LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juin 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 417 F-D
Pourvoi n° W 22-13.539
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
La société Francusa, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-13.539 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société l'Habitat social rationnel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société civile immobilière Francusa, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société l'Habitat social rationnel, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2021), se prévalant d'une promesse synallagmatique de vente d'un local à usage commercial conclue avec la société L'Habitat social rationnel (la société HSR), la société civile immobilière Francusa (la SCI) l'a assignée aux fins de constatation du caractère parfait de la vente et, subsidiairement, d'en ordonner l'exécution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors :
« 1° / que les juges doivent apprécier la force probante des éléments de preuve produits devant eux ; qu'en se fondant pour objecter que l'exposante ne rapportait pas la preuve de l'engagement de la venderesse, sur la seule circonstance que cette dernière contestait l'intégralité de la copie de la promesse de vente produite par son adversaire, sans rechercher si la copie de l'acte était ou non fidèle à l'original, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 ancien du code civil ;
2°/ que la loyauté des débats et la loyauté probatoire interdisent de se procurer des preuves par stratagème ou de priver une partie de la possibilité de faire la preuve de ses allégations ; que, pour établir l'impossibilité de produire aux débats l'original de la promesse de vente, l'exposante faisait valoir, pièces à l'appui, que celui-ci avait été remis entre les mains de Me [S], notaire, qui, après avoir tout d'abord reconnu à plusieurs reprises être dépositaire de l'acte appartenant au gérant de la venderesse - dont il ne pouvait se défaire sans l'accord de ce dernier - avait prétendu ensuite, devant le juge de la mise en état ayant ordonné la production en original de l'acte, ne jamais avoir été en possession de celui-ci ; qu'en retenant que l'exposante ne faisait pas la preuve de l'engagement de sa cocontractante à lui vendre le local litigieux sans répondre à ce moyen qui était de nature à établir que les affirmations contradictoires du notaire étaient susceptibles de démontrer le stratagème ourdi par son client afin de faire échec à la vente et ainsi d'établir l'impossibilité pour l'acquéreur de produire l'acte original, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. Par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a relevé que la pièce produite par la SCI était non un original mais une simple photocopie ne précisant pas le nombre d'originaux établis, de sorte que, faute de respecter le formalisme prévu à l'article 1325 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, elle ne pouvait pas valoir preuve de la promesse synallagmatique de vente.
4. Elle a également relevé que le gérant de la société HSR, M. [L], contestait sa signature sur le document original, qui ne pouvait pas être considéré comme un acte émanant de la personne à qui on l'opposait et constituer un commencement de preuve par écrit, et qu'en toute hypothèse, les lettres et courriels du notaire ne mentionnaient pas l'existence d'une signature de M. [L] sur le document litigieux et ne pouvaient pas compléter un commencement de preuve.
5. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation relativement à la disparition de l'acte original, et qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, en a souverainement déduit que la SCI ne rapportait pas la preuve de la promesse alléguée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Francusa aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière Francusa et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société l'Habitat social rationnel ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.