LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 643 F-D
Pourvoi n° Z 22-11.679
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2023
Mme [P] [Y] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 22-11.679 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Rhadamanthe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], exerçant sous l'enseigne Eurécole,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [Y] [C], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Rhadamanthe, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [Y] [C] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2020), Mme [Y] [C] a été engagée en qualité d'institutrice, en septembre 2002, par la société Rhadamanthe (la société).
3. Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société le 9 juin 2016.
4. Le 26 juillet 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale et sollicité qu'il soit dit que cette prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul et que l'employeur soit condamné au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission et de rejeter en conséquence toutes ses demandes relatives aux dommages-intérêts dus au titre d'un licenciement nul ainsi que pour préjudice moral et à l'indemnité compensatrice de congés payés, alors :
« 1°/ que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L.1152-3, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel ne pouvait sans contradiction constater que les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, font présumer l'existence d'un harcèlement moral et considérer que ce harcèlement n'est pas avéré au motif que l'attestation de son médecin, produite par la salariée, se rapporte aux seuls propos de cette dernière sans qu'il ait lui-même constaté le harcèlement moral sur le lieu de travail ; qu'en ayant statué ainsi par des motifs inopérants, sans respecter la portée de la présomption qu'elle affirmait avoir retenue, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de la réalité du harcèlement moral invoqué, en violation des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'après avoir constaté que les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, font présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel ne pouvait, pour écarter cette présomption, se borner à faire état d'éléments rapportés par l'employeur relatifs au climat général de l'établissement et à des témoignages de satisfaction de personnes étrangères à l'établissement, qui ne pouvaient avoir été témoins directs des faits invoqués ; qu'en retenant ainsi des éléments inopérants rapportés par l'employeur, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait sans rechercher, comme le commandaient les conclusions de la salariée, si l'employeur n'avait pas manqué gravement à ses obligations de prévention et de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, en s'étant abstenu de toute réaction après avoir été informé par l'intéressée des faits de harcèlement moral dont elle affirmait être la victime ; qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1152-4, L.4121-1, L.4121-2, ensemble de l'article L. 1231-1 du code du travail ;
4°/ que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a qualifié la rupture du contrat de travail de démission et écarté le harcèlement moral invoqué par la salariée, entraînera par voie de conséquence sa censure en ce qu'il a rejeté les autres demandes de la salariée relatives à l'indemnité compensatrice de congés payés et à l'indemnisation d'un préjudice moral distinct du préjudice résultant de la nullité du licenciement. »
Réponse de la Cour
6. D'abord, sous le couvert de griefs de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L.1154-1 du code du travail, déduit l'existence de justifications par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
7. Ensuite, ayant relevé que, à la suite d'une visite auprès du médecin du travail, celui-ci avait procédé à une visite des lieux et établi une fiche d'entreprise mentionnant que le climat psychologique de l'établissement était satisfaisant hormis une situation conflictuelle isolée, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
8. Le moyen, privé de portée en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence, n'est dès lors pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.