LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2022
Rejet
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 415 F-D
Pourvoi n° M 20-20.146
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JUIN 2022
Mme [D] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 20-20.146 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [R] [C], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société Pharmacie Sèvres Vaneau, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Fides, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [T] [I], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Pharmacie Sèvres Vaneau,
défendeurs à la cassation.
M. [C] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal et le demandeur au pourvoi incident invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Regis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [C], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Pharmacie Sèvres Vaneau et de la société Fides, ès qualités, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Regis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2020), la société Pharmacie Sèvres Vaneau, représentée par sa gérante et associée unique, Mme [E], a conclu avec M. [C] une promesse synallagmatique de vente d'un fonds de commerce de pharmacie pour le prix de 800 000 euros. M. [C] était assisté par Mme [O], avocate. La promesse de vente était conclue sous plusieurs conditions suspensives, dont l'obtention par l'acquéreur d'un prêt bancaire, au plus tard le 12 mai 2015, délai prorogé au 31 mai suivant.
2. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 juin 2015, Mme [O] a indiqué à Mme [E] que son client n'avait pas obtenu le prêt sollicité et que la promesse de vente était donc caduque.
3. Invoquant la tardiveté de la notification de la non-réalisation de la condition suspensive relative à l'obtention du prêt, la société Pharmacie Sèvres Vaneau a assigné en paiement de l'indemnité contractuelle M. [C], lequel a appelé Mme [O] en garantie.
4. La société Fides a été désignée ultérieurement en qualité de mandataire judiciaire de la société Pharmacie Sèvres Vaneau.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
5. Par leur moyen, Mme [O] et M. [C] font grief à l'arrêt de condamner celui-ci à payer à la société Pharmacie Sèvres Vaneau la somme de 80 000 euros et de condamner Mme [O] de la condamner à garantir M. [C] de cette condamnation, alors :
« 1°/ que la condition suspensive n'est réputée accomplie que lorsque le débiteur en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir, pour réputer la condition suspensive d'obtention du prêt accomplie, que M. [C] n'avait pas notifié la défaillance de la condition par lettre recommandée dans le délai prévu par la promesse, tout en constatant que la condition avait défailli dans le délai de réalisation stipulé, que cette défaillance était due à un refus opposé par trois établissements de crédit et qu'elle avait été notifiée au vendeur par lettre simple dans le délai imparti, de sorte que la faute imputée à l'acquéreur n'était pas la cause de la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1178, devenu 1304-3, du code civil ;
2°/ Que l'article 12 de la promesse litigieuse érigeait en condition suspensive l'obtention du prêt, et non le respect des formes et délais de notification des refus de prêt ; qu'en retenant, pour réputer la condition accomplie, que la défaillance de la condition, imputable à M. [C], résultait du non-respect des formes et délais de notification des refus de prêt, la cour d'appel a dénaturé ladite promesse et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
3°/ Que, une clause pénale ne peut être appliquée hors des circonstances prévues par la convention ; qu'en sanctionnant la notification tardive par lettre recommandée de la défaillance de la condition par la condamnation de M. [C] au paiement de la somme prévue par la clause pénale, quand cette clause ne sanctionnait que le refus de réitérer la vente dont les conditions suspensives étaient réalisées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, dans leurs rédactions applicables à l'espèce ;
4°/ Que les conventions sur la preuve ne peuvent établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable ; qu'en jugeant que la condition devait être réputée accomplie, et l'acquéreur sanctionné par le jeu de la clause pénale, au seul motif que les formes et modalités de notification de la défaillance de la condition n'avaient pas été respectées, tout en constatant qu'il était "établi" qu'au jour de l'expiration du délai de réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt, M. [C] s'était vu opposé trois refus de prêt, par des établissements de crédit, qu'il avait notifiés au conseil de la venderesse, la cour d'appel a attaché à l'absence de lettre recommandée AR dans les délais une présomption irréfragable de réalisation de la condition suspensive et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code, dans leurs rédactions applicables à l'espèce. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, le moyen, pris en ses première et troisième branches, est nouveau et mélangé de fait et de droit.
7. En deuxième lieu, le grief de dénaturation de la deuxième branche est nouveau pour n'avoir pas été invoqué devant la cour d'appel contre le jugement qui avait commis la dénaturation critiquée.
8. En dernier lieu, ayant constaté que la promesse synallagmatique de vente avait été conclue sous plusieurs conditions suspensives, dont celle, prévue par son article 12.1, de l'obtention par l'acquéreur d'un concours ou prêt bancaire, et relevé que cette clause mettait à la charge de ce dernier une obligation de notifier au vendeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la non-réalisation de cette condition avant le 12 mai 2015, date ultérieurement prorogée d'un commun accord au 31 mai 2015, mais que cette notification n'était intervenue que le 4 juin 2015, ce dont il se déduisait qu'il ne s'agissait pas d'une convention de preuve entre les parties, la cour d'appel a exactement décidé que la condition suspensive, selon les termes du contrat, était réputée réalisée, de sorte que l'acquéreur était tenu au paiement de l'indemnité prévue par le contrat dans cette hypothèse.
9. Pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [O] et M. [C] et condamne Mme [O] à payer à la société Fides, mandataire judiciaire de la société Pharmacie Sèvres Vaneau, et à la société Pharmacie Sèvres Vaneau, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [O].
M. [D] [O] FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. [R] [C] à payer à la SELARL Pharmacie Sèvres Vaneau la somme de 80 000 euros et de l'AVOIR condamné à garantir M. [C] de cette condamnation ;
1° ALORS QUE la condition suspensive n'est réputée accomplie que lorsque le débiteur en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir, pour réputer la condition suspensive d'obtention du prêt accomplie, que M. [C] n'avait pas notifié la défaillance de la condition par lettre recommandée dans le délai prévu par la promesse, tout en constatant que la condition avait défailli dans le délai de réalisation stipulé, que cette défaillance était due à un refus opposé par trois établissements de crédit et qu'elle avait été notifiée au vendeur par lettre simple dans le délai imparti, de sorte que la faute imputée à l'acquéreur n'était pas la cause de la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1178, devenu 1304-3, du code civil ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, l'article 12 de la promesse litigieuse érigeait en condition suspensive l'obtention du prêt, et non le respect des formes et délais de notification des refus de prêt ; qu'en retenant, pour réputer la condition accomplie, que la défaillance de la condition, imputable à M. [C], résultait du non-respect des formes et délais de notification des refus de prêt, la cour d'appel a dénaturé ladite promesse et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, une clause pénale ne peut être appliquée hors des circonstances prévues par la convention ; qu'en sanctionnant la notification tardive par lettre recommandée de la défaillance de la condition par la condamnation de M. [C] au paiement de la somme prévue par la clause pénale, quand cette clause ne sanctionnait que le refus de réitérer la vente dont les conditions suspensives étaient réalisées (promesse, p. 37 et 38), la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, dans leurs rédactions applicables à l'espèce ;
4° ALORS QU'en toute hypothèse, les conventions sur la preuve ne peuvent établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable ; qu'en jugeant que la condition devait être réputée accomplie, et l'acquéreur sanctionné par le jeu de la clause pénale, au seul motif que les formes et modalités de notification de la défaillance de la condition n'avaient pas été respectées, tout en constatant qu'il était « établi » qu'au jour de l'expiration du délai de réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt, M. [C] s'était vu opposé trois refus de prêt, par des établissements de crédit, qu'il avait notifiés au conseil de la venderesse (arrêt, p. 6, al. 1er), la cour d'appel a attaché à l'absence de lettre recommandée AR dans les délais une présomption irréfragable de réalisation de la condition suspensive et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code, dans leurs rédactions applicables à l'espèce.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. [C].
M. [C] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la SELARL Pharmacie Sèvres Vaneau la somme de 80 000 €,
1) ALORS QUE la condition suspensive n'est réputée accomplie que lorsque le débiteur en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir, pour réputer la condition suspensive d'obtention du prêt accomplie, que M. [C] n'avait pas notifié la défaillance de la condition par lettre recommandée dans le délai prévu par la promesse, tout en constatant que la condition avait défailli dans le délai de réalisation stipulé, que cette défaillance était due à un refus opposé par trois établissements de crédit et qu'elle avait été notifiée au vendeur par lettre simple dans le délai imparti, de sorte que la faute imputée à l'acquéreur n'était pas la cause de la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1178, devenu 1304-3, du code civil,
2) ALORS QUE l'article 12 de la promesse litigieuse érigeait en condition suspensive l'obtention du prêt, et non le respect des formes et délais de notification des refus de prêt ; qu'en retenant, pour réputer la condition accomplie, que la défaillance de la condition, imputable à M. [C], résultait du non-respect des formes et délais de notification des refus de prêt, la cour d'appel a dénaturé ladite promesse et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.
3) ALORS QU'une clause pénale ne peut être appliquée hors des circonstances prévues par la convention; qu'en sanctionnant la notification tardive par lettre recommandée de la défaillance de la condition par la condamnation de M. [C] au paiement de la somme prévue par la clause pénale, quand cette clause ne sanctionnait que le refus de réitérer la vente dont les conditions suspensives étaient réalisées (promesse, p. 37 et 38), la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, dans leurs rédactions applicables à l'espèce.
4) ALORS QUE les conventions sur la preuve ne peuvent établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable ; qu'en jugeant que la condition devait être réputée accomplie, et l'acquéreur sanctionné par le jeu de la clause pénale, au seul motif que les formes et modalités de notification de la défaillance de la condition n'avaient pas été respectées, tout en constatant qu'il était « établi» qu'au jour de l'expiration du délai de réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt, M. [C] s'était vu opposé trois refus de prêt, par des établissements de crédit, qu'il avait notifiés au conseil de la venderesse (arrêt, p. 6, al. 1er), la cour d'appel a attaché à l'absence de lettre recommandée AR dans les délais une présomption irréfragable de réalisation de la condition suspensive et ainsi violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code, dans leurs rédactions applicables à l'espèce.