LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 juin 2022
Rejet
Mme VAISSETTE, conseiller le plus ancien
non empêché, faisant fonction de président
Arrêt n° 423 F-D
Pourvoi n° C 21-11.655
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JUIN 2022
1°/ La société Logistic Park Garons, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ la société Jean Denis Silvestri-Bernard Baujet, mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises près les tribunaux de la cour, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. Bernard Baujet, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Logistic Park Garons,
ont formé le pourvoi n° C 21-11.655 contre l'arrêt n° RG 19/04022 rendu le 20 décembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre commerciale) et l'arrêt n° RG 18/01587 rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Logistic Park Garons et de la société Jean Denis Silvestri-Bernard Baujet, ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 20 décembre 2019, RG n° 19/04022 et 18 janvier 2021, RG n° 18/01587), la société Logistic Park Garons (la société LPG) a été mise en redressement judiciaire le 7 décembre 2016, les sociétés Silvestri-Baujet et [R] [B] étant respectivement désignées mandataire et administrateur judiciaires.
2. La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) a déclaré une créance qui a été contestée par une lettre du mandataire judiciaire, à laquelle la banque n'a pas répondu.
Examen des moyens
Sur le second moyen, en ce qu'il attaque l'arrêt du 18 janvier 2021, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation
Et sur le premier moyen, en ce qu'il attaque l'arrêt du 20 décembre 2019
Enoncé du moyen
4. La société Logistic Park Garons et son mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel de la banque, alors :
« 1°/ que conformément à l'article R. 624-1 du code de commerce, le courrier par lequel le mandataire judiciaire avise le créancier de la contestation d'une créance déclarée reproduit les seules mentions de l'article L. 622-27 du code de commerce qui informent ce dernier des conséquences de l'absence de réponse à un tel courrier ; qu'en l'espèce, en retenant que, pour faire courir le délai de trente jours, la lettre adressée par le mandataire judiciaire au créancier devait reproduire la mention de l'article L. 622-27 réservant, par exception, la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai imparti lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
2°/ que en retenant que, pour faire courir le délai de trente jours, la lettre adressée par le mandataire judiciaire au créancier devait inclure la mention de l'article L. 622-27 réservant, par exception, la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai imparti lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée si l'absence de mention de cette exception avait une incidence sur les droits de la société CRCAMA à discuter les propositions de rejet des créances, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. C'est à bon droit, sans avoir à effectuer la recherche inopérante invoquée par la seconde branche, que l'arrêt retient, en application des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce, que pour faire courir le délai de trente jours au-delà duquel l'absence de réponse du créancier emporte interdiction de toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, la lettre adressée par ce dernier au créancier doit obligatoirement contenir un avertissement quant aux conséquences de son abstention, par la reproduction de l'article L. 622-27 du code de commerce, y compris la mention de ce texte réservant la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai, lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Logistic Park Garons et la société Silvestri-Baujet, en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Logistic Park Garons et la société Silvestri-Baujet, ès qualités, et les condamne à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Logistic Park Garons et la société Silvestri-Baujet, ès qualités.
- SUR L'ARRÊT DU 20 DECEMBRE 2019 -
La société LOGISTIC PARK GARONS et la société SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités de mandataire judiciaire, reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance rendue le 4 juillet 2019 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux et, partant, d'avoir déclaré l'appel interjeté par la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE recevable.
1°) Alors que, de première part, conformément à l'article R. 624-1 du code de commerce, le courrier par lequel le mandataire judiciaire avise le créancier de la contestation d'une créance déclarée reproduit les seules mentions de l'article L. 622-27 du code de commerce qui informent ce dernier des conséquences de l'absence de réponse à un tel courrier ; qu'en l'espèce, en retenant que, pour faire courir le délai de trente jours, la lettre adressée par le mandataire judiciaire au créancier devait reproduire la mention de l'article L. 622-27 réservant, par exception, la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai imparti lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
2°) Alors que, de seconde part, en retenant que, pour faire courir le délai de trente jours, la lettre adressée par le mandataire judiciaire au créancier devait inclure la mention de l'article L. 622-27 réservant, par exception, la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai imparti lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel de la société LOGISTIC PARK GARONS et de la société SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités, p. 22), si l'absence de mention de cette exception avait une incidence sur les droits de la société CRCAMA à discuter les propositions de rejet des créances, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce.
- SUR L'ARRET DU 18 JANVIER 2021 -
La société LOGISTIC PARK GARONS et la société SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités de mandataire judiciaire, reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du 1er mars 2018 rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux et, statuant à nouveau, de les avoir déboutées de l'ensemble de leurs demandes et, partant, d'avoir admis au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société LOGISTIC PARK GARONS la créance déclarée par la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE à titre chirographaire pour un montant de 190.925,39 euros à échoir, dans les conditions et termes de sa déclaration.
1°) Alors que, de première part, les motifs d'un arrêt, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas l'autorité de chose jugée ; qu'en l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés LOGISTIC PARK GARONS et SILVESTRI-BAUJET, ès qualités, tirée de l'absence de pouvoir juridictionnel du juge de la vérification des créances à raison des manquements commis par la société CRCAMA, la cour d'appel a retenu qu'il avait d'ores et déjà été jugé, par l'arrêt rendu le 20 décembre 2019 relativement à la demande de sursis à statuer, que ces manquements étaient sans lien aucun avec le contrat d'échange de taux d'intérêts conclu entre les parties, ni avec les conditions dans lesquelles les créance avaient étés déclarées, vérifiées et rejetées dans le cadre de la procédure collective, lorsque cet arrêt se bornait, dans son dispositif, à rejeter la demande de sursis à statuer, et que les motifs qui constataient l'absence de lien entre cette contestation et les créances litigieuses n'ont pas autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°) Alors que, de deuxième part, et en tout état de cause, conformément à l'article L. 624-2 du code de commerce, il incombe au juge de la vérification des créances saisi d'une demande d'admission de vérifier si la contestation du débiteur présente un caractère sérieux et si cette contestation est susceptible d'exercer une influence sur l'existence ou le montant de la créance ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés LOGISTIC PARK GARONS et SILVESTRI-BAUJET, ès qualités, tirée de l'absence de pouvoir juridictionnel du juge de la vérification des créances à raison des manquements commis par la société CRCAMA, à se référer aux motifs de l'arrêt rendu le 20 décembre 2019 ayant refusé de prononcer le sursis à statuer, sans rechercher par elle-même, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 19-24) si, d'une part, cette contestation présentait un caractère sérieux et, d'autre part, était en lien avec la créance litigieuse, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 624-2 du code de commerce ;
3°) Alors que, de troisième part, conformément à l'article L. 624-2 du code de commerce, il n'appartient pas au juge de la vérification des créances de se prononcer sur le bien-fondé de la rupture du contrat dont résultent les créances litigieuses ; qu'en l'espèce, en retenant que la résiliation des contrats ayant entraîné la déclaration de créance litigieuse ne constituait pas une difficulté sérieuse, la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tient du texte susvisé ;
4°) Alors que, de quatrième part, le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en retenant que les sociétés LPG et SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités, pour reprocher à la société CRCAMA d'avoir procédé à une résiliation abusive des contrats, se limitaient à évoquer leurs « griefs à l'encontre de la banque sur les détournements de [l'] ancien gérant » (arrêt, p. 9), quand les premières soutenaient également que l'abus du droit de résiliation résultait de son caractère brutal, rapide et coercitif (conclusions d'appel, p. 22), la cour d'appel a, par dénaturation des conclusions, violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) Alors que, de cinquième part, en se fondant, pour retenir que la résiliation des contrats ne présentait pas de caractère abusif, sur le fait que les sociétés LOGISTIC PARK GARONS et SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités, se bornaient à invoquer les arguments reprochant à la société CRCAMA d'avoir manqué à son devoir de vigilance, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) Alors que, de sixième part, seuls les motifs tenant au caractère non sérieux de la contestation ou à son absence d'influence sur le montant ou l'existence de la créance litigieuse justifient le rejet, par le juge de la vérification des créances, d'une fin de non-recevoir relative à son absence de pouvoir juridictionnel ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les société LOGISTIC PARK GARONS et SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités, tirée de l'absence de pouvoir juridictionnel du juge de la vérification des créances en raison du caractère abusif des résiliations intervenues, que la société CRCAMA pouvait utilement opposer que ces résiliations était intervenue depuis plus de trois ans et qu'il appartenait aux exposants, le cas échéant, de les remettre en cause, la cour s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°) Alors que, de septième part, conformément à l'article R. 622-21 du code de commerce, les seules créances pouvait faire l'objet d'une déclaration dans un délai d'un mois à compter de la date de la résiliation du contrat sont celles qui résultent de cette résiliation ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir, pour écarter l'argument tiré de la forclusion de la déclaration de créance, que le délai de forclusion courait à compter de la date de la résiliation, soit à compter du 17 mars 2017, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 24-25), si l'une des créances qui avait été déclarée à hauteur de 14.925,39 euros dans la seule déclaration du 17 mars 2017 ne résultait pas du différentiel d'intérêt impayés, de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier du délai dérogatoire ouvert par l'article R. 622-21 du code de commerce, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article précité, pris ensemble les articles L. 622-24, L. 622-26 et R. 622-24 du même code ;
8°) Alors que, de huitième part, conformément à l'article R. 622-23 du code de commerce, les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance doivent être joints à la déclaration de créance ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour considérer que la créance résultant de la résiliation du contrat était suffisamment justifiée, que la convention-cadre du 18 mai 2010 annexée à la déclaration comportait le principe et les modalités de calcul d'un solde de résiliation, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 25-27), si le caractère non chiffré des termes de cette convention ne démontraient pas que le montant de la créance litigieuse n'était pas suffisamment établi, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article précité ;
9°) Alors que, de neuvième part, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas au moyen, péremptoire, par lequel les sociétés LPG et SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités, faisaient valoir que la société CRCAMA ne pouvait réévaluer à la hausse le montant de l'indemnité de résiliation du contrat SWAP 1107 après le délai légal de déclaration (conclusions d'appel, pp. 25-28) ;
10°) Alors que, de dixième part, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas au moyen, péremptoire, par lequel les sociétés LPG et SILVESTRI-BAUJET, ès-qualités, faisaient valoir que les modalités de détermination du montant de la créance d'échanges de taux d'intérêts étaient incomplètes (conclusions d'appel, p. 27).