LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
HG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Rejet
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 353 F-D
Pourvoi n° Y 22-14.484
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ M. [X] [N],
2°/ Mme [H] [R], épouse [N],
tous deux agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de [D] et [K] [N],
3°/ M. [D] [N],
4°/ M. [K] [N],
5°/ M. [C] [N],
tous cinq domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° Y 22-14.484 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [Y] [P], domicilié polyclinique du [6], [Adresse 5],
2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société Aon France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Côtes-d'Armor, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. et Mme [N], tant en leur nom personnel qu'ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P], de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 février 2022), le 14 août 2006, Mme [N] a donné naissance à la polyclinique [6] à l'enfant [D], en état de mort apparente, qui a été transféré au centre hospitalier de [Localité 7] et a conservé des séquelles.
2. Les 3 et 5 septembre 2013, après un échec de la procédure de règlement amiable, M. et Mme [N], agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, ont assigné en responsabilité et indemnisation M. [F], gynécologue-obstétricien qui avait suivi la grossesse et M. [P], gynécologue-obstétricien de garde, appelé par la sage-femme, qui avait réalisé l'accouchement en recourant à une extraction par ventouse, ainsi que la société Axa Assurance, son assureur. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor qui a sollicité le remboursement de ses débours.
3. Les demandes formées contre M. [F] ont été rejetées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [N] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre M. [P], alors :
« 1°/ que les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que M. [P], « médecin (?) de garde le jour de l'accouchement », était intervenu « vers 17 h, soit à un moment déjà qualifié de tardif par les experts », « après plus d'une heure et demie de ralentissements successifs profonds et prolongés du rythme cardiaque » du f?tus, pour finalement mettre alors en oeuvre une méthode d'extraction par ventouse qui « n'est pas conforme aux recommandations professionnelles » ; qu'en l'exonérant toutefois de toute responsabilité, au motif « qu'aucun élément du dossier ne permet de certifier l'heure exacte à laquelle M. [P] a été appelé par la sage-femme » et que « le défaut de césarienne ne peut constituer une faute de la part de M. [P] qui a agi au plus vite », cependant que, dans la mesure où elle constatait qu'il était le médecin de garde au jour de l'accident, qu'aucun élément du dossier n'établissait qu'il aurait été appelé tardivement et qu'il était avéré qu'il avait mis en oeuvre une méthode d'extraction du f?tus inadaptée, elle devait en déduire l'existence d'une faute médicale et d'un lien entre cette faute et le préjudice subi par l'enfant, la cour d'appel, en ne retenant pas l'existence de ce faute et du lien de causalité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
2°/ que les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute ; qu'en relevant à l'appui de sa décision que « les experts n'ont pas tenu compte du fait que l'enfant présentait une circulaire du cordon » et qu'ils « n'ont pas expliqué les conséquences de la présence du cordon ombilical autour du cou de l'enfant sur les épisodes de bradycardie », cependant qu'en toute hypothèse, le praticien, dont il est constaté qu'il est intervenu tardivement, aurait dû s'inquiéter plus tôt des anomalies du rythme cardiaque du f?tus qui a abouti à une asphyxie aiguë génératrice d'un préjudice important, et que ce retard mis à poser un diagnostic pertinent a nécessairement constitué une faute médicale, la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'un tel retard, puis a écarté la responsabilité de M. [P] pour un motif inopérant lié à la présence du cordon ombilical autour du coup de l'enfant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
3°/ que dans leurs conclusions d'appel, les consorts [N] faisaient valoir que même en tenant compte des circonstances extérieures à la prise en charge de l'accouchement, « le premier expert a toutefois retenu une perte de chance d'éviter la survenue du dommage à hauteur de 95 % » ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
5. Après avoir énoncé à bon droit que l'accouchement se déroulant sous la responsabilité de la sage-femme, salariée de la clinique, M. [P] n'était pas tenu d'y assister, la cour d'appel a retenu que, si, selon les experts, des épisodes de bradycardie étaient survenus témoignant d'une asphyxie foetale et justifiant une extraction foetale rapide et une césarienne jusqu'à une certaine heure et s'il était intervenu tardivement, aucun élément du dossier ne permettait d'établir l'heure exacte à laquelle M. [P] avait été appelé par la sage-femme, qu'il avait alors agi au plus vite, que la ventouse n'avait pas causé de dommage et que les manoeuvres pratiquées pour résoudre la dystocie imprévisible survenue lors de l'accouchement était conforme aux recommandations et avaient permis le dégagement foetal.
6. Sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes relatives à la perte de chance, et, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, elle a pu en déduire que M. [P] n'avait pas commis de faute.
7. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.