LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 octobre 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 587 F-D
Pourvoi n° T 21-13.164
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022
La société Gold Trade, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-13.164 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [K], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Gold Trade, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 janvier 2021), M. [K] a remis en paiement à la société Gold Trade un chèque de banque émis par la société Crédit lyonnais (la banque), dont le montant avait été débité du compte d'un tiers. La banque ayant formé opposition au paiement de ce chèque pour utilisation frauduleuse, la société Gold Trade l'a assignée ainsi que M. [K] devant le juge des référés afin d'obtenir la mainlevée de cette opposition.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société Gold Trade fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes formulées contre la banque, alors :
« 1°/ que si l'utilisation frauduleuse d'un chèque de banque peut justifier l'opposition à son paiement par le tireur, cette utilisation frauduleuse suppose que le chèque ait été obtenu ou utilisé à la suite de manoeuvres frauduleuses émanant de son bénéficiaire ; que pour débouter la société Gold Trade de toutes ses demandes dirigées contre la banque, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que "l'établissement du chèque et sa possession par M. [L] [K] étaient illicites et résultaient de manoeuvres frauduleuses", que "la découverte de ces éléments postérieurs à l'établissement du chèque autorisait nécessairement le Crédit lyonnais à procéder à l'opposition", et que "la situation de l'espèce caractérisait à l'évidence le cas d'utilisation frauduleuse du chèque dûment visé par l'article L. 131-35 du code monétaire et financier" ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser aucune manoeuvre frauduleuse émanant de la société Gold Trade, au profit de laquelle le chèque litigieux avait été émis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 131-35 du code monétaire et financier ;
2°/ que si l'article 60-1 du code de procédure pénale permet à l'autorité judiciaire de requérir de toute personne susceptible de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, ces dispositions ne lui permettent pas d'enjoindre au banquier ayant émis un chèque de banque d'y faire opposition, celle-ci n'étant possible que dans les cas prévus par l'article L. 131-35 du code monétaire et financier ; que pour débouter la société Gold Trade de ses demandes contre la banque, l'arrêt attaqué retient que celui-ci, en faisant opposition au chèque litigieux sur réquisition du parquet avait, ce faisant, agi "sur ordre de la loi" ; qu'en statuant par ce motif, quand cet ordre manifestement illégal ne pouvait constituer un motif d'opposition au paiement du chèque, la cour d'appel a violé l'article L. 131-35 du code monétaire et financier. »
Réponse de la Cour
3. Ayant retenu, par motifs adoptés, que le chèque avait été obtenu frauduleusement par M. [K], la cour d'appel, qui n'avait pas à caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses de la société Gold Trade, dès lors que l'utilisation frauduleuse d'un chèque, laquelle peut justifier, en application de l'article L. 131-35 du code monétaire et financier, l'opposition à son paiement, est caractérisée lorsque le chèque a été obtenu et utilisé à la suite de manoeuvres frauduleuses émanant d'une personne autre que le bénéficiaire du chèque, a, par ces seuls motifs et abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par la seconde branche, légalement justifié sa décision.
4. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gold Trade aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gold Trade et la condamne à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Gold Trade.
La société Gold Trade fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la société Crédit Lyonnais ;
Alors, d'une part, que si l'utilisation frauduleuse d'un chèque de banque peut justifier l'opposition à son paiement par le tireur, cette utilisation frauduleuse suppose que le chèque ait été obtenu ou utilisé à la suite de manoeuvres frauduleuses émanant de son bénéficiaire ; que pour débouter la société Gold Trade de toutes ses demandes dirigées contre le Crédit Lyonnais, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que « l'établissement du chèque et sa possession par M. [L] [K] étaient illicites et résultaient de manoeuvres frauduleuses », que « la découverte de ces éléments postérieurs à l'établissement du chèque autorisait nécessairement le Crédit Lyonnais à procéder à l'opposition », et que « la situation de l'espèce caractérisait à l'évidence le cas d'utilisation frauduleuse du chèque dûment visé par l'article L. 131-35 du code monétaire et financier » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser aucune manoeuvre frauduleuse émanant de la société Gold Trade, au profit de laquelle le chèque litigieux avait été émis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 131-35 du code monétaire et financier ;
Alors, d'autre part, que si l'article 60-1 du code de procédure pénale permet à l'autorité judiciaire de requérir de toute personne susceptible de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, ces dispositions ne lui permettent pas d'enjoindre au banquier ayant émis un chèque de banque d'y faire opposition , celle-ci n'étant possible que dans les cas prévus par l'article L. 131-35 du code monétaire et financier ; que pour débouter la société Gold Trade de ses demandes contre le Crédit Lyonnais, l'arrêt attaqué retient que celui-ci, en faisant opposition au chèque litigieux sur réquisition du parquet avait, ce faisant, agi « sur ordre de la loi » ; qu'en statuant par ce motif, quand cet ordre manifestement illégal ne pouvait constituer un motif d'opposition au paiement du chèque, la cour d'appel a violé l'article L. 131-35 du code monétaire et financier.