manquement à son obligation d'information et de conseil.
3. Le 20 juillet 2018, l'acquéreur a relevé appel du jugement du 1er juin 2018, ayant rejeté l'ensemble de ses demandes. Le vendeur lui a, sur le fondement des articles 562, 901,4°, 910-4 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, opposé que la déclaration d'appel était privée de tout effet dévolutif, que la cour d'appel n'était pas saisie de l'appel et que les demandes de l'acquéreur étaient irrecevables.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
4. Le vendeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement, alors « qu'il résulte de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'en retenant que la sanction de l'absence sur la déclaration d'appel de mention des chefs de jugement critiqué constitue une vice de forme nécessitant que soit rapportée la preuve d'un grief causé par cette irrégularité que la société Metin Est Automobiles ne rapportait pas, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
5. Il résulte de ce texte que, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
6. Pour écarter le moyen du vendeur selon lequel la cour d'appel n'était pas saisie de l'appel et rejeter les demandes de l'acquéreur, l'arrêt retient que, dans sa déclaration du 20 juillet 2018, l'acquéreur a relevé appel de la totalité des chefs du jugement, que, s'il est de principe que la déclaration d'appel fixe les limites de la dévolution à l'égard des personnes intimées, il ne résulte du texte même de l'article 562 aucune fin de non-recevoir et que, de surcroît, si l'article 901, 4°, prévoit la nullité à titre de sanction de l'absence sur la déclaration d'appel de mention des chefs de jugement critiqué, il s'agit d'une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du même code, laquelle nécessite que soit rapportée la preuve du grief que cause à celui qui l'invoque et qu'en l'espèce, le vendeur ne rapporte la preuve d'aucun grief.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acquéreur n'avait pas visé, dans sa déclaration d'appel, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel était limité et qu'aucune régularisation n'était intervenue, de sorte que l'effet dévolutif n'avait pas opéré, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Constate que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. [E]
M. [E] fait grief à l'arrêt attaqué DE l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QU' il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il s'est acquitté de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer quant à l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue ; qu'au cas d'espèce, en repoussant les demandes de M. [E] motifs pris de ce que les pièces contractuelles ne démontraient pas qu'il souhaitait acquérir le véhicule pour exercer l'activité de taxi parisien, et encore qu'il ne démontrait pas avoir informé le vendeur de la spécificité de son activité, quand il incombait à la société Metin Est Automobiles, vendeur professionnel, de prouver qu'elle s'était enquise des besoins de l'acheteur de façon à l'informer de l'adéquation de la chose proposée à l'usage qui devait en être fait, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016), ensemble les articles 1147, 1602 et 1615 du même code (le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016). Moyen produit, au pourvoi incident, par la SARL Rousseau et Tapie, avocats aux conseils de la Société GJP groupe Jacques Piron
La société GJP Groupe Jacques Piron, venant aux droits de la société Metin Est Automobiles, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à voir juger que la déclaration d'appel de M. [E] était privée de tout effet dévolutif, que la cour n'était pas saisie de l'appel et, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes, fins et prétentions formées par M. [V] [E] ;
Alors qu'il résulte de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'en retenant que la sanction de l'absence sur la déclaration d'appel de mention des chefs de jugement critiqué constitue une vice de forme nécessitant que soit rapportée la preuve d'un grief causé par cette irrégularité que la société Metin Est Automobiles ne rapportait pas, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
Le greffier de chambre