LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 décembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1304 F-D
Pourvoi n° C 21-14.484
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
M. [R] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-14.484 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'établissement Tisseo, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi [Localité 4] Occitane, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
L'établissement Tisseo a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de M. [K], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'établissement Tisseo, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 janvier 2021) et les productions, M. [K] a été engagé par la société SEMVAT, aux droits de laquelle vient l'établissement public à caractère industriel et commercial Tisseo, à compter du 29 mai 2000 en qualité de conducteur receveur, le contrat de travail étant soumis à la convention collective nationale des réseaux de transport public urbain.
2. Le salarié a fait l'objet de deux courriers de rappel à l'ordre, les 19 septembre 2014 et 30 janvier 2015.
3. Convoqué par lettre du 19 juin 2015 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 29 juin 2015, puis par lettre du 20 juillet 2015 devant le conseil de discipline qui s'est tenu le 4 septembre 2015, le salarié a été licencié le 15 septembre 2015, pour faute grave.
4. Le salarié a, par ailleurs, été placé en arrêt de travail du 26 mai au 31 juillet 2015.
5. Il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première, quatrième et cinquième branches,
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité de son licenciement et de ses demandes de réintégration et de paiement des salaires de son licenciement jusqu'à sa date de réintégration, d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ qu'aux termes des articles 17 et 49 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que sur avis motivé du conseil de discipline ; que M. [K] le fait que l'employeur était dans l'incapacité de produire un avis motivé du conseil de discipline et que ''dans ses écritures, la société TISSEO se contente de produire la pièce n° 9 qui n'est en aucun cas l'avis rendu par le conseil de discipline mais un compte rendu qui n'est ni motivé ni signé et qui ne fait d'ailleurs pas plus état que les autres pièces d'un quelconque respect de la procédure conventionnelle'' ; qu'en jugeant que les attestations de préposés de l'employeur selon lesquelles cet avis existerait, ainsi que le compte-rendu de la séance du conseil de discipline du 4 septembre 2015 mentionnant uniquement ''vote pour la sanction proposée : 3'' et ''vote contre la sanction proposée : 3'' et que ''le dossier sera transmis pour décision à Monsieur le Directeur du réseau'' suffiraient à établir la régularité de la procédure, la cour d'appel, qui n'a relevé l'existence d'aucun avis motivé du conseil de discipline, a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 49 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs ;
4°/ qu'en relevant d'office, sans provoquer les observations des parties, que le licenciement pourrait être justifié par une cause réelle et sérieuse nonobstant l'absence de faute grave, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°/ que les prétentions des parties formulées dans leurs conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en jugeant que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave comme énoncé dans sa lettre de licenciement, mais qu'il reposerait néanmoins sur une cause réelle et sérieuse bien qu'aucune demande subsidiaire de requalification de la faute reprochée au salarié ne figure dans le dispositif des conclusions de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. D'abord, l'absence de motivation du conseil de discipline qui résulte de ce que ses membres n'ont pu se départager n'a pas pour effet de mettre en échec le pouvoir disciplinaire de l'employeur et de rendre irrégulière au regard des dispositions conventionnelles la procédure de licenciement.
9. Ayant constaté que le compte-rendu de la réunion du conseil de discipline consignait le partage des voix de ses six membres, la cour d'appel a exactement décidé que la preuve était rapportée de la prise d'avis du conseil de discipline sur le licenciement et de sa communication au salarié conformément à la procédure conventionnelle.
10. Ensuite, s'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
11. Exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel a décidé, sans encourir les griefs du moyen, qu'ils étaient constitutifs d'une cause réelle et sérieuse.
12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
13. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'EPIC Tisseo à payer à M. [K] les sommes de 5 857,76 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 585,77 € de congés payés afférents, et de
11 145,94 € à titre d'indemnité de licenciement, alors :
« 1°/ qu'un employeur peut valablement prononcer un licenciement pour faute grave lorsqu'un délai lui a été nécessaire après la révélation de la faute commise par le salarié pour s'assurer de l'existence même de cette faute ou pour en apprécier la gravité ; qu'en l'espèce, l'EPIC Tisseo faisait valoir qu'employant près de 3 000 personnes, il avait été nécessaire, lorsqu'il avait été informé de certains faits potentiellement fautifs commis par M. [K] le 22 mai 2015, d'accomplir des investigations, durant une période de conflit social, avant de pouvoir engager une procédure disciplinaire le 19 juin 2015 à l'encontre du salarié, qui était par ailleurs en repos du 23 au 26 mai 2015 puis en arrêt de travail du 26 mai au 31 juillet 2015 ; que l'employeur a produit le dossier disciplinaire du salarié, comprenant notamment des données techniques éditées entre le 26 mai et le 15 juillet 2015, ainsi que des mails du superviseur, Mme [O], du 22 mai 2015, dénonçant certains faits mentionnés dans la lettre de licenciement, mais indiquant qu'ils étaient contestés par le salarié, ainsi que du gestionnaire du réseau du 10 juin 2015 fournissant des données relatives aux horaires du salarié ; qu'il n'était pas contesté que la procédure avait été engagée durant une période de conflit social, ce qui avait nécessairement à la fois compliqué les investigations et rendu particulièrement nécessaires les vérifications accomplies avant d'engager une mesure disciplinaire risquant d'aggraver es tensions ; qu'en se bornant dès lors à juger que l'employeur avait tardé à mettre en oeuvre la procédure disciplinaire en n'engageant celle-ci que le 19 juin 2015, soit moins d'un mois après la première révélation des faits fautifs le 22 mai 2015 par le courrier électronique de Mme [O], sans prendre en compte concrètement l'ensemble des circonstances ayant entouré l'engagement de la procédure disciplinaire à l'encontre de M. [K], desquelles il s'évinçait que l'employeur avait engagé la procédure diligemment dès qu'il avait pu s'assurer d'une connaissance suffisante de la réalité et de gravité des faits litigieux, la cour d'appel a violé articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'aucun texte n'oblige l'employeur à prendre une mesure conservatoire avant d'ouvrir une procédure de licenciement pour faute grave ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger que le licenciement de M. [K] n'était pas fondé sur une faute grave, le fait que l'employeur, informé de certains faits fautifs le 22 mai 2015, n'avait pas prononcé de mise à pied conservatoire à l'encontre du salarié, tandis que celui-ci était en congé du 23 au 26 mai 2015 puis en arrêt de travail du 26 mai au 31 juillet 2015, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a derechef violé articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la cour
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
14. La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le fait pour l'employeur de laisser s'écouler un délai entre la révélation des faits et l'engagement de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l'entreprise.
15. Pour écarter la faute grave, dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à payer au salarié des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, l'arrêt, après avoir retenu que l'employeur était bien fondé à prononcer un licenciement pour faute, retient qu'il a cependant tardé à mettre en oeuvre la procédure disciplinaire en n'engageant celle-ci que le 19 juin 2015, soit près d'un mois après les faits fautifs dont il avait la connaissance dès le 22 mai 2015, et sans prononcer de mise à pied conservatoire à l'encontre du salarié, de sorte qu'il ne démontre pas que ces faits rendaient impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise.
16. En statuant ainsi, par des motifs impropres à retirer à la faute son caractère de gravité, alors, d'une part, qu'aucun texte n'oblige l'employeur à procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave et, d'autre part, qu'elle avait constaté que le salarié, en arrêt de travail depuis le 26 mai 2015, était absent de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement ayant dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'EPIC Tisseo à payer à M. [K] la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 29 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Descorps-Declère, avocat aux Conseils, pour M. [K]
Monsieur [K] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de prononcé de la nullité de son licenciement et de ses demandes de réintégration et de paiement des salaires de son licenciement jusqu'à sa date de réintégration, d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné l'EPIC TISSEO à lui payer la somme de 45.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS en premier lieu QU'aux termes des articles 17 et 49 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que sur avis motivé du conseil de discipline ; que Monsieur [K] dénonçait, page 12 de ses conclusions, le fait que l'EPIC TISSEO était dans l'incapacité de produire un avis motivé du conseil de discipline et que « dans ses écritures, la société TISSEO se contente de produire la pièce n° 9 qui n'est en aucun cas l'avis rendu par le conseil de discipline mais un compte rendu qui n'est ni motivé ni signé et qui ne fait d'ailleurs pas plus état que les autres pièces d'un quelconque respect de la procédure conventionnelle » ; qu'en jugeant que les attestations de préposés de l'EPIC TISSEO selon lesquelles cet avis existerait, ainsi que le compte-rendu de la séance du conseil de discipline du 4 septembre 2015 mentionnant uniquement « vote pour la sanction proposée : 3 » et « vote contre la sanction proposée : 3 » et que « le dossier sera transmis pour décision à Monsieur le Directeur du réseau » suffiraient à établir la régularité de la procédure (arrêt, p. 5), la cour d'appel, qui n'a relevé l'existence d'aucun avis motivé du conseil de discipline, a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 49 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs ;
ALORS en deuxième lieu QUE pour dénoncer la crédibilité des témoignages des préposés de l'EPIC TISSEO affirmant que le conseil de discipline avait bien rendu l'avis prescrit par la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, qui n'a donné lieu à aucun document écrit signé par les membres dudit conseil de discipline, Monsieur [K] soulignait, page 12 de ses conclusions, que ces témoignages étaient pour partie en contradiction avec le « compte-rendu de la réunion du conseil de discipline du 4 septembre 2015 » produit par l'EPIC TISSEO, qui mentionnait que trois de ses membres avaient voté pour la sanction proposée et trois contre elle, tandis que l'attestation de Madame [E], directrice juridique de l'EPIC TISSEO, affirmait au contraire que la « décision » du conseil de discipline aurait été le « licenciement pour faute grave » ; qu'en jugeant que cette attestation confirmerait « la nature de l'avis rendu » (arrêt, p. 5), sans s'expliquer sur cette contradiction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en troisième lieu QU'aux termes de l'article 17 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, sauf licenciement collectif faisant suite à une modification des conditions d'exploitation, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave ; qu'en jugeant que « l'employeur qui a tardé à mettre en oeuvre la procédure disciplinaire en n'engageant celle-ci que le 19 juin 2015, soit près d'un mois après les faits fautifs dont il avait la connaissance dès le 22 mai 2015 par le courrier électronique de Mme [O], et sans prononcer de mise à pied conservatoire à l'encontre de M. [K] ne démontre pas que ces faits rendaient impossible la poursuite de la relation de travail de sorte que la cour écartera la faute grave » (arrêt, p. 7), tout en jugeant cependant que le licenciement de Monsieur [K] reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 17 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs ;
ALORS en quatrième lieu QU'en relevant d'office, sans provoquer les observations des parties, que le licenciement de Monsieur [K] pourrait être justifié par une cause réelle et sérieuse nonobstant l'absence de faute grave, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS en cinquième lieu QUE les prétentions des parties formulées dans leurs conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en jugeant que le licenciement de Monsieur [K] ne reposait pas sur une faute grave comme énoncé dans sa lettre de licenciement, mais qu'il reposerait néanmoins sur une cause réelle et sérieuse bien qu'aucune demande subsidiaire de requalification de la faute reprochée à Monsieur [K] ne figure dans le dispositif des conclusions de la société TISSEO, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour l'établissement Tisseo
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de M. [K] reposait sur une cause réelle et sérieuse, et D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné l'EPIC Tisseo à payer à M. [K] les sommes de 5 857,76 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 585,77 € de congés payés afférents, et de 11 145,94 € à titre d'indemnité de licenciement ;
1°) ALORS QU'un employeur peut valablement prononcer un licenciement pour faute grave lorsqu'un délai lui a été nécessaire après la révélation de la faute commise par le salarié pour s'assurer de l'existence même de cette faute ou pour en apprécier la gravité ; qu'en l'espèce, l'EPIC Tisseo faisait valoir qu'employant près de 3 000 personnes, il avait été nécessaire, lorsqu'il avait été informé de certains faits potentiellement fautifs commis par M. [K] le 22 mai 2015, d'accomplir des investigations, durant une période de conflit social, avant de pouvoir engager une procédure disciplinaire le 19 juin 2015 à l'encontre du salarié, qui était par ailleurs en repos du 23 au 26 mai 2015 puis en arrêt de travail du 26 mai au 31 juillet 2015 (cf. conclusions d'appel de l'employeur p. 4 à 6) ; que l'employeur a produit le dossier disciplinaire du salarié, comprenant notamment des données techniques éditées entre le 26 mai et le 15 juillet 2015, ainsi que des mails du superviseur, Mme [O], du 22 mai 2015, dénonçant certains faits mentionnés dans la lettre de licenciement, mais indiquant qu'ils étaient contestés par le salarié, ainsi que du gestionnaire du réseau du 10 juin 2015 fournissant des données relatives aux horaires du salarié (cf. productions) ; qu'il n'était pas contesté que la procédure avait été engagée durant une période de conflit social, ce qui avait nécessairement à la fois compliqué les investigations et rendu particulièrement nécessaires les vérifications accomplies avant d'engager une mesure disciplinaire risquant d'aggraver es tensions ; qu'en se bornant dès lors à juger que l'employeur avait tardé à mettre en oeuvre la procédure disciplinaire en n'engageant celle-ci que le 19 juin 2015, soit moins d'un mois après la première révélation des faits fautifs le 22 mai 2015 par le courrier électronique de Mme [O], sans prendre en compte concrètement l'ensemble des circonstances ayant entouré l'engagement de la procédure disciplinaire à l'encontre de M. [K], desquelles il s'évinçait que l'employeur avait engagé la procédure diligemment dès qu'il avait pu s'assurer d'une connaissance suffisante de la réalité et de gravité des faits litigieux, la cour d'appel a violé articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°) ALORS QU'aucun texte n'oblige l'employeur à prendre une mesure conservatoire avant d'ouvrir une procédure de licenciement pour faute grave ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger que le licenciement de M. [K] n'était pas fondé sur une faute grave, le fait que l'employeur, informé de certains faits fautifs le 22 mai 2015, n'avait pas prononcé de mise à pied conservatoire à l'encontre du salarié (cf. arrêt attaqué p. 7), tandis que celui-ci était en congé du 23 au 26 mai 2015 puis en arrêt de travail du 26 mai au 31 juillet 2015 (cf. conclusions d'appel de l'employeur p. 4 à 6), la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a derechef violé articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.