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17/11/2022 | FRANCE | N°21-17187

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 novembre 2022, 21-17187


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 novembre 2022

Annulation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1155 F-D

Pourvoi n° R 21-17.187

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022

Mme [F] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le

pourvoi n° R 21-17.187 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2021 par la cour d'appel de Poitiers (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 novembre 2022

Annulation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1155 F-D

Pourvoi n° R 21-17.187

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022

Mme [F] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-17.187 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2021 par la cour d'appel de Poitiers (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Servier France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Servier France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 avril 2021), Mme [O] a relevé appel le 2 octobre 2019 du jugement du 9 septembre 2019 du conseil de prud'hommes de Poitiers, qui l'a déboutée de ses demandes dans un litige l'opposant à la société Servier France.

2. Un conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel, par ordonnance du 13 octobre 2020 que l'appelante a déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. Mme [O] fait grief à l'arrêt de constater la caducité de son appel, alors :

« 1°/que la règle selon laquelle il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ne s'applique qu'aux déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020 ; qu'en appliquant cette règle à la déclaration d'appel de Mme [O] qui datait pourtant du 2 octobre 2019, la cour d'appel qui a fait une l'application immédiate de cette règle de procédure, a privé l'appelante du droit à un procès équitable et a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ que l'application d'une règle de procédure qui porte atteinte au droit au juge, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition et qui n'a jamais été affirmée clairement par la Cour de cassation dans un arrêt publié, aboutit à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en appliquant la règle de procédure selon laquelle lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la caducité de la déclaration d'appel doit être prononcée, au motif que la règle avait été affirmée par un arrêt rendu par la Cour de cassation du 31 janvier 2019, alors que cet arrêt ne posait pas clairement le principe et n'avait pas été publié, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.

5. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

6. À défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.

7. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi no 20-15-766, publié).

8. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

9. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt énonce notamment que les conclusions de l'appelante comportent un dispositif qui ne conclut ni à l'annulation, ni à l'infirmation totale ou partielle du jugement déféré et que ce dispositif qui ne comporte donc aucune critique du jugement déféré ne permet pas de déterminer l'objet du litige pris devant la cour d'appel. Il en conclut que c'est dès lors à bon droit que le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel faute pour l'appelant d'avoir, dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile saisit la cour des chefs du jugement qu'il entendait critiquer.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 2 octobre 2019 l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver l'appelante d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant confirmé l'ordonnance prononcée le 13 octobre 2020 par le conseiller de la mise en état et statué sur les dépens, l'arrêt rendu le 28 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Servier France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour Mme [O]

Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la caducité de son appel ;

Alors 1°) que la règle selon laquelle il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ne s'applique qu'aux déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020 ; qu'en appliquant cette règle à la déclaration d'appel de Mme [O] qui datait pourtant du 2 octobre 2019, la cour d'appel qui a fait une l'application immédiate de cette règle de procédure, a privé l'appelante du droit à un procès équitable et a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Alors 2°) que l'application d'une règle de procédure qui porte atteinte au droit au juge, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition et qui n'a jamais été affirmée clairement par la Cour de cassation dans un arrêt publié, aboutit à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en appliquant la règle de procédure selon laquelle lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la caducité de la déclaration d'appel doit être prononcée, au motif que la règle avait été affirmée par un arrêt rendu par la Cour de cassation du 31 janvier 2019, alors que cet arrêt ne posait pas clairement le principe et n'avait pas été publié, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Alors 3°) que, à titre subsidiaire, la Cour européenne des droits de l'homme considère que l'équité commande de laisser un laps de temps raisonnable, nécessaire aux justiciables pour avoir effectivement connaissance de la décision interne qui la consacre ; qu'en appliquant la règle posée par la Cour de cassation dans un arrêt 31 janvier 2019 à une déclaration d'appel datant du 2 octobre 2019, soit moins de six mois après le prononcé de cette décision, la cour d'appel qui n'a pas laissé un laps de temps suffisant à Mme [O] pour avoir effectivement connaissance de cet arrêt, a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-17187
Date de la décision : 17/11/2022
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 28 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 nov. 2022, pourvoi n°21-17187


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gouz-Fitoussi

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17187
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