LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 avril 2023
Rejet
Mme SOMMÉ, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 495 F-D
Pourvoi n° D 22-14.029
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023
La société Arc en ciel santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-14.029 contre le jugement rendu le 18 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Meaux (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [O] [U], domiciliée [Adresse 1],
2°/ au syndicat Confédération nationale des travailleurs - solidarité ouvrière, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Arc en ciel santé, après débats en l'audience publique du 22 mars 2023 où étaient présents Mme Sommé, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Ollivier, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Meaux, 18 mars 2022), le syndicat Confédération nationale des travailleurs - solidarité ouvrière (le syndicat) a notifié le 26 octobre 2021 à la société Arc en ciel santé (la société) la désignation de Mme [U] en qualité de représentante de section syndicale au sein de l'entreprise.
2. Soutenant, notamment, que le syndicat ne remplissait pas les critères d'effectifs et de transparence financière pour constituer une section syndicale, la société a saisi, le 15 novembre 2021, le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de la désignation de Mme [U].
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation de Mme [U] en qualité de représentante de section syndicale, alors « qu'en vertu des articles L. 2142-1 et du code du travail, la désignation d'un délégué syndical est subordonnée à la preuve de l'existence d'une section syndicale, laquelle suppose la présence d'au moins deux salariés dans l'entreprise, mais que l'adhésion du salarié à un syndicat relève de sa vie personnelle et ne peut être divulguée sans son accord, de sorte qu'à défaut d'un tel accord, le syndicat qui entend créer ou démontrer l'existence d'une section syndicale dans une entreprise, alors que sa présence y est contestée ne peut produire ou être contraint de produire une liste nominative de ses adhérents ; qu'il en résulte qu'en cas de contestation sur l'existence d'une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d'au moins deux adhérents dans l'entreprise, dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance, cet aménagement du principe du contradictoire lui imposant de faire apparaître dans sa décision la nature des éléments de preuve fournis par le syndicat et ceux d'entre eux lui permettant de retenir l'existence d'une section syndicale, en application de l'article 455 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, en dépit de la contestation de la société Arc en ciel santé, en se contentant d'affirmer que le syndicat justifie, dans le respect du principe du contradictoire aménagé pour respecter la vie privée et la liberté syndicale de ses adhérents, de la présence dans les effectifs de la société de deux salariés, en ce compris Mme [O] [U], adhérents à jour de leur cotisation au moment de la désignation litigieuse et qu'il convient donc de constater que le syndicat justifie effectivement de la présence de deux adhérents au sein des effectifs de la société requérante, sans rappeler les éléments de preuve produits par le syndicat, ni indiquer ceux d'entre eux qu'il avait estimés suffisamment probants pour retenir la présence de deux salariés syndiqués dans l'effectif de la société, permettant ainsi de considérer comme rapportée la preuve l'existence d'une section syndicale à la date de la désignation contestée, le tribunal judiciaire a insuffisamment motivé sa décision et par suite méconnu l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article L. 2142-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qu'en cas de contestation sur l'existence d'une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d'au moins deux adhérents dans l'entreprise, dans le respect du principe de la contradiction, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance.
5. Ayant retenu, par une décision motivée, que le syndicat justifiait, dans le respect du contradictoire aménagé pour respecter la vie privée et la liberté syndicale de ses adhérents, de la présence dans les effectifs de la société de deux salariés, dont Mme [U], adhérents à jour de leur cotisation au moment de la désignation litigieuse, le tribunal n'encourt pas le grief du moyen.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait le même grief au jugement, alors « que l'obligation de transparence financière, qui conditionne la création d'une section syndicale permettant la désignation d'un délégué syndical dans l'entreprise en vertu des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail, implique que les comptes du syndicat aient été arrêtés par l'organe chargé de la direction et approuvés par l'assemblée générale des adhérents ou par un organe collégial de contrôle désigné par les statuts, ainsi que le prévoit l'article L. 2135-4 du code du travail, ou à tout le moins conformément aux prévisions de ses statuts, et qu'en l'espèce, ainsi que le rappelait la société dans ses conclusions, l'article 14 des statuts du syndicat confère au bureau une compétence limitée à l'exécution des mandats de l'assemblée générale et au règlement des affaires courantes ; qu'en l'espèce, le tribunal s'est contenté d'affirmer que le syndicat produit au débat contradictoire ses comptes de résultat et bilans simplifiés pour les années 2018 et 2019 et justifie tant de leur approbation par son bureau que de leur notification aux services de l'inspection du travail, et que pour les comptes 2020, il produit également le compte de résultat et le bilan simplifié ainsi que l'approbation réalisée par le Bureau, le syndicat défendeur justifiant en outre de la publication de ses comptes depuis l'année 2012 jusqu'à ce jour au Journal Officiel, ce dont il ressort que, nonobstant l'affirmation, au demeurant non étayée, de la société, selon laquelle le bureau serait un organe statutairement incompétent pour approuver les comptes, les éléments produits par le syndicat apparaissent suffisamment précis et concordants pour démontrer son respect du critère de la transparence financière ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que les comptes du syndicat avaient été publiés au journal officiel, sans jamais relever l'approbation desdits comptes par l'assemblée générale du syndicat, organe normalement compétent, ou l'existence de délégations conférées par l'assemblée générale au bureau du syndicat, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail que les documents comptables dont la loi impose aux organisations syndicales la confection et la publication, en application des articles L. 2135-1, L. 2135-4 et L. 2135-5 du même code, ne constituent que des éléments de preuve du critère de transparence financière, leur défaut pouvant, dès lors, être suppléé par d'autres documents produits par ces organisations.
9. Le jugement retient que les comptes de résultat et bilans simplifiés du syndicat pour les années 2018 et 2019 ont été approuvés par son bureau et notifiés aux services de l'inspection du travail, que pour l'année 2020, le compte de résultat et le bilan simplifié ont également été approuvés par le bureau et que les comptes du syndicat ont été publiés au Journal officiel depuis l'année 2012 jusqu' à la date de la décision, sans que les statuts du syndicat prévoient une approbation par l'assemblée générale.
10. Le tribunal, qui en a déduit que le critère de la transparence financière était satisfait lors de la désignation de la salariée en qualité de représentante de section syndicale, a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Arc en ciel santé et la condamne à payer au syndicat Confédération nationale des travailleurs - solidarité ouvrière la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.