LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 décembre 2022
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1387 F-D
Pourvoi n° E 21-13.681
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
M. [E] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-13.681 contre l'arrêt rendu le 2 février 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Sudalp II, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Sudalp II, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 février 2021), M. [X] a été engagé le 28 juin 2010 par la société Sudalp II en qualité de boucher.
2. A l'issue d'un arrêt maladie, il a été déclaré inapte à occuper son poste de travail, avec un reclassement possible sur un autre poste.
3. Le 27 septembre 2013, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne
l'employeur à lui verser la somme de 1 924,06 euros au titre de la prime de treizième mois, de le débouter de sa demande tendant à obtenir cette prime au titre des années 2012 et 2013, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement en ce qu'il avait condamné la société Sudalp II à payer à M. [X] la somme de 1 924,06 euros au titre du 13è mois, que cette prime n'était pas due dès lors que M. [X] avait été licencié en 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, lequel motif n'ouvrait pas droit au versement de cette prime au prorata temporis de sorte que le jugement, qui avait fait droit à demande de M. [X] de ce chef pour l'année 2013, sera donc infirmé", quand le jugement, dont l'exposant sollicitait expressément la confirmation sur ce point, avait condamné la société Sudalp II à lui verser la somme de 1 924,06 euros au titre de l'année 2012, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
7. Pour infirmer le jugement qui a condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 1 924,06 euros au titre du treizième mois, l'arrêt retient que cette prime n'est pas due dès lors que le salarié a été licencié en 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, que ce motif n'ouvre pas droit au versement de cette prime au prorata temporis de sorte que le jugement, qui a fait droit à la demande du salarié pour l'année 2013, sera infirmé.
8. En statuant ainsi alors que dans ses conclusions d'appel, le salarié demandait la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser une somme de 1 924,06 euros au titre de la prime de treizième mois pour l'année 2012, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
9. La cassation prononcée sur ce moyen n'emporte cassation qu'en ce qu'il critique l'infirmation du jugement qui a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 1 924,06 euros au titre de la prime de treizième mois pour l'année 2012.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement qui condamne la société Sudalp II à payer à M. [X] la somme de 1 924,06 euros au titre de la prime de treizième mois pour l'année 2012, l'arrêt rendu le 2 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambery ;
Condamne la société Sudalp II aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [X]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [E] [X] fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que le licenciement de M. [E] [X] était pour inaptitude, de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes tendant à voir condamner l'employeur à lui payer la somme de 48 483,60 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit à compter de la demande et à lui verser la somme de 78 810, 86 € de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier pour perte d'emploi ;
1°) ALORS QUE lorsqu'il envisage de licencier un salarié pour inaptitude, l'employeur doit consulter l'ensembles des délégués du personnel de l'entreprise ; qu'en retenant, pour estimer que la procédure de licenciement avait été respectée, que les délégués présents à la réunion du 2 septembre 2013, avaient été valablement consultés et que « par ailleurs, l'employeur n'était aucunement tenu de consulter les délégués du personnel absents lors de la consultation des délégués du personnel » (arrêt page 6, al. 4), la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
2°) ALORS QUE lorsqu'il envisage de licencier un salarié pour inaptitude, l'employeur doit consulter l'ensembles des délégués du personnel de l'entreprise, en leur transmettant toutes les informations nécessaires quant à l'état de santé du salarié et la recherche de reclassement, afin de leur permettre de donner un avis en connaissance de cause ; qu'en jugeant que la procédure de consultation était régulière, nonobstant l'absence d'avis donné par certains délégués du personnel absents lors de la réunion du 2 septembre 2013, sans constater que ces délégués avaient été régulièrement informés de l'état de santé du salarié et des possibilités de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
M. [E] [X] fait grief à l'arrêt d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Sudalp II à lui verser la somme de 1 924, 06 € au titre de la prime de 13è mois, de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à obtenir cette prime au titre des années 2012 et 2013 ;
1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement en ce qu'il avait condamné la société Sudalp II à payer à M. [X] la somme de 1 924,06 € au titre du 13è mois, que cette prime n'était pas due dès lors que M. [X] avait été licencié en 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, lequel motif n'ouvrait pas droit au versement de cette prime au pro rata temporis de sorte que le jugement, qui avait « fait droit à demande de M. [X] de ce chef pour l'année 2013, sera[it] donc infirmé » (arrêt page 5, al. 4), quand le jugement, dont l'exposant sollicitait expressément la confirmation sur ce point, avait condamné la société Sudalp II à lui verser la somme de 1 924,06 € au titre de l'année 2012, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé ; qu'en infirmant le jugement en ce qu'il avait condamné la société Sudalp II à payer à M. [X] la somme de 1 924,06 € au titre du de la prime de 13è mois due pour l'année 2012 sans assortir sa décision de motifs de nature à justifier sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en l'absence d'élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l'état de santé du salarié, la disposition d'une convention collective excluant les salariés licenciés pour cause d'inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident professionnel du bénéfice d'une prime qu'elle institue ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de l'exposant portant sur la prime du 13è mois due au titre de l'année 2013, que « l'article 3.7.2 de la [convention collective applicable] soumet[ait] le versement de ladite prime à la condition d'être titulaire d'un contrat de travail en vigueur au moment du versement et que par exception cette prime [était] versée au prorata temporis en cas de cessation de la relation du travail, en cas de départ ou de mise à la retraite, d'appel sous les drapeaux, de retour du service national, de décès, de licenciement économique et de départ en congé non rémunéré suspendant le contrat de travail ou de retour d'un tel congé intervenant en cours d'année » (arrêt page 5, al. 3) et que M. [X] ayant été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement et que ce motif « n'ouvr[ait] pas droit à paiement de l'indemnité annuelle » (arrêt page 5, al. 4), la cour d'appel, qui a fait application des dispositions d'un accord collectif excluant, sans justification objective, les salariés licenciés pour inaptitude en raison de leur état de santé a violé les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
M. [E] [X] fait grief à l'arrêt confirmatif d'AVOIR rejeté sa demande de paiement de la prime de bilan due au titre de l'année 2011 ;
ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de l'exposant, que cette prime n'était pas due puisqu'il « ne bénéficiait pas lors du versement de cette prime en 2011 sur les résultats de l'année 2010, d'une ancienneté d'un an » (arrêt page 5, al. 6), quand M. [X] sollicitait le paiement de la prime de bilan au titre de l'année 2011, réglée par l'entreprise en 2012, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.