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18/05/2022 | FRANCE | N°20-21575

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2022, 20-21575


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 600 F-D

Pourvoi n° Q 20-21.575

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

La société du Mas de Meyrié, société civile d'expl

oitation agricole, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 20-21.575 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de G...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 600 F-D

Pourvoi n° Q 20-21.575

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

La société du Mas de Meyrié, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 20-21.575 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [Z], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société du Mas de Meyrié, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société du Mas de Meyrié du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 octobre 2020), M. [Z] a été engagé en qualité de palefrenier agent d'entretien par la société du Mas de Meyrié (la société) pour la période du 13 octobre 2014 au 13 octobre 2015, suivant contrat de travail écrit à durée déterminée soumis à la convention collective des centres équestres. Il a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 6 juillet 2015, prolongé par la suite de façon continue jusqu'au terme de son contrat de travail.

3. Le 28 juillet 2016, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires au cours de la période d'emploi d'octobre 2014 à octobre 2015 et de demandes indemnitaires pour harcèlement moral et travail dissimulé.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a fait l'objet d'un harcèlement moral et de la condamner à ce titre à lui verser une certaine somme, alors :

« 2°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur une preuve obtenue en méconnaissance du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; que par ailleurs, l'inspecteur du travail, fonctionnaire assermenté en charge de faire respecter la législation du travail, de constater les infractions éventuelles et de les faire cesser, est tenu d'une obligation d'impartialité et d'un devoir de discrétion et de confidentialité ; que constitue un élément de preuve déloyal devant être écarté des débats en raison du manquement de son auteur à ces obligations la lettre que l'un des inspecteurs du travail participant à un contrôle collégial adresse, au cours de ce contrôle, au salarié l'ayant déclenché, pour lui faire part, sans en attendre l'issue, des constatations, observations et éléments recueillis à charge de l'employeur et de sa conviction personnelle quant à l'existence d'infractions susceptibles de lui être reprochées ; qu'en retenant à l'appui de sa décision déclarant la SCEA du Mas de Meyrié coupable de harcèlement moral les indications et éléments fournis par l'inspecteur [U] dans une lettre adressée par ses soins à M. [Z] le 8 avril 2016 au cours d'un contrôle collégial pour lui faire part des éléments à charge recueillis lors de ce contrôle en cours et de sa conviction en résultant quant au bien fondé de sa plainte la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément de preuve obtenu de façon déloyale, a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;

3°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur une preuve obtenue en méconnaissance du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; que par ailleurs, l'inspecteur du travail, fonctionnaire assermenté en charge de faire respecter la législation du travail, de constater les infractions éventuelles et de les faire cesser, est tenu d'une obligation d'impartialité et d'un devoir de discrétion et de confidentialité ; que constitue un élément de preuve déloyal devant être écarté des débats en raison du manquement de son auteur à ses obligations d'impartialité et de discrétion la lettre qu'un inspecteur du travail adresse en copie à un autre salarié que celui ayant déclenché le contrôle pour l'informer de faits constatés ou présumés, de réflexions personnelles, des failles de la défense de l'employeur, du conflit l'opposant personnellement à celui-ci et de pistes de contestation, recueillies par lui-même ou par d'autres contrôleurs à l'occasion d'autres contrôles, dans l'optique expresse d'alimenter sa défense et celle de collègues dans les différentes procédures prud'homales en cours les opposant respectivement à l'employeur ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que ‘‘M. [U] a confirmé dans un courrier du 8 juin 2018 des conditions de travail dégradées pour les salariés des haras d'après les contrôles qu'il a effectués sur place selon les témoignages d'anciens salariés et de clients, précisant qu'il lui a été rapporté un état d'alcoolisme fréquent des gérants sur le lieu de travail'', quand la lettre du 8 juillet 2018 était la lettre adressée à une salariée, Mme [P], et à M. [Z], destinataire en copie, par l'inspecteur du travail [U] sous sa seule signature, pour leur faire part des faits constatés à l'occasion de plusieurs contrôles collégiaux, du conflit personnel l'opposant à leur employeur, de ses opinions sur les éléments de la défense de l'employeur et des moyens susceptibles de lui être opposés dans l'optique, expressément précisée, que cette lettre fût produite pour appuyer leur position dans les différentes procédures prud'homales en cours les opposant à la SCEA du Mas de Meyrié la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément de preuve obtenu de façon déloyale, a violé derechef les articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve. »

Réponse de la Cour

6. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'employeur a soutenu devant la cour d'appel un moyen pris de la violation des articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou du principe de loyauté dans l'administration de la preuve.

7. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est dès lors irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société du Mas de Meyrié aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société du Mas de Meyrié et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société du Mas de Meyrié

La SCEA du Mas de Meyrié fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que M. [V] [Z] a fait l'objet d'un harcèlement moral et de l'avoir condamnée à ce titre à verser à M. [Z] une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QUE ne constitue pas un comportement susceptible de caractériser un harcèlement moral l'alcoolisation éventuelle de l'employeur sur le lieu de travail, dès lors qu'elle ne se traduit pas pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant –à huit reprises– comme faits qui pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral (arrêt p. 9 alinéa 3) l'addiction à l'alcool des gérants de la SCEA du Mas de Meyrié sans pour autant caractériser que cet alcoolisme se serait traduit, pour M. [Z] par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur une preuve obtenue en méconnaissance du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; que par ailleurs, l'inspecteur du travail, fonctionnaire assermenté en charge de faire respecter la législation du travail, de constater les infractions éventuelles et de les faire cesser, est tenu d'une obligation d'impartialité et d'un devoir de discrétion et de confidentialité ; que constitue un élément de preuve déloyal devant être écarté des débats en raison du manquement de son auteur à ces obligations la lettre que l'un des inspecteurs du travail participant à un contrôle collégial adresse, au cours de ce contrôle, au salarié l'ayant déclenché, pour lui faire part, sans en attendre l'issue, des constatations, observations et éléments recueillis à charge de l'employeur et de sa conviction personnelle quant à l'existence d'infractions susceptibles de lui être reprochées ; qu'en retenant à l'appui de sa décision déclarant la SCEA du Mas de Meyrié coupable de harcèlement moral les indications et éléments fournis par l'inspecteur [U] dans une lettre adressée par ses soins à M. [Z] le 8 avril 2016 au cours d'un contrôle collégial pour lui faire part des éléments à charge recueillis lors de ce contrôle en cours et de sa conviction en résultant quant au bien-fondé de sa plainte la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément de preuve obtenu de façon déloyale, a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur une preuve obtenue en méconnaissance du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; que par ailleurs, l'inspecteur du travail, fonctionnaire assermenté en charge de faire respecter la législation du travail, de constater les infractions éventuelles et de les faire cesser, est tenu d'une obligation d'impartialité et d'un devoir de discrétion et de confidentialité ; que constitue un élément de preuve déloyal devant être écarté des débats en raison du manquement de son auteur à ses obligations d'impartialité et de discrétion la lettre qu'un inspecteur du travail adresse en copie à un autre salarié que celui ayant déclenché le contrôle pour l'informer de faits constatés ou présumés, de réflexions personnelles, des failles de la défense de l'employeur, du conflit l'opposant personnellement à celui-ci et de pistes de contestation, recueillies par lui-même ou par d'autres contrôleurs à l'occasion d'autres contrôles, dans l'optique expresse d'alimenter sa défense et celle de collègues dans les différentes procédures prud'homales en cours les opposant respectivement à l'employeur ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que « M. [U] a confirmé dans un courrier du 8 juin 2018 des conditions de travail dégradées pour les salariés des haras d'après les contrôles qu'il a effectués sur place selon les témoignages d'anciens salariés et de clients, précisant qu'il lui a été rapporté un état d'alcoolisme fréquent des gérants sur le lieu de travail », quand la lettre du 8 juillet 2018 était la lettre adressée à une salariée, Mme [P], et à M. [Z], destinataire en copie, par l'inspecteur du travail [U] sous sa seule signature, pour leur faire part des faits constatés à l'occasion de plusieurs contrôles collégiaux, du conflit personnel l'opposant à leur employeur, de ses opinions sur les éléments de la défense de l'employeur et des moyens susceptibles de lui être opposés dans l'optique, expressément précisée, que cette lettre fût produite pour appuyer leur position dans les différentes procédures prud'homales en cours les opposant à la SCEA du Mas de Meyrié la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément de preuve obtenu de façon déloyale, a violé derechef les articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;

4°) ALORS QUE lorsqu'un contrôle de l'application de la législation du travail est réalisé par plusieurs inspecteurs, le document constatant les infractions commises doit être signé de l'ensemble d'entre eux ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que c'est un contrôle collégial qui était à l'origine des courriers de M. [U] du 8 avril 2016 et 8 juin 2018, la cour d'appel évoquant « ...les contrôles qu'il a réalisés non pas seul mais pour le premier contrôle en présence d'une inspectrice du travail et d'un contrôleur du travail, pour le second avec un contrôleur du travail » ; qu'en retenant à l'appui de sa décision déclarant la SCEA du Mas de Meyrié coupable de harcèlement moral les indications résultant de lettres adressée par l'inspecteur [U] sous sa seule signature à M. [Z] les 8 avril 2016 et 8 juin 2018, concernant ces contrôles collégiaux, pour lui faire part des éléments à charge recueillis lors de ces contrôles et de sa conviction personnelle en résultant quant au bien-fondé de sa plainte, et lui suggérer des griefs, la cour d'appel qui s'est fondée sur un élément de preuve illicite, a violé l'article L. 8113-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21575
Date de la décision : 18/05/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 15 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2022, pourvoi n°20-21575


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21575
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