LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2022
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 662 F-D
Pourvoi n° N 21-13.619
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022
1°/ la société [F] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par Mme [T] [F], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Néo services,
2°/ la société [F] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° N 21-13.619 contre le jugement rendu le 19 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand (section commerce), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [Y] [N], domiciliée [Adresse 3],
2°/ au Centre de gestion et d'étude AGS Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société [F] Yang-Ting, ès qualités, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [N], après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (Clermont-Ferrand, 19 janvier 2021), rendu en dernier ressort, la société [F] Yang-Ting, désignée liquidateur judiciaire de la société Néo services, alors placée en liquidation judiciaire, a été condamnée par un jugement du 11 septembre 2018, en cette qualité, à remettre les documents de fin de contrat de travail à Mme [N], sous astreinte.
2. La salariée a ensuite saisi la juridiction prud'homale d'une demande de liquidation de l'astreinte à l'encontre du liquidateur judiciaire personnellement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société [F] Yang-Ting fait grief à l'arrêt de déclarer recevables et bien fondées les demandes de la salariée et de la condamner en conséquence à payer à cette dernière une somme au titre de la liquidation de l'astreinte, alors « que l'astreinte ne peut être liquidée qu'à l'encontre du débiteur de l'obligation qui en est assortie, pris en la même qualité que celle en laquelle il a été initialement condamné ; qu'en l'espèce, le jugement du 11 décembre 2018 avait condamné sous astreinte la SELARL [F] Yang-Ting, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Néo services, à remettre à Mme [N] les documents de fin de contrat de travail ; qu'en condamnant la société [F] Yang-Ting à titre personnel à verser à Mme [N] une somme de 1 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte, au lieu de fixer cette créance au passif de la société Néo services, la cour d'appel a violé les articles L. 131-1 et L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 480 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 131-1 et L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution :
4. Selon ces textes, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
5. Pour condamner personnellement la société [F] Yang-Ting au paiement de l'astreinte qu'il a liquidée, le conseil de prud'homme, relève que par jugement du 11 septembre 2018, il a été ordonné à la société [F] Yang-Ting, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Néo services, de remettre plusieurs documents afférents à la rupture du contrat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du jugement, la décision précise que l'astreinte est limitée à un mois. Il retient qu'il n'est pas contredit que les documents en cause ont été remis à la salariée le 24 novembre suivant, qu'en conséquence, cette obligation de faire incombant au liquidateur, c'est bien ce dernier qui n'a pas rempli ses obligations découlant du jugement, il lui revient ainsi de payer la somme mise à sa charge en application de la décision de justice.
6. En statuant ainsi, alors que l'astreinte n'avait été prononcée contre la société [F] Yang-Ting qu'en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Néo services, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. Il est fait application, ainsi qu'il est suggéré en demande et en défense, des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il convient de déclarer la salariée irrecevable en sa demande tendant à la liquidation de l'astreinte, en ce qu'elle est dirigée contre la société [F] Yang-Ting personnellement.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société [F] Yang-Ting, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Mme [N] les sommes de 1 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare Mme [N] irrecevable en sa demande tendant à la liquidation de l'astreinte, en ce qu'elle est dirigée contre la société [F] Yang-Ting personnellement ;
Condamne Mme [N] aux dépens , en ce compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, en celles comprises devant le conseil de prud'hommes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société [F] Yang-Ting, ès qualités, et la société [F] Yang-Ting
La SELARL [F] Yang-Ting fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré recevables et bien fondées les demandes de Mme [N] et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à cette dernière la somme de 1 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;
alors que l'astreinte ne peut être liquidée qu'à l'encontre du débiteur de l'obligation qui en est assortie, pris en la même qualité que celle en laquelle il a été initialement condamné ; qu'en l'espèce, le jugement du 11 décembre 2018 avait condamné sous astreinte la SELARL [F] Yang-Ting ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Néo Services à remettre à Mme [N] les documents de fin de contrat de travail ; qu'en condamnant la société [F] Yang-Ting à titre personnel à verser à Mme [N] une somme de 1 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte, au lieu de fixer cette créance au passif de la société Néo Services, la cour d'appel a violé les articles L. 131-1 et L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 480 du code de procédure civile.