LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 22-84.804 FS-B
N° 00741
ODVS
27 JUIN 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 JUIN 2023
M. [V] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 2022, qui, pour infractions au code de l'urbanisme et au code de l'environnement, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [V] [D], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [V] [D], propriétaire de parcelles situées sur le territoire de la commune de [Localité 2], a été poursuivi des chefs d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, construction ou aménagement dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels, infraction au plan local d'urbanisme et poursuite de travaux malgré arrêté interruptif.
3. Le juge du premier degré l'a déclaré coupable de l'ensemble des faits objet de la prévention, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [D] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [D] à une peine d'amende de 3 000 euros et a ordonné la mise en conformité des lieux et la démolition des seuls ouvrages irréguliers exécutés sur la parcelle cadastrée section H n° [Cadastre 1] dans un délai de six mois à compter du prononcé du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard, alors :
« 1°/ que toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que pour condamner M. [D] au paiement d'une peine d'amende de 3.000 euros et à une peine complémentaire de démolition des ouvrages irréguliers, l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu' « en considération de ce qui précède et des ressources du prévenu, dirigeant d'une société de travaux publics, il y a lieu d'infirmer le jugement dont appel sur la peine principale d'amende qui sera réduite à hauteur de 3.000 euros » et qu' « au titre de la peine complémentaire, il n'y a lieu de confirmer la mise en conformité des lieux et la démolition des seuls ouvrages irréguliers exécutés sur la parcelle cadastrée section H n° [Cadastre 1] sous la même astreinte (?) » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi la gravité des faits, la personnalité et la situation personnelle de M. [D] auraient justifié le prononcé d'une telle amende et d'une telle peine complémentaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 485-1 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l'article 132-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen en ce qu'il concerne la remise en état
7. En ordonnant la remise en état des lieux, qui ne constitue pas une peine mais une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, les juges d'appel n'ont fait qu'user de la faculté que leur accorde l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme.
8. Ainsi, le grief doit être écarté.
Sur le moyen en ce qu'il concerne la peine d'amende
Vu les articles 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512 et 593 du code de procédure pénale :
9. En matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
10. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Pour condamner M. [D] à 3 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué se borne à statuer en considération des dispositions de l'article 132-20 du code pénal et des ressources du prévenu, dirigeant d'une société de travaux publics.
12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas motivé le choix de cette peine au regard des circonstances de l'infraction, n'a pas justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation sera limitée à la peine d'amende, dès lors que la déclaration de culpabilité et la mesure de remise en état n'encourent pas la censure, les dispositions civiles de l'arrêt attaqué n'étant par ailleurs pas critiquées. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
15. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [D] étant devenue définitive par suite de la non-admission des premier et deuxième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 3 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la peine d'amende, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [V] [D] devra payer à la commune de [Localité 2] au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-trois.