LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2022
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1022 F-D
Pourvoi n° R 20-22.841
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
La société Flunch, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-22.841 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [B] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Flunch, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 septembre 2020), M. [S], salarié de la société Flunch, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en condamnation de son employeur à lui payer la somme de 818,66 euros au titre des rappels de salaires sur le fondement de l'article L. 1226-24 du code du travail.
2. Devant le conseil de prud'hommes, statuant sur renvoi après cassation (Soc., 15 mars 2017, pourvoi n° 16-11.017), l'employeur a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros pour inexécution fautive du contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel formé contre le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Strasbourg, alors :
« 1°/ que le jugement n'est pas susceptible d'appel si la seule demande reconventionnelle en dommages-intérêts, fondée exclusivement sur la demande initiale, dépasse le taux de la compétence en dernier ressort ; qu'il ressort des constatations des juges du fond que la demande initiale de M. [S] tendait au paiement par la société Flunch d'une somme de 818,66 euros correspondant au maintien de son salaire durant son arrêt de travail pour maladie, et pendant six semaines, déduction faite des indemnités journalières, outre les congés payés afférents ; que la cour d'appel constate par ailleurs que la société Flunch a formé une demande reconventionnelle de dommages-intérêts d'un montant de 5.000 € pour inexécution fautive par le demandeur du contrat de travail, fondée sur son comportement professionnel et relationnel; qu'en affirmant, pour juger l'appel irrecevable, que la société Flunch prétendait vainement que cette prétention incidente ne serait pas uniquement fondée sur la demande initiale, quand il résultait de ses propres constatations que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts n'était pas fondée exclusivement sur la demande initiale, et dépassait le taux de la compétence en dernier ressort, de sorte que l'appel était recevable, la cour d'appel a violé les articles 39 du code de procédure civile et R. 1462-2 du code du travail ;
2°/ que le jugement n'est pas susceptible d'appel si la seule demande reconventionnelle en dommages-intérêts, fondée exclusivement sur la demande initiale, dépasse le taux de la compétence en dernier ressort ; qu'il ressort des constatations des juges du fond que la demande initiale de M. [S] tendait au paiement par la société Flunch d'une somme de 818,66 euros correspondant au maintien de son salaire durant son arrêt de travail pour maladie, et pendant six semaines, déduction faite des indemnités journalières, outre les congés payés afférents ; que la cour d'appel constate par ailleurs que la société Flunch a formé une demande reconventionnelle de dommages-intérêts d'un montant de 5.000 € pour inexécution fautive par le demandeur du contrat de travail, fondée sur son comportement professionnel et relationnel; qu'en affirmant, pour juger l'appel irrecevable, que la société Flunch prétendait vainement que cette prétention incidente ne serait pas uniquement fondée sur la demande initiale, et qu'elle n'établissait pas l'absence de lien entre sa demande et celle de M. [S], sans expliquer en quoi la demande reconventionnelle se serait fondée exclusivement sur la demande initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 39 du code de procédure civile et R. 1462-2 du code du travail ;
3°/ qu'en affirmant que la société Flunch n'aurait pas "émis" de fondement juridique au soutien de sa demande, après avoir pourtant constaté que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par la société Flunch était fondée sur l'inexécution fautive par M. [S] de son contrat de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le jugement n'est pas susceptible d'appel si la seule demande reconventionnelle en dommages-intérêts, fondée exclusivement sur la demande initiale, dépasse le taux de la compétence en dernier ressort ; que, pour apprécier la nature de la demande reconventionnelle, le juge ne doit envisager que son objet ; qu'en affirmant, pour déclarer l'appel irrecevable, que la société Flunch "n'émettait" pas de moyens de preuve, au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour inexécution fautive par M. [S] de son contrat de travail, se bornant à invoquer la dégradation du comportement professionnel et relationnel de l'intimé, quand il n'appartenait pas au juge de rechercher si la demande était assortie de moyens de preuve suffisants, mais seulement d'envisager l'objet de cette demande, afin de déterminer si elle était fondée exclusivement sur la demande initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 39 du code de procédure civile et R. 1462-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Ayant relevé que le montant de la demande principale était inférieur au taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes et que l'employeur n'établissait pas l'absence de lien entre sa demande reconventionnelle et celle initiale du salarié, ni qu'elle était fondée sur des éléments distincts de l'action principale, la cour d'appel en a exactement déduit que cette demande reconventionnelle était exclusivement fondée sur la demande initiale, et partant que l'appel était irrecevable.
5. Le moyen, inopérant en ses deux dernières branches, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Flunch aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Flunch et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Flunch
La société FLUNCH fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel formé contre le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le Conseil de prud'hommes de STRASBOURG ;
ALORS QUE 1°), le jugement n'est pas susceptible d'appel si la seule demande reconventionnelle en dommages-intérêts, fondée exclusivement sur la demande initiale, dépasse le taux de la compétence en dernier ressort ; qu'il ressort des constatations des juges du fond (jugement du 16 juillet 2019, p. 2 ; arrêt attaqué, p. 2) que la demande initiale de Monsieur [S] tendait au paiement par la société FLUNCH d'une somme de 818,66 euros correspondant au maintien de son salaire durant son arrêt de travail pour maladie, et pendant six semaines, déduction faite des indemnités journalières, outre les congés payés afférents ; que la cour d'appel constate par ailleurs que la société FLUNCH a formé une demande reconventionnelle de dommages-intérêts d'un montant de 5.000 € pour inexécution fautive par le demandeur du contrat de travail, fondée sur son comportement professionnel et relationnel (arrêt p. 2) ; qu'en affirmant, pour juger l'appel irrecevable, que la société FLUNCH prétendait vainement que cette prétention incidente ne serait pas uniquement fondée sur la demande initiale, quand il résultait de ses propres constatations que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts n'était pas fondée exclusivement sur la demande initiale, et dépassait le taux de la compétence en dernier ressort, de sorte que l'appel était recevable, la cour d'appel a violé les articles 39 du code de procédure civile et R. 1462-2 du code du travail ;
ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE 2°), le jugement n'est pas susceptible d'appel si la seule demande reconventionnelle en dommages-intérêts, fondée exclusivement sur la demande initiale, dépasse le taux de la compétence en dernier ressort ; qu'il ressort des constatations des juges du fond (jugement du 16 juillet 2019, p. 2 ; arrêt attaqué, p. 2) que la demande initiale de Monsieur [S] tendait au paiement par la société FLUNCH d'une somme de 818,66 euros correspondant au maintien de son salaire durant son arrêt de travail pour maladie, et pendant six semaines, déduction faite des indemnités journalières, outre les congés payés afférents ; que la cour d'appel constate par ailleurs que la société FLUNCH a formé une demande reconventionnelle de dommages-intérêts d'un montant de 5.000 € pour inexécution fautive par le demandeur du contrat de travail, fondée sur son comportement professionnel et relationnel (arrêt p. 2) ; qu'en affirmant, pour juger l'appel irrecevable, que la société FLUNCH prétendait vainement que cette prétention incidente ne serait pas uniquement fondée sur la demande initiale, et qu'elle n'établissait pas l'absence de lien entre sa demande et celle de Monsieur [S], sans expliquer en quoi la demande reconventionnelle se serait fondée exclusivement sur la demande initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 39 du code de procédure civile et R. 1462-2 du code du travail,
ALORS QUE 3°), en affirmant que la société FLUNCH n'aurait pas « émis » de fondement juridique au soutien de sa demande (arrêt, p. 2, § 5 des motifs), après avoir pourtant constaté que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par la société FLUNCH était fondée sur l'inexécution fautive par Monsieur [S] de son contrat de travail (arrêt, p. 2, § 3 des motifs), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS QUE 4°), le jugement n'est pas susceptible d'appel si la seule demande reconventionnelle en dommages-intérêts, fondée exclusivement sur la demande initiale, dépasse le taux de la compétence en dernier ressort ; que, pour apprécier la nature de la demande reconventionnelle, le juge ne doit envisager que son objet ; qu'en affirmant, pour déclarer l'appel irrecevable, que la société FLUNCH « n'émettait » pas de moyens de preuve, au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour inexécution fautive par Monsieur [S] de son contrat de travail, se bornant à invoquer la dégradation du comportement professionnel et relationnel de l'intimé, quand il n'appartenait pas au juge de rechercher si la demande était assortie de moyens de preuve suffisants, mais seulement d'envisager l'objet de cette demande, afin de déterminer si elle était fondée exclusivement sur la demande initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 39 du code de procédure civile et R. 1462-2 du code du travail