LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 avril 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 430 F-D
Pourvoi n° T 21-12.520
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2022
1°/ Mme [B] [O],
2°/ Mme [V] [C], épouse [X],
toutes deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° T 21-12.520 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [D] [U], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Laac, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à M. [A] [H], domicilié [Adresse 1],
4°/ à la société [K]-[T]-[W], société civile professionnelle, notaire, dont le siège est [Adresse 1], anciennement [H] [K] [T],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mmes [O] et [C], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H] et de la société [K]-[T]-[W], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [U], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2021), Mme [O] et Mme [C], avocates, sont locataires, depuis l'année 2004, de locaux professionnels appartenant à la SCI Laac, dont M. [U], avocat, ainsi que son épouse, sont associés.
2. Après signature d'une promesse synallagmatique de vente le 7 mai 2010, la SCI Laac a vendu ce local, par acte authentique du 22 décembre 2010 dressé par M. [H], notaire, à la SCI Thémis dont Mme [O] et Mme [C] sont devenues associées, avec M. [U], le 17 novembre 2010.
3. Mme [O] et Mme [C] ont assigné M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP de notaires [H]-[L]-[T] aux fins d'obtenir le versement de dommages-intérêts sur le fondement du dol et de la réticence dolosive.
4. Par jugement du 8 février 2018, un tribunal de grande instance a notamment débouté Mme [O] et Mme [C] de toutes leurs demandes, déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en paiement présentée par M. [U] tendant au paiement de frais exposés à l'égard de la SCI Themis et au titre de loyer pour des locaux qu'il n'a pu occuper, ainsi qu'au titre de sa participation aux frais de la SCM Phocéenne d'avocats, débouté M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP de notaires [H]-[L]-[T] de leurs demandes reconventionnelles tendant à l'octroi de dommages-intérêts, rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné in solidum Mme [O] et Mme [C] aux dépens.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Mmes [O] et [C] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la SCI Laac, M. [U], M. [H] et la SCP [H]-[K]-[T], alors « que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; qu'en se référant, pour débouter Mmes [O] et [C] de leurs demandes indemnitaires, à leurs conclusions du 11 septembre 2018, quand elles avaient déposé et notifié les 16 décembre 2019, puis le 12 novembre 2020, des conclusions récapitulatives, lesquelles complétaient leurs précédentes écritures et dont il n'est pas établi qu'elles auraient été prises en considération, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile :
6. Il résulte de ces textes que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.
7. Pour rejeter les demandes indemnitaires sur le fondement du dol et de la réticence dolosive, puis les condamner aux dépens et au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt se prononce au visa des conclusions notifiées le 11 septembre 2018 par Mmes [O] et [C].
8. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions que Mmes [O] et [C] avaient déposé, le 12 novembre 2020 des conclusions développant une argumentation complémentaire, soutenue par de nouvelles pièces, à laquelle s'ajoutait une nouvelle demande portant sur une vérification d'écriture, la cour d'appel, qui n'a pas visé ces dernières conclusions et qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle les aurait prises en considération, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP [K]-[T]-[W] anciennement [H]-[K]-[T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP [K]-[T]-[W] anciennement [H]-[K]-[T] à payer à Mmes [O] et [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et signé par Mme Martinel, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SPC Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour Mmes [O] et [C]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Mmes [O] et [X] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutées de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la SCI Laac, M. [U], M. [H] et la SCP [H]-[K]-[T] ;
ALORS QUE le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; qu'en se référant, pour débouter Mmes [O] et [X] de leurs demandes indemnitaires, à leurs conclusions du 11 septembre 2018, quand elles avaient déposé et notifié les 16 décembre 2019, puis le 12 novembre 2020, des conclusions récapitulatives, lesquelles complétaient leurs précédentes écritures et dont il n'est pas établi qu'elles auraient été prises en considération, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Mmes [O] et [X] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutées de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la SCI Laac, M. [U], M. [H] et la SCP [H]-[K]-[T] ;
1°) ALORS QUE le juge ne saurait dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en considérant, pour écarter toute réticence dolosive de M. [U] et de la SCI Laac à l'encontre de Mmes [O] et [X], que, lors de la vente de l'immeuble, aucun élément ne leur avait été dissimulé et n'avait pu vicier leur consentement dès lors que, contrairement à ce qui était soutenu et à ce qui avait été retenu par les premiers juges, il résultait de la pièce n° 6 produite par Mmes [O] et [X] que les deux procès-verbaux des deux assemblées générales des 24 novembre 2010 et 16 décembre 2010, renseignant sur l'existence d'un litige en cours et d'une expertise, avaient été tous les deux joints à l'acte authentique de vente du 22 décembre 2010 et qu'ils portaient le cachet de leur annexion par le notaire à cet acte, quand la pièce n° 6 était l'acte authentique sans ses annexes, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 16 décembre 2010 était la pièce n° 25, outre qu'elle ne portait pas le cachet de son annexion à l'acte du 22 décembre 2010, et qu'il n'existait aucun procès-verbal d'une assemblée générale en date du 24 novembre 2010, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
2°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en ajoutant que le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 24 novembre 2010 mentionnait la procédure en cours et surtout un « point à faire sur les travaux » et « l'expert nommé par le tribunal », quand aucune des parties n'avait versé aux débats le procès-verbal d'une assemblée générale en date du 24 novembre 2010, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, sans répondre aux dernières conclusions de Mmes [O] et [X] faisant valoir que l'acte authentique de vente du 22 décembre 2010 comportait une erreur en ce qu'il visait le procès-verbal d'une assemblée générale en date du 24 novembre 2010 qui avait eu lieu le 24 novembre 2009, de sorte qu'aucune assemblée générale n'était intervenue le 24 novembre 2010, et que le seul procès-verbal d'assemblée général annexé à l'acte du 22 décembre 2010 était celui de l'assemblée générale du 24 novembre 2009, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en ne répondant pas plus aux dernières conclusions de Mmes [O] et [X] en ce qu'elles recherchaient la responsabilité de M. [H] et de la SCP [H]-[K]-[T], notaires, qui avaient établi l'acte authentique de vente du 22 décembre 2010 comportant une erreur en tant qu'il visait le procès-verbal d'une assemblée générale en date du 24 novembre 2010 qui avait eu lieu le 24 novembre 2009, de sorte qu'aucune assemblée générale n'était intervenue le 24 novembre 2010, et que le seul procès-verbal d'assemblée général annexé à l'acte était celui de l'assemblée générale du 24 novembre 2009, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en considérant enfin que les premiers juges avaient justement retenu l'absence de préjudice de Mmes [O] et [X] en lien de causalité avec un dol, sans répondre aux dernières conclusions des intéressées soutenant que la revente des locaux, envisagée au prix de 350.000 €, n'avait pas eu lieu et ne pouvait être espérée pour ce prix, que les conditions financières de la vente, comprenant l'emprunt et les frais, auraient été minorées si elle avait eu lieu pour un prix moindre et qu'elles subissaient une perte de valeur de leurs parts de la SCI Themis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.