LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 avril 2023
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 494 F-D
Pourvoi n° M 21-24.175
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 septembre 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023
M. [Z] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-24.175 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Applications usinage des plastiques pour l'industrie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [T], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Applications usinage des plastiques pour l'industrie, après débats en l'audience publique du 22 mars 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 décembre 2020), M. [T], engagé en qualité de fraiseur le 17 mai 2005 par la société Applications usinage des plastiques pour l'industrie (la société), a exercé son mandat de délégué du personnel suppléant dans l'entreprise jusqu'au 7 octobre 2016 et a été candidat suppléant aux élections, en date du même jour, des délégués du personnel.
2. Par lettre du 1er février 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement fixé le 9 février 2017 et l'a mis à pied à titre conservatoire.
3. Par décision du 11 avril 2017, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement.
4. Par lettre du 28 avril 2017, le salarié a été licencié pour faute grave.
5. Ce dernier a saisi la juridiction prud'homale en annulation, à titre principal, de ce licenciement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'est pas nul et de le débouter de toutes ses demandes, alors « que l'autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'est irrégulier le licenciement, sans autorisation de l'inspecteur du travail, du salarié convoqué à l'entretien préalable avant le terme de la période de protection ; qu'en relevant, pour juger que le licenciement de M. [T] par la société n'est pas nul, que le salarié a été convoqué à un entretien préalable le 1er février 2017 mais que ce licenciement n'est pas nul dès lors que la période de protection légale a expiré le 7 avril 2017 et qu'à cette date l'employeur a retrouvé le droit de le licencier sans autorisation de l'autorité administrative, ce qu'il a fait en licenciant M. [T] pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 avril 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5, L. 2411-7 et L. 2421-3 du code du travail dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2411-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :
7. Selon ce texte, l'autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection légale à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement.
8. Pour rejeter la demande de nullité du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes, l'arrêt retient que la période légale a expiré le 7 avril 2017 soit avant que l'inspecteur du travail, régulièrement saisi par l'employeur, ne rende sa décision et que, dès lors qu'il n'était plus protégé au moment où l'autorité administrative a rendu sa décision, l'employeur avait retrouvé le droit de le licencier sans autorisation de l'autorité administrative laquelle n'était plus compétente pour autoriser ou refuser cette mesure.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait été convoqué le 1er février 2017 à l'entretien préalable au licenciement et que la période de protection légale avait expiré le 7 avril 2017, ce dont il résultait qu'à la date d'envoi de la convocation à l‘entretien préalable, le salarié bénéficiait du statut protecteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Applications usinage des plastiques pour l'industrie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Applications usinage des plastiques pour l'industrie à payer à la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.